Jour 5 : Vendredi matin

– Heavan ! Réveille-toi, tu vas finir par être en retard ! hurle mon père, sa voix fracassant mes rêves encore enchevêtrés.

– Quoi ? Mais... mon réveil n’a pas…

D’un geste précipité, je saisis mon téléphone. L’écran m’affiche l’heure, et le constat est implacable : ce satané réveil n’a pas sonné. Six heures trente ? Maintenant, je vais être en retard pour mon premier cours !

– Oh non, papa ! Ce maudit téléphone ! Je te jure que je l’avais réglé !

– Ne t’inquiète pas, je ne travaille pas ce matin. Si tu veux, je t’emmène, propose-t-il avec un sourire. Tu arriveras même avant tout le monde.

Son sourire est contagieux. Mon père est tout pour moi. Il est ma lumière quand tout semble sombre, mon refuge quand tout va mal. Mon héros.

– Qu’est-ce que je ferais sans toi, papa ?

Je me blottis dans ses bras, le cœur gonflé de gratitude. Après un rapide câlin, il me conseille de me dépêcher. Je m’habille à la hâte et descends le retrouver pour le petit-déjeuner.

– Alors, comment ça se passe avec tes amis au lycée ? me demande-t-il, l’air curieux, pendant que je tartine généreusement une tranche de pain avec du beurre salé.

– Je ne sais pas vraiment si ce sont de vraies amies ou juste des gens qui me parlent quand ça les arrange, avoué-je, la bouche à moitié pleine.

– Ce n’est que la première semaine, Heavan. Donne-leur le temps. Les gens apprendront à te connaître, tu verras.

– Si tu le dis…

Mais au fond de moi, je doute. Pourquoi est-ce si compliqué pour moi ?

Dans la voiture, la pluie tambourine sur les vitres, dessinant des chemins sinueux que mes yeux suivent distraitement. J’aime ce genre de matinées, où la grisaille enveloppe tout.

– Essaie de t’ouvrir un peu plus aux autres, Heavan, murmure mon père. Je sais que ce n’est pas facile, mais c’est important pour toi.

– Papa, tu sais bien que c’est difficile. Aller au lycée est déjà une épreuve en soi…

– Je comprends, ma chérie. Mais fais-le à ton rythme. Ne te mets pas trop de pression.

Il pose une main réconfortante sur mon épaule avant de se garer devant le lycée. Mon estomac se serre. La foule compacte d’élèves devant le portail me donne déjà envie de fuir.

– Je fais de mon mieux, tu sais, soufflé-je en descendant. À ce soir, papa. Fais attention sur la route.

– Toujours, ma puce. Bonne journée !

– Je t’aime.

– Et moi encore plus.

Son sourire me réchauffe, malgré la boule dans ma gorge. Il a ce don, celui de me donner un peu de courage, même dans mes pires moments de doute.

Face au portail, une masse grouillante de lycéens se bouscule. Mon cœur tambourine dans ma poitrine.

– Tu peux le faire, murmuré-je pour moi-même.

Inspirant profondément, je m’élance. Mais à chaque pas, ma bravoure s’érode. J’enroule mon écharpe un peu plus autour de mon visage, comme si elle pouvait me protéger.

Dans la cohue des fumeurs devant l’entrée, l’air devient irrespirable. Les volutes de fumée et les conversations chaotiques m’étouffent. Impossible de demander aux gens de se pousser avec ma petite voix.

Soudain, un garçon immense, de près de deux mètres au moins, bloque mon chemin. Je suis sur le point d'abandonner quand, sans crier gare, quelqu’un le pousse sur le côté.

Je lève les yeux et croise un regard familier. Celui de ce garçon, celui de ma classe.

Son regard me transperce. Je balbutie un merci à peine audible avant de m’éclipser, le cœur battant.