Jour 92 : le midi

Main dans la main, Louis et moi déambulons dans les couloirs afin d'aller au centre de documentation en attendant que la file d'attente du self s'amenuise.

Nous avons depuis quelques semaines notre petite routine de couple, tout fonctionne très bien et cela nous convient aussi. Nous évitons au maximum les bains de foule afin de minimiser nos échanges avec les gens, mais aussi et surtout d'échapper aux regards médisants.

Je me demande toujours pourquoi les personnes agissent de cette façon alors que nous n'avons rien fait contre eux. Louis et moi, nous vivons juste notre petite idylle, nous profitons de nos moments ensemble, certes sans réellement se soucier du monde qui nous entoure, toutefois si quelqu'un avait vraiment appris à nous connaître, on nous comprendrait un peu plus. Louis est peut-être une personne plus sociable que moi, mais en apparence. Pour ma part, je n'ai aucun problème avec ça, mais il me faut un certain temps avant de me sentir à l'aise. En conclusion, on ne nous comprend pas et nous, nous ne comprenons personne.

– Heavan, nous n'aurions jamais pu nous cacher autant de temps, les gens on finit par savoir qu'on était ensemble parce que c'était flagrant.

– Tu ne te cachais pas, pour ta part.

– C'est vrai, ricane ce dernier sournoisement, mais j'admets que c'était une période très excitante. Et puis, il suffit que tu sois en couple pour que tes amis te tournent le dos parce que tu as moins de temps pour eux, ou peut-être parce qu'ils sont jaloux qu'on soit toujours ensemble, qui sait ?

– C'est idiot, je trouve.

– N'oublie pas que ni toi, ni moi, n'étions réellement apprécié. Le fait qu'on soit ensemble n'a rien changé.

Je souris sans joie. Toute cette histoire est stupide, pourquoi un tel acharnement ? Les explications de Louis ne me convainquent pas.

– D'ailleurs, je ne te l'ai pas dit, mais ton mot m'a fait plaisir.

– Arrête d'en parler, j'ai honte !

– Tu ne devrais pas, je ne vais pas cesser de te la ressasser rien que pour t'embêter. D'ailleurs, je réfléchis à ajouter ma touche et à en faire une chanson rien qu'à nous.

La révélation de Louis me surprend, mais me flatte à la fois. Ce garçon a toujours les bons mots pour me rassurer, pour me faire sentir mieux chaque jour avec lui. Je ne pourrais jamais plus me passer de lui, il devient beaucoup trop important à mes yeux et rend mon quotidien de plus en plus radieux.

– Que dirais-tu d'une belle bande musicale avec ? Oh ! s'écrit-il d'un coup en s'arrêtant net. Et si on créait un duo ?

– Un quoi ?

Estomaquée, je serais la plus heureuse au monde si cela pouvait se faire, mais est-ce que j'ai les talents nécessaires ?

Celui-ci a toujours les yeux rivés sur ma feuille qu'il ne veut pas mettre dans son sac.

– Tu peux la ranger, tu sais ? je me marre face à cette vision assez comique.

– Pas encore, j'aime bien la tenir entre mes doigts. Ça faisait longtemps que j'attendais ce moment, alors laisse-moi savourer le moment.

Il semble si heureux d'avoir reçu de telles paroles, que cela m'émut moi aussi.

Nous approchons enfin du CDI quand Bill arrive de nulle part et se retrouve devant nous. Interloqués, nous tentons de l'ignorer et de le contourner, mais c'est sans compter son obsession pour nous rendre la vie impossible.

Je m'imaginais déjà recevoir un coup d'épaule ou de sac, mais je suis étonnée de le voir se diriger vers Louis. Tétanisée à la simple vue de ce type, je resserre ma poigne dans la main de mon copain. Remarquant mon angoisse monter d'un cran, celui-ci m'attrape par la taille et me colle contre lui, comme si nous ne faisions qu'un.

Je sens que lui aussi est dépassé par la situation, mais il tente de le masquer sûrement pour éviter de m'effrayer un peu plus.

Ce n'est pas moi, mais bien Louis qui se prend un sacré coup de sac à l'épaule et dans la même seconde, Bill s'empare de la lettre qu'il tenait dans son autre main.

Sans m'en rendre compte, je suis propulsée en arrière, me retrouvant à quelques mètres des deux garçons. Bill tient ma déclaration en l'air dans sa paume comme un chiffon, alors que Louis empoigne le col de ce dernier.

– Qu'est-ce que nous avons là ? s'esclaffe le blond en narguant son ancien ami. Une lettre d'amour ? Il paraît que vous avez parlé que de ça en cours !

Comment peut-il être au courant ? Louis et moi, nous avons précautionneusement caché ce détail, de plus nous étions en plein cours. Comment quelqu'un aurait pu savoir ce que cette feuille contenait ?

– Pourquoi tu fais ça ? rétorque Louis. Ça t'amuse de nous emmerder ? Ou bien peut-être que c'est la seule chose qui arrive à t'exciter dans ta misérable vie.

Je n'ai jamais vu ce dernier parler avec autant de vulgarité. Le teint de Bill devient blafard, Louis semble avoir touché un point sensible. Est-ce qu'il le savait en utilisant ces propos ?

– Ferme ta grande...

– Jusqu'ici, je l'ai fermé, le coupe-t-il, mais c'est terminé. Si tu continues à me faire chier, moi, ou bien ma copine, crois-le ou non, je ferais en sorte que mes actes soit bien pire que les tiens.

– Tu penses que tu me fais peur ? Tu n'es qu'un minus !

– Tu devrais. C'est un conseil d'ancien ami, estime-toi chanceux d'en avoir encore venant de ma part. Toutefois, et je me répète pour que tu te l'ancres bien dans ta petite cervelle de moineau, si jamais tu t'avises une fois de plus de la regarder, de la toucher ou bien même de lui parler, je serais obligé de te le faire regretter au quintuple. Ce sera mon premier et dernier avertissement. Maintenant, il me semble que tu as quelque chose qui m'appartient, conclut celui-ci, le ton traînant et caverneux.

Le regard froid, Louis toise Bill qui en fait de même. Cependant, ce dernier commence avec lenteur à baisser le bras pour tendre le papier à Louis qui le récupère sans lâcher le blond des yeux.

Une fois relâché, notre harceleur finit par tourner les talons sans un mot et sans même nous jeter un regard.

A contrario des paroles et du regards menaçant qu'il a tenu envers Bill, Louis pose ses yeux sur moi. Ils sont doux et attentionnés, alors qu'un sourire malicieux s'étire sur ses lèvres dangereusement attirantes.