Chapitre 63
Jour 75 : Le soir
Je descends les escaliers non sans appréhension. Passer du temps avec Louis, je l’ai déjà fait, mais jamais aussi longtemps.
Alors quand je l’aperçois, adossé contre sa moto devant mon immeuble, absorbé par son téléphone, mon estomac se tord. L’envie de faire demi-tour me traverse l’esprit, mais c’est trop tard.
Je finis par franchir les dernières marches quand celui-ci lève enfin les yeux vers moi, un sourire s’affichant aussitôt sur son visage.
– J’ai failli attendre, lance-t-il d’un ton faussement agacé.
_ Tu viens à peine de me prévenir que…
– Heavan, détends-toi ! Je rigolais.
Je relâche un peu la pression. Il me taquine, ce n’est pas un reproche. Pourtant, je reste sur mes gardes.
Il tend un objet sous mon nez.
– Enfile ça.
Un casque noir.
Je plisse les yeux, perplexe.
– Monte. On va avoir tout le week-end pour parler.
Je ravale ma nervosité et obéis. Alors qu’il grimpe sur la moto, je peine à attacher la lanière du casque. Louis s’en rend compte et approche ses mains des miennes.
– Laisse-moi faire.
Ses doigts effleurent la peau sensible de mon cou en bouclant la sangle. Un frisson me parcourt, mais je ne bouge pas d'un iota.
– C’est bon, t’es protégée maintenant.
J’avale ma salive et me hisse sur la moto. Le problème, c’est que je ne sais pas où me tenir. Mon regard cherche un appui, mais rien. J'ai beau avoir déjà montée cette engin, je me sens plus anxieuse que la dernière fois. Je suis perdue.
– Prête ?
Je hoche la tête sans grande conviction.
Il démarre brutalement, et le choc me propulse légèrement en arrière. Par réflexe, mes bras s’enroulent autour de sa taille. Une vague de chaleur me submerge face à cette proximité soudaine.
Quand à ce dernier, il se fige durant une fraction de seconde, sans doute surpris.
Le trajet se fait en silence. Les rues défilent sous mes yeux, baignées par les lumières nocturnes. Il y a quelque chose de fascinant dans la ville à cette heure-là : les lampadaires projetant des halos dorés, les néons criards des magasins, les fenêtres éclairées derrière lesquelles d’autres vies se déroulent.
Nous quittons progressivement l’agitation urbaine pour rejoindre une zone pavillonnaire plus calme. Les maisons sont alignées, impeccables, mais vides. L’atmosphère change du tout au tout.
– On y est, annonce Louis en stoppant la moto.
Il me tend une main pour m’aider à descendre, comme à mon habitude, je réfléchis trop longtemps.
D’un geste rapide, il attrape mes hanches et me soulève légèrement pour m'extraire de sa moto.
– M-Merci, bredouillé-je, mal à l’aise.
Son regard glisse sur moi, indéchiffrable. Puis, sans prévenir, il tourne les talons et s’éloigne vers l’entrée de la maison.
– Rentrons.
Son ton tranchant me cloue sur place. D’un coup, tout mon enthousiasme s’effondre.
Il m’a semblé… différent tout à l’heure. Mais là, il a de nouveau érigé ce mur invisible entre nous.
Mon cœur se serre.
Je refuse que ce week-end se transforme en une succession de silences gênants et de barrières infranchissables. Si je suis ici, c’est aussi pour briser cette distance qu’il entretient.
– Tu comptes camper dehors ? lâche-t-il, sans même se retourner.
Je réprime un soupir et le suis. L'intérieur de sa maison est plus qu'impersonnel.
Tout est impeccablement rangé. Trop même. Les murs sont nus, le mobilier sobre, les teintes froides. Aucun objet personnel en vue. Rien ne trahit une quelconque passion pour la musique.
Chez moi, il y a toujours des choses qui traînent : des carnets ouverts, des écouteurs oubliés, des photos d’anciens souvenirs, des vêtements. Ici, il n'y a rien. C’est propre, ordonné et étrangement vide.
Je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est un reflet de lui-même.
Je n’ai pas le temps d’y réfléchir davantage que Louis réapparaît derrière moi.
– Enlève ton manteau, tu vas finir par avoir trop chaud.
Louis ne me laisse pas le choix et retire de lui-même ma veste en jean matelassée.
– Tu veux boire quelque chose ?
– Je veux bien un verre d’eau.
Un rictus effleure ses lèvres.
– Tu sais, il existe d’autres boissons que de l’eau.
Sa voix s’adoucit légèrement, c'est alors que je surprends une lueur taquine dans ses yeux.
Je ne sais pas ce qui l’a fait changer d’attitude, mais je décide de'en profiter et de jouer le jeu.
– Je prendrais ce que tu me recommandes, alors.
Celui-ci arque un sourcil, amusé.
Le week-end ne fait que commencer.
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