Chapitre 57
Jour 62 : Samedi, minuit passé
Louis me transporte dans son univers tout le restant de la soirée. Si je pouvais remonter le temps, j’effacerais cette affreuse fête chez Angel pour n’en garder que lui. Juste lui.
Il m’emmène dans un endroit que je n’aurais jamais fréquenté par moi-même : une immense salle obscure, jonchée de tables de billard, illuminée par quelques néons vacillants qui projettent leurs lueurs bleutées sur les murs. Au fond de la pièce, une petite scène est dressée, comme une promesse de magie à venir. L’ambiance est feutrée, presque fantomatique, avec seulement quelques employés qui nettoient silencieusement. C’est calme. Serein.
Louis ne dit rien lorsqu’il me guide à travers les tables, son sac en bandoulière et sa guitare à la main. Ce n’est que lorsque nous atteignons la scène qu’il me révèle la raison de notre venue : une répétition pour un futur concert qu’il donnera ici, dans cet endroit atypique.
Ce soir, je fais la connaissance de deux garçons, membres de son groupe. Ils me saluent poliment avec des sourires sincères, mais reprennent rapidement leurs instruments, s’immergeant dans leurs discussions techniques. À mon grand soulagement, je ne suis qu’une observatrice discrète, presque invisible. Louis semble toujours savoir ce qu’il me faut. Il sait quand j’ai besoin d’espace ou quand j’ai besoin de lui. C’est déstabilisant, mais incroyablement rassurant.
Je le regarde s’installer sur la scène. Le voir ainsi, concentré, ajustant les cordes de sa guitare tout en discutant avec ses partenaires, me fascine. Il semble à sa place, comme s’il était né pour être sous la lumière, même dans l’ombre d’une répétition privée.
Au fil de la soirée, je me perds dans ses gestes. Sa manière de gratter les cordes, de tapoter du pied pour marquer le rythme, de pencher légèrement la tête lorsqu’il chante. Sa voix… Elle m’enveloppe, douce et envoûtante, tout comme ce jour où il s’était mis à fredonner en cours d’espagnol. Je me souviens encore des paroles qu’il avait murmurées ce jour-là : « J’ai encore rêvé d’elle… » Depuis, cette chanson résonne dans mon esprit comme un écho.
Assise à une table près de la scène, je l’observe. Il est dans son élément, totalement absorbé par la musique. Ses sourcils se froncent parfois lorsqu’il est insatisfait d’un accord ou d’une transition. Le voir ainsi, sérieux et investi, me bouleverse. Je crois que c’est à ce moment-là que je réalise à quel point il compte déjà pour moi.
À un moment donné, nos regards se croisent. Un sourire discret se dessine sur son visage, et sans même m’en rendre compte, j’y réponds. Ce simple échange me donne l’impression que nous sommes seuls au monde. Pourtant, comme une idiote, je détourne les yeux, incapable de soutenir cette intimité.
Je n’ai pas le temps de m’en vouloir, car quelques minutes plus tard, Louis quitte la scène pour venir me rejoindre. Je le vois descendre les marches, sa guitare dans son dos, son pas assuré mais son regard interrogateur. Il s’approche de moi avec cette aisance naturelle qui me désarme à chaque fois.
– Un souci ? demande-t-il en s’asseyant à mes côtés.
Sa voix douce me tire de mes pensées, mais je ne sais pas quoi répondre. Je secoue simplement la tête, un peu perdue.
– Désolée… murmuré-je, en évitant son regard.
Louis fronce les sourcils, visiblement troublé par mon comportement.
– Pourquoi tu t’excuses ? questionne-t-il, sincèrement curieux.
Je ne sais pas quoi répondre. Mon visage se crispe, et une larme que je ne peux retenir glisse sur ma joue. Avant que je ne puisse me reprendre, celui-ci passe un bras autour de ma taille, m’attirant doucement contre lui.
– Ne t’excuse pas, souffle-t-il, sa voix presque inaudible.
Je me laisse aller, nichant ma tête contre son épaule. Ce contact, si simple mais si réconfortant, dissipe une partie de mes tourments.
– Je ne sais même pas pourquoi je suis comme ça… avoué-je dans un souffle.
Louis laisse échapper un rire léger, presque amusé.
– Peut-être parce que tu viens de vivre une soirée de merde ? Ou bien parce que ma musique est trop émouvante pour toi. Ou alors, parce que je suis juste trop parfait, plaisante-t-il avec un sourire en coin.
Sa remarque a l’effet escompté : j’éclate de rire malgré moi. Il a ce don incroyable de désamorcer toutes mes angoisses en quelques mots.
Ce dernier sort un mouchoir de sa poche et me le tend, un sourire toujours accroché à ses lèvres.
– Merci, murmuré-je en essuyant mes joues humides.
– Tu n’as pas besoin de me remercier et tu n’as surtout pas besoin de te justifier, me coupe-t-il avant que je n’ajoute quoi que ce soit.
Ses mots, si simples mais si sincères, ravivent un flot d’émotions en moi. Mes larmes reprennent, mais cette fois, elles sont accompagnées d’un sourire. Louis attend, patient et silencieux, jusqu’à ce que je relève enfin la tête.
Nos regards s’agrippent, je distingue dans ses yeux une tendresse qui me donne envie de m’y perdre.
– Tu vas bien ? demande-t-il doucement, sa main effleurant la mienne.
– Maintenant, oui, affirmé-je, un sourire timide sur les lèvres.
À cet instant précis, je l'intime conviction que j’ai trouvé quelqu’un qui ne me laissera jamais tomber.
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