Chapitre 60
Jour 71 : début d'après-midi
Je relance la vidéo, la partageant avec Louis :
– Tu la blesses, tu m'atteins. Et moi, Angel, je ne pardonne pas facilement. Continue si tu veux tester tes limites. Tente encore une fois de la rabaisser ou de la piéger, et je te garantis que tu regretteras amèrement de t'être mêlée à des affaires qui te surpassent. Je ne suis pas du genre à avertir deux fois. Heavan est sous ma protection, et crois-moi, tu ne veux pas savoir jusqu'où je suis prêt à aller pour ceux qui comptent pour moi.
Je fronce les sourcils, abasourdie, tandis que je continue d'écouter :
– Alors, un conseil : arrête pendant que tu le peux encore. Parce que si tu insistes, c'est ta chute que tu prépares. Et crois-moi, tu ne te relèveras pas.
Les mots sont durs, incisifs, mais dans leur dureté, je sens une vérité brutale qui m’éclaire. Il n’y a pas de faux-semblants dans ce qu’il dit. Louis se bat pour ceux qu’il aime, et je suis l’une d’entre elles.
Je relève lentement les yeux vers lui, un mélange de colère et de compréhension dans le regard. Celui-ci s'approche de moi, scrutant l'écran avec attention.
– Heavan, je... je voulais te protéger. Je ne voulais pas que tu l'apprennes comme ça.
Je me sens totalement perdue, mais une vague d'émotions me submerge. Je ne peux plus cacher ce que je ressens, et je comprends enfin l'intensité de ses sentiments.
Tout ce qui m'importe, c'est le moment présent, alors sans m'attarder davantage, je me recroqueville de nouveau dans ses bras, nos corps se détendant petit à petit.
– Ne retourne pas en cours, m'implore Louis, alors que nous sommes toujours serrés dans les bras l'un de l'autre.
M'écartant de son corps svelte, je relève les yeux vers les siens, qui me fixent déjà. J'aime le regarder, j'aime le toucher, le sentir contre moi. Me savoir près de lui est comme un antidépresseur. Il me fait un bien fou, un bien-être qui ne sera jamais comparable à un médicament ou à une quelconque drogue.
Ce silence entre nous, c'est comme si le temps s'était arrêté, comme si plus rien n'existait. Aurai-je cru un jour que je ressentirais d'aussi fortes émotions pour quelqu'un que je viens de rencontrer ?
Lui et moi, nous ne discutons que très rarement. Je pense que nos yeux parlent pour nous, qu'ils communiquent entre eux. Moi, en tout cas, j'apprends à le connaître rien qu'en le regardant. Ses habitudes sont devenues pour moi parlantes et donnent un sens à certains de ses agissements. Quand il s'ébouriffe les cheveux, je sais dorénavant qu'il est gêné. Quand il se renferme sur lui-même, je sais qu'il faut qu'on laisse passer du temps avant de reprendre là où on en était. De simples petits détails sont devenus pour moi des paroles silencieuses.
Le principal, ce n'est pas d'apprendre à se connaître à tout prix, c'est de se comprendre mutuellement. Avec lui, c'est le cas.
Nous nous asseyons sur le sofa noir, ma tête posée sur son épaule, le regard dans le vide, tandis qu'il fixe le plafond.
– À quoi tu penses ? me demande-t-il soudain.
– À rien en particulier. Je me sens bien et c'est tout ce que je veux.
Il rit avant d'ajouter :
– J'aurais juré que je ne pourrais pas t'approcher pendant un petit moment, encore moins après cette fichue vidéo.
Frappée d'incompréhension et de curiosité, je m'éloigne de lui afin de lui faire face.
– Que veux-tu dire par là ?
Comme à son habitude, avant de parler, il m'observe sous toutes les coutures, pour finir par afficher un sourire espiègle :
– Je pensais que tu ne te serais jamais laissé approcher, ni même toucher.
Je dois bien avouer qu'il a raison, jamais je n'aurais baissé mes barrières de protection aussi vite. Mais je le répète encore : avec lui, tout, et absolument tout, est différent.
– Moi non plus, soufflé-je en déviant les yeux.
Avec douceur, sa main vient se poser contre ma joue. Puis ses doigts tracent une ligne fine et électrisante jusqu'à mon cou, où il remonte mon menton afin que je lui fasse de nouveau face.
– Ne te détourne pas.
– Alors ne t'oblige pas à faire comme si j'étais une personne normale ! rétorqué-je, piquée au vif. Je ne veux pas de ta pitié, ni d'aucune charité.
Il fronce les sourcils, sans doute déstabilisé par mon changement soudain de comportement.
– Retire ça tout de suite !
Son ton sec et brutal me déboussole à mon tour. Je le regarde enfin. Son visage est crispé, mais je ne distingue aucune colère qui en émane.
– Jamais je ne me forcerais à quoi que ce soit. Encore moins pour une fille, sache-le.
Ses mots sont durs à entendre, car je les prends comme un poignard en plein cœur. Blessée, je reste muette, alors qu'il s'est levé pour faire les cent pas. C'est sans doute l'aspect de Louis que je déteste. Il a une telle facilité à s'emporter qu'il faut marcher sur des œufs avec lui.
Je dis ça, mais je suis pareil...
Quand enfin, il s'arrête de tourner tel un lion en cage, il me fait face et pousse un long soupir de contrariété, ses doigts agitant ses cheveux dans tous les sens.
Au lieu de parler, de faire quelque chose, un geste, une parole, qu'importe, c'est le néant total. Il y a cinq minutes, nous étions enlacés, peu importait cette satanée vidéo d'Angel, mais à présent la foudre menace de s'abattre sur nous.
Ne sachant quoi faire, je reste rivée sur le moindre petit indice qu'il puisse me donner. Les yeux clos, il secoue la tête comme pour se flageller lui-même.
– Tu ne mérites rien de ce que je te donne. Je ne serai jamais à la hauteur, je n'y arriverai pas, et tu le sais. C'est voué à l'échec...
– Non ! Tu ne peux pas dire ça. Tu ne sais pas... tu...
Ma gorge serrée m'empêche de continuer à m'exprimer. J'essaie, mais je suis assaillie par le rêve qui devient un cauchemar. Comment peut-il tout remettre en question pour une simple discussion ? Alors, dans un automatisme qui me surprend moi-même, je me lève et me dirige vers lui, prête à expliquer. Mais au lieu de ça, il me devance :
– J'ai tendance à réagir à chaud. Je comprends où tu veux en venir quand tu me dis tout ça, mais ça me frustre que tu t'auto-détruis aussi aisément et aussi souvent. J'en ai l'envie, Heavan. J'ai envie de t'aider, mais je ne l'ai jamais fait et ne le ferai jamais pour personne d'autre. Je persévère, mais avec volonté, parce que je sais que nous sommes pareils. Je sais que c'est toi qu'il me faut...
Un peu revigorée par ces mots, mes mains se posent sur ses joues. Nos regards ne se lâchent pas d'une seconde.
– Nous avons chacun nos secrets. Nous avons chacun nos faiblesses. Je sais que tu en as, mais j'attends le jour où tu arriveras à me les confier, et ce jour-là, je serai encore plus heureuse qu'aujourd'hui.
Sa moue désapprobatrice, ses sourcils froncés, je continue ma tirade afin de lui prouver que je ne lui mens pas.
– Je le suis, Louis. Je t'assure que je n'ai jamais été aussi bien avec quelqu'un. Tu es...
– Quoi ? me coupe-t-il. Je suis quoi pour toi, Heavan ?
– C'est... commencé-je, honteuse d'avouer ce que je ressens au plus profond de moi, tu es...
– Quoi ? répète-t-il à quelques centimètres de mon visage. Je suis quoi ? Dis-le !
– Une évidence, lancé-je dans un murmure à peine audible, mon évidence
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