Chapitre 61
Jour 75 : fin d'après-midi
La fin de semaine est arrivée si vite. Je n'ai presque pas assisté aux cours ces derniers jours. Le plus étonnant, c’est que je ne ressens aucune culpabilité. Même l’idée que mon père puisse l’apprendre ne me touche plus.
Le lycée va bientôt fermer ses portes, et je m’enfonce dans l’air glacé de l’hiver français. Je m’arrête un instant devant le portail de l’établissement, absorbée par cette énième vision de lui.
Il est là, à quelques mètres, à l'extérieur de l’enceinte du lycée, appuyé contre la balustrade, l’air décontracté, une cigarette entre les lèvres. Il semble si détaché de tout. Je le contemple en silence, tout en observant les élèves qui passent sans se soucier de ma présence.
C’est lui qui, un instant plus tard, lève les yeux, et nos regards se croisent. Un sourire discret, espiègle, se dessine lentement sur son visage.
Nous restons figés, les yeux dans les yeux, sans que personne autour de nous ne remarque l’intensité silencieuse de cet échange. Le monde autour de nous semble flou, lointain.
Un sourire timide s’étire sur mon visage, fatigué de ces journées interminables, tandis que je tente de retrouver mes esprits. Je détourne finalement mon regard, le cœur battant, et reprends ma marche, comme si rien n’était.
Je prends l’habitude de sortir du lycée par l'entrée des professeurs et des livraisons, fuyant le regard des autres élèves, leur curiosité, leur jugement. La vidéo d'Angel à eu un impact considérable sur mon malaise, mais d'un autre côté, rien de plus n'en ai ressorti.
Dans mes pensées, une main se saisit soudainement de la mienne, m’arrêtant dans mon élan. Surprise, je lève les yeux, et il est là, devant moi, toujours avec ce sourire narquois.
La chaleur de sa main m'envahit, et un frisson me parcourt l'échine. Mon corps semble réagir tout seul, se rapprochant de lui malgré moi, chaque mouvement pesant, comme si le simple fait d'être près de lui effaçait tout le reste de mes préoccupations.
Je jette un coup d’œil par-dessus mon épaule, et je distingue Bill, qui nous observe avec une lueur de mépris.
– Ne te préoccupe pas de lui, me murmure-t-il à l’oreille.
Tout mon être se concentre sur lui, comme si tout le reste devenait insignifiant.
Sans un mot, il dépose ses lèvres contre mon cou, tandis que sa main vient entourer ma taille, rapprochant nos corps. Je déteste la façon dont son souffle contre ma peau me trouble, le contact est électrisant, envahissant, et je n’arrive pas à masquer mon sourire satisfait, malgré le tourbillon de pensées qui m’envahit.
Quand il relève la tête, ses yeux se fixent sur un point derrière moi, et son expression change instantanément. Il ne regarde plus Bill, mais je perçois une tension palpable, une haine silencieuse dans son regard.
Je suis tirée de mes songes lorsqu'il me prend à nouveau par la main, et nous avançons rapidement, quittant l’agitation des étudiants derrière nous.
Curieuse, je me retourne brièvement. Bill est là, toujours planté comme une statue, nous observant de loin, sans bouger, un regard lourd de sens. Je n’ai pas besoin d’être une experte pour savoir qu’il ne nous lâchera pas de sitôt.
– Et si tu passais le week-end chez moi ? lance Louis soudain, brisant le silence.
Je reste bouche bée, surprise par sa proposition. Nous arrivons à l'arrêt de bus, où je me sens confuse.
– Tu en dis quoi ?
– Ce serait génial, mais mon père...
– Dis-lui que tu vas chez une copine, ou que tu fêtes un anniversaire, quelque chose comme ça ! me coupe-t-il, son regard espiègle illuminant son visage.
Je n’arrive pas à m’empêcher de sourire en le voyant si sûr de lui.
– D'accord. Je vais essayer.
Un sourire de satisfaction s'étend sur son visage alors qu’il mordille sa lèvre inférieure, une habitude qu’il ne semble pas vouloir perdre.
– Alors tiens-moi au courant. Je passerai te chercher en bas de chez toi.
Je hoche la tête, mes yeux toujours rivés sur les siens. Sa taille m’oblige à lever le regard, à tordre le cou pour pouvoir croiser son regard.
Ses yeux ne me lâchent pas, et un frisson d'appréhension me parcourt. Pourquoi est-ce que ses pupilles me fixent comme si j'étais la seule chose qui comptait dans ce moment ? C’est comme si chaque parole, chaque geste se reflétaient à travers ce regard. Il ne faut pas que je flanche, mais il me suffit de le regarder une seconde de plus pour perdre tout contrôle.
– Mais dis-moi, ce n’est pas là que tu prends ton bus habituellement ?
– Non, soupire-t-il, mais ça me permet de t’accompagner le plus loin possible.
Son sourire s’efface un instant, et une moue contrariée se forme sur mon visage.
– Ne sous-entend rien. Je sais ce que tu penses, mais je ne me suis pas éloigné jusqu’ici pour éviter Bill.
– De toute façon, tu le retrouveras à l'arrêt suivant, rétorqué-je, peu convaincue par son explication.
– Ce n’est pas lui qui va me dicter ce que j’ai à faire. J’ai déjà supporté mon père, alors que c’est de ma propre famille. Bill n’est rien d’autre qu’une personne égoïste et narcissique qui veut tout contrôler. J’ai accepté beaucoup de choses jusque-là, mais ça s’arrête là. Tu devrais en faire autant avec cette Angel.
Il n'a pas tout à fait tord...
Ce dernier pousse un long soupir, fermant brièvement les yeux, comme s’il se sentait soudainement plus léger, plus libre.
– Tu penses pouvoir te libérer ce soir ? répète-t-il avec un sourire presque vulnérable.
– Je vais tout essayer, lui dis-je, essayant de le rassurer.
– Super, répond-il en souriant, j'attends de tes nouvelles, alors.
Sans plus de mots, il s’engouffre dans le bus parmi les autres passagers, me laissant seule, plus vulnérable que jamais, dans cette mer de pensées contradictoires.
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