Chapitre 62
Jour 75 : le soir
L'absence de mon père ne m'enchante guère. J’aimerais savoir au plus vite si je peux décamper de la maison ce soir.
Je le harcèle de messages, espérant une réponse rapide, mais le seul qu’il daigne m’envoyer est vague et insatisfaisant. L’impatience me gagne, alors je décide de l’appeler.
– Heavan ? Je t'ai dit que j'étais en réunion, lâche-t-il, exaspéré.
– J’avais juste une question... Si tu pouvais me répondre, c’est... urgent, insisté-je, espérant capter son attention.
Ce dernier pousse un soupir agacé. Je l’imagine déjà se pincer l’arête du nez, fatigué de jongler entre son travail et moi. Mais il voulait que je quitte maman pour vivre ici avec lui. Il me doit bien ça.
– On m’a invitée à un anniversaire ce week-end. Je voulais savoir si je pouvais y aller, enchaîné-je rapidement, avant qu’il ne me coupe.
– Tout le week-end ? s’insurge-t-il aussitôt.
– C’est une grande fête, et on sera entre filles, tu sais...
Un long silence s'installe. Je retiens mon souffle.
– Mmh... Je ne sais pas trop. Ça fait beaucoup pour un anniversaire.
Je m’y attendais. Il trouve toujours une excuse pour tout contrôler.
– Ma copine fête ses dix-huit ans, ajouté-je en appuyant sur les mots, sachant très bien que ce chiffre résonne fort pour lui.
Mon père attend ce moment avec impatience pour moi. Il veut marquer le coup, organiser une journée mémorable. J’utilise ça à mon avantage. C’est bas, mais nécessaire.
– S’il te plaît, j’essaie juste de m’intégrer. Ces deux jours pourraient m’aider.
Son deuxième soupir me parvient au bout du fil, plus long, plus hésitant. Mon cœur bat à tout rompre.
– Bon, vas-y. Mais fais très attention, tu m’entends ?
La victoire me monte à la tête.
– Comme toujours, papa. Tu me connais.
– Mouais... Il faut que je te laisse. Tiens-moi au courant, ok ?
– Promis !
L’appel se coupe, et un frisson me parcourt. C’est la première fois que je lui mens, et pourtant... Je ne ressens pas la moindre culpabilité. Au contraire, une étrange euphorie s’empare de moi. Une impression grisante d’échapper aux règles, de vivre enfin.
Sauf que l’excitation retombe aussi vite qu’elle est montée.
Je viens vraiment d’accepter de passer un week-end entier seule avec Louis ?
Je fixe mon téléphone, mon pouls s’accélérant sans raison apparente. Qu’est-ce qu’on va faire, qu’est-ce qu’on va se dire ? En réalité, je ne le connais pas tant que ça. Juste assez pour deviner qu’il joue un rôle, qu’il cache bien plus que ce qu’il montre.
Il donne l’image du mec détaché, du mauvais garçon qui n’a peur de rien. Pourtant je vois bien au-delà. Chaque fois qu’un sujet sensible surgit, il se ferme, esquive, comme si s’ouvrir lui coûtait trop cher.
Moi aussi, j’ai mes problèmes, mais au moins, je ne fais pas semblant d’aller bien.
Un soupir m’échappe. Peut-être qu’au fond, on est plus semblables qu’on ne le pense.
Je secoue la tête et me mets à préparer mes affaires, enfournant quelques vêtements dans un sac à dos. Chaque geste est mécanique, mais mon estomac, lui, se noue de plus en plus.
Et si je faisais une erreur ?
L’idée d’annuler me traverse l’esprit. Lui inventer une excuse, prétendre une soudaine interdiction paternelle. Ce serait si facile...
Mais je ne suis pas comme ça. Ce n’est pas moi.
Louis est l’une des rares personnes qui me soutient au lycée. Je ne peux pas lui faire ça.
Je saisis mon téléphone et tape un message avant de faire marche arrière.
– Je suis prête.
L’adrénaline pulse sous ma peau.
Ce week-end sera l’occasion d’apprendre à le connaître, cette fois pour de vrai.
Seulement, une question me hante toujours : et si je me trompais sur lui ?
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