Jour 91 : dimanche après-midi

La semaine a été épuisante, chaque minute était capturée par mes obligations, j’ai à peine eu le temps de respirer, encore moins de passer un instant avec Louis. Cette distance que je sens s'installer entre nous me ronge, bien que je sache qu’il n’en est pas responsable. C’est moi, encore moi qui me laisse engloutir par ce tourbillon.

En ce dimanche nuageux, j'aimerais me reposer, c'est ce que je me dis en m'affalant sur le canapé. Pourtant, une voix dans ma tête ne cesse de me rappeler une tâche essentielle, une mission que j’ai laissée en suspend depuis trop longtemps.

Un simple mot, une confession, une déclaration que je n’ai jamais eu le courage de faire.

Écrire n’est pas un obstacle pour moi. Je peux inventer des histoires sans fin, l'encre de ma plume coule facilement. Seulement cette fois, c’est différent. Écrire un mot pour Louis, exprimer ce que je ressens pour lui, pour nous, me semble impossible. Je suis paralysée par l’intensité de ce que j'ai à dire.

Par où commencer ?

Je pense à une lettre, mais je trouve ça trop formel, trop lourd de sens. Peut-être un poème, mais ce n’est pas du tout mon genre et puis, ça ferait trop romantique. C'est ridicule ! Je déteste ce genre de chose. Une chanson, alors ? Pas moyen ! Je n’ai jamais écrit une chanson, comment le pourrais-je ?

Je m’observe dans le miroir de ma coiffeuse, le stylo au bord des lèvres. Je ne sais même pas par où commencer, la frustration commence même à m'envahir. Pourquoi se fait-il que je sois bloquée à ce point ?

D'un coup, je me lève avec une bonne idée en tête. Peut-être que la musique me débloquera ? Mes écouteurs dans les oreilles, je monte le volume au maximum, espérant que les chansons m'inspireront, que les paroles des autres seront mon déclencheur. Malheureusement, aucune chanson ne semble convenir. Rien ne colle. Mes pensées restent figées, comme si un mur invisible m'empêchait de faire le premier pas.

Je n’arrive pas à comprendre pourquoi cela m’atteint autant. Pourquoi, en cet instant, la rédaction d’un mot à son encontre me paraît plus difficile que tout ce que j’ai pu faire auparavant ? Chaque minute qui passe me rappelle ma peur de l’échec, de ne pas être à la hauteur de mes propres sentiments.

Alors, j’essaie de me concentrer. De revenir à ce que je sais faire. Au lieu de trouver des mots, je me trouve coincée, paralysée par la simple idée de lui confier ce que je ressens.

Je sais que j’ai quelque chose d’important à lui dire, quelque chose que j’aurais dû exprimer depuis des jours. Malgré tout, ça reste coincé dans ma gorge, et mon cœur est un fouillis d’émotions contradictoires. Une partie de moi veut lui avouer, une autre a peur qu’il ne comprenne pas, ou pire, qu’il s’éloigne.

La vérité, c’est que je suis perdue dans cette mer d’incertitudes.

Finalement, après des heures à tourner en rond, je suis toujours devant cette feuille, les mains tremblantes.

Enfin, sans prévenir, l’encre commence à couler. Lentement au début, puis de plus en plus librement, comme si, enfin, mon esprit s’était ouvert. Mes idées se bousculent, et sans réfléchir à la tournure de mes mots, je me laisse aller.

Ces derniers viennent sans effort. Ils sortent sans que je puisse les arrêter. Je parle de lui, de nous, de ce que sa présence a changé en moi. De l'impact qu'il a eu dans mon quotidien, et de tout ce qu’il représente. Louis est bien plus que ce que j’avais imaginé. Il est devenu essentiel à ma vie, bien plus que je ne l’aurais cru possible.

Je lui écris que sa force, son courage, sont des phares dans ma vie. Que, malgré nos différences, malgré la distance qui parfois nous sépare, je trouve en lui un soutien inébranlable. Il est mon ancrage. Et moi, je tente de l’aider, de le soutenir dans les ténèbres de son passé, même de manière maladroite.

Je ne sais pas comment il réagira, s'il comprendra tout ce que j'essaie de devoiler avec mes mots bancales. Néanmoins, je l’aurai enfin fait.

Le stylo posé à côté de ma feuille remplie d'encre, j'admire celle-ci un peu étonnée par mes paroles.

Je vais me coucher tôt ce soir, épuisée par cette journée, mais aussi par cette mission que je m’étais imposée. Demain, il faudra que je lui donne cette lettre. Dieu seul sait quand j’aurai le courage de le faire, mais je sais que plus tôt je lui remets, plus facile ce sera.

Les yeux clos, j'espére que la nuit m’apportera un peu de réconfort, qu’elle me permettra de retrouver un peu de sérénité avant ce moment.

Toutefois, une inquiétude s’installe déjà en moi. Et si je ne savais pas comment lui donner ? Et si, au final, je n’étais pas prête à affronter ses réactions ?

Demain, tout changera, j’en suis certaine.