Jour 83 : Le soir

Je me fiche qu’il survole les détails ou non. Tout ce que je veux, c’est comprendre. Je refuse de rester dans le flou.

– Ce matin, débute-t-il, je t’ai envoyé un message pour te proposer de venir chez moi cet après-midi…

– Je n’ai jamais rien reçu ! m’exclamé-je, troublée par cette révélation.

Louis soupire, mais ne me laisse pas le temps d’ajouter quoi que ce soit.

– Tu as répondu en acceptant. Tu m’as dit que tu allais te préparer, mais que tu ne te souvenais plus de l’adresse exacte de ma rue. Alors, je te l’ai envoyée.

Je fronce les sourcils. C’est impossible ! J’avais mon téléphone avec moi toute la matinée, sauf…

Un souvenir me traverse. Je l’ai laissé dans ma chambre en allant prendre ma douche. Je ne le prends jamais, de peur que la condensation ne le fasse beuguer.

Mon cœur se serre.

Si j’avais fait attention ! Si j’avais vu son message…

– …quand je prends ma douche, terminé-je, le regard dans le vague.

Louis serre doucement ma main, me ramenant à lui.

– Ne culpabilise pas, d’accord ? Promets-le-moi.

Je ne peux pas lui promettre ça...

– Continue, s'il te plaît.

Celui hoche la tête, sa main toujours dans la mienne.

– Il était presque seize heures. J’avais prévu de te préparer un en-cas digne d'une reine, sourit-il faiblement, une lueur amusée passant brièvement dans ses yeux, j’étais plutôt fier… Je voulais t’impressionner, te montrer que mes talents de cuisinier avaient évolué.

Son pouce effleure ma joue avec une douceur déconcertante. Je l’imagine, impatient, préparant tout avec soin en attendant mon arrivée.

Nos regards s’accrochent.

L’espace d’un instant, j’oublie pourquoi nous sommes là, de notre sujet de conversation. Mon cœur cogne si fort que j’ai l’impression qu’il va exploser.

Non ! Pas maintenant !

Je me ressaisis, ramenant la conversation sur ce qui importe.

– Et ensuite ?

Louis cligne plusieurs fois des paupières, puis reprend :

– Il était bientôt seize heures et… j’ai cru que c’était toi qui frappais à la porte.

Un silence s’installe. Trop long. Trop pesant.

– Mais c’était lui, n’est-ce pas ?

Louis acquiesce lentement, se mordant la lèvre inférieure. Il évite mon regard et ne fait que fixer mes lèvres.

– Louis ?

– Oui, souffle-t-il, c’était lui. Je n’ai même pas eu le temps d’ouvrir que la porte m’a éclaté en plein visage. Si tu savais comme ça fait un mal de chien à cet endroit !

Il esquisse un sourire, tentant d’alléger la situation, mais je ne tombe pas dans le panneau.

– Je veux bien te croire. Et ensuite ?

Ce dernier détourne le regard, la mâchoires crispée.

– Il ne t’a rien dit ?

Son silence me donne la réponse.

– Louis…

– Peut-être bien.

– Tu te fiches de moi ?

Il inspire profondément, et l’espace d’un instant, je vois une ombre passer dans son regard.

– Je ne m’en souviens pas.

– Tu ne t’en souviens pas ou tu ne veux pas me le dire ?

Louis se redresse d’un bond, la colère éclatant dans sa voix :

– Il y a des choses qui ne te regardent pas, Heavan !

Je me relève à mon tour à sa hauteur, refusant de le laisser fuir ainsi.

– Alors parle-moi au moins de ce que je suis censée savoir !

Nos souffles se mêlent, nos regards s’affrontent comme deux adversaires prêts à en découdre. Je sais qu’il va finir par céder.

Soudain, sa voix n’est plus qu’un souffle effleurant ses lèvres, un murmure rauque et brûlant, teintée d'une douceur fiévreuse.

– Embrasse-moi.

Mon cœur rate un battement.

— Louis, je veux sav…

— Embrasse-moi, répète-t-il, telle une supplique voilée de désir.

Son regard accroche le mien, son corps tendu vers moi. L’orage gronde entre nous, mais au lieu d’exploser, il s’éteint dans cette tension sourde.

Je pourrais céder.

Je le veux, mais pas maintenant. Pas comme ça !

– Tu devrais te reposer, dis-je dans un souffle avant de tourner les talons et de fuir la pièce, mon coeur ne pouvant plus supporter ce sentiment de désir ardent qui brûle en moi.