Chapitre 55
Jour 61 : Le soir
Le regard d’Angel, glacial et rempli d’une cruauté sournoise, me transperce. Un frisson me parcourt l’échine.
À quoi rime cette soirée ? Pourquoi ai-je accepté de venir ?
Je respire profondément pour ne pas céder à la panique qui monte en moi. La bouteille de bière tourne entre mes mains, et quand elle s’arrête sur moi, les sourires narquois des filles réapparaissent aussitôt.
— Très bien ! s’écrie Angel, un éclat presque jubilatoire dans la voix. Action ou vérité ?
— Je… pardon ? Mais…
— Tu te décides ou pas ? coupe-t-elle sèchement, son sourire se tordant en une grimace impatiente. Action ou vérité ?
Je déglutis. Mon cœur tambourine dans ma poitrine.
— Vérité, dans ce cas, murmuré-je, hésitante.
Elles échangent des regards complices, leurs gloussements m’écrasant un peu plus.
— Super ! s’exclame Angel, le regard pétillant de malice. J’ai une question qui me turlupine depuis un moment : qu’est-ce que vous fabriquez, toi et ton musicien low-cost ?
Low-cost. Ce mot me frappe en plein cœur, un écho douloureux des mesquineries passées. Comment ose-t-elle rabaisser Louis de cette manière ? Ma gorge se serre sous la colère, mais je lutte pour ne pas exploser.
— Je… Je ne vois pas de quoi tu parles, balbutié-je, les mains moites et le souffle court.
— Oh, mais si, tu vois très bien, intervient Manon avec un sourire moqueur, un sourcil levé. À chaque fois qu’on vous voit, vous êtes collés ensemble.
Leurs voix sont tranchantes, crues, à l’opposé de la douceur et de l’élégance des mots de Louis.
Alors que je cherche une réponse, mon téléphone se met à vibrer frénétiquement dans ma main. Mon souffle se bloque.
— Qui t’appelle ? demande une fille à ma gauche, ses yeux glissant avidement vers mon écran.
— Je savais qu’elle cachait des trucs, ricane une autre, l’air triomphant.
— C’est ton papounet ? lance une blonde en étouffant un rire.
— Oh, papa t’appelle pour te dire qu’il est l’heure d’aller au lit ? minaude une brune, prenant une voix exagérément enfantine.
Les rires fusent autour de moi, assourdissants. Je me sens piégée, comme une souris au milieu d’une meute de chats.
— Rendez-moi mon téléphone, s’il vous plaît, dis-je, ma voix à peine audible.
Mais l’une d’elles est plus rapide. Avant que je puisse réagir, elle m’arrache mon portable et commence à fouiller dedans.
— Oh, attendez, glousse-t-elle. Elle a un message ! Écoutez ça : À quelle heure comptes-tu quitter la soirée ? Je pense venir te chercher plus tôt que prévu. Cela te dérange ?
Un éclat de rire collectif jaillit.
— C’est ton père, hein ? ricane Angel.
— Rends-le-moi ! m’écrié-je, paniquée.
Mes mains tremblent alors que j’essaie de récupérer mon portable. Mais elles me repoussent en riant de plus belle.
— C’est tellement pathétique, raille Angel, hilare.
Je suis acculée, piégée par leur cruauté. Je sens les larmes monter, mais je me bats pour ne pas pleurer devant elles.
— Regardez ça, continue Chloé, qui a pris le téléphone à son tour. Elle a mis un smiley pour le contact ! Sérieusement, qui fait ça ?
— C’est trop mignon ! moque une autre. Allez, je dis que c’est son papounet !
— On devrait la foutre dehors, propose une voix sèche. Elle gâche l’ambiance.
Un tambourinement soudain à la porte d’entrée interrompt leur cruauté. La cacophonie générale me donne une chance inespérée. Sans attendre, je leur arrache mon téléphone, attrape ma veste et cours vers la sortie.
Mon cœur bat si fort que j’ai l’impression qu’il va exploser. Je n’ai qu’une idée en tête : fuir, quitter cet endroit étouffant, même si je dois rentrer à pied.
Toutes les filles se figent, leurs regards braqués sur la porte. Qui cela peut-il être ?
Je n’ai pas le temps de réfléchir. J’ouvre la porte en trombe, et cette boule dans mon estomac éclate lorsque je me retrouve nez à nez avec lui.
Louis.
Il est là, devant moi, et la seconde où nos regards se croisent, quelque chose change dans son expression. Ses sourcils se froncent légèrement, et ses yeux, habituellement pleins de cette lueur amusée ou détachée, deviennent soudain sombres, intenses.
Je n’ai pas besoin de mots pour comprendre qu'ill sait. Il a compris en une fraction de seconde que quelque chose n'allait pas.
Sans un mot, je me précipite dehors, refermant la porte derrière moi.
— Monte, dit-il d'une voix grave, mais étrangement douce, comme s’il retenait une colère prête à exploser.
Sa présence m’apaise, mais la tension dans l’air est palpable. Jetant un coup d'œil à l'intérieur, je vois Angel qui ne dit rien, mais qui affiche un sourire narquois laissant deviner qu’elle mijote quelque chose.
Sans un mot, je me précipite dehors, laissant derrière moi les rires mesquins et les regards venimeux. Alors que je passe à côté de lui, Louis se décale légèrement pour me laisser de l’espace, mais je sens son regard se poser sur moi, comme s’il cherchait à vérifier que je vais bien.
Je prend place à côté de son véhicule, tremblante, et pendant un instant, tout est silencieux. Louis reste debout devant la porte, ses yeux braqués sur Angel, qui nous observe depuis le seuil avec son sourire suffisant.
Je n’entends pas ce que Louis lui dit, mais ses lèvres bougent, alors qu'Angel perd son sourire. Ses bras croisés tombent mollement le long de son corps, et son regard vacille. Puis, sans un mot de plus, Louis fait demi-tour me rejoint enfin.
Quand il attrape son casque et s'assoit, un soupir s’échappe de ses lèvres. Il ne démarre pas tout de suite, ses mains, posées sur le guidon sont crispées, ses phalanges blanchies.
– Tu vas bien ? demande-t-il enfin, sa voix un peu rauque.
Je hoche la tête, mais je sais que ça ne le convainc pas.
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