Chapitre 42
Jour 40 : le midi
Louis n'a pas cessé de me coller depuis ce matin. Partout où je vais, il est là. Il s'installe à côté de moi en cours, m'observe, me suit dans les couloirs. C'est oppressant. Lui demander de me laisser tranquille ne sert à rien, il ignore mes paroles comme si elles n'existaient pas.
Comme chaque midi, je me dirige vers le CDI, espérant enfin un moment de répit, mais lui, toujours fidèle à son obsession, me suit encore.
- Louis, soufflé-je en m'arrêtant, si tu pouvais, je ne sais pas moi, aller manger, aller fumer, ou même aller voir tes amis... Mais s'il te plaît, laisse-moi en paix !
- Hors de question ! rétorque-t-il, catégorique. Je t'ai déjà dit que je ne bougerai pas tant que tu ne me diras pas ce qui s'est passé.
- Pourquoi tu insistes autant ? Tout le monde se fiche pas mal de ce qui m'est arrivé.
- Pas moi, répond-il sans hésiter, et si tout le monde s'en fout, c'est peut-être parce qu'ils ne savent pas la vérité. Par contre, moi, je veux la connaître.
Son regard me transperce. C'est comme s'il tentait de lire en moi, de déchiffrer ce que je cache. Alors je détourne les yeux, gênée.
- Suis-moi, dit-il soudain en attrapant ma main, ça te fera du bien de sortir un peu au lieu de t'enfermer dans tes livres.
- Je n'ai pas envie de sortir, protesté-je en tentant de dégager ma main, s'il te plaît, lâche-moi, Louis.
- Pas question.
- Où m'emmènes-tu ? demandé-je en tirant sur mon bras afin de me libérer.
- Prendre l'air.
- Je t'ai dit que je ne voulais pas !
Celui-ci s'arrête pour se retourner vers moi, son regard devenu plus sombre. Il n'est plus le garçon léger et persévérant de tout à l'heure. Il y a quelque chose de troublant dans son expression, quelque chose qui me fait peur.
- Qu'est-ce qui t'arrive, bordel ? explose-t-il. Pourquoi tu t'obstines à tout garder pour toi ?
Je recule d'un pas, déstabilisée par la froideur dans sa voix.
- Je ne m'obstine pas. Je veux juste qu'on me laisse tranquille. Pourquoi tu ne peux pas comprendre ça ?
- Parce que je ne peux pas te voir dans cet état sans rien faire, Heavan. C'est tout...
Son ton s'est adouci et ses mots résonnent comme une confession. Décontenancée, je baisse les yeux, ne sachant plus quoi répondre.
- Viens, insiste-t-il en me tendant la main, fais-moi confiance.
Je le fixe, incrédule. Confiance ? Comment pourrait-il comprendre ce que je ressens ? Cela dit, quelque chose dans ses yeux me désarme. Je soupire et, à contrecœur, je le laisse me guider hors du lycée.
Lorsque nous arrivons devant l'entrée, je comprends trop tard où il souhaite m'emmener. Une vague glaciale me traverse le corps.
- Non, Louis. Pas là...
Ma voix à peine audible, ce dernier continue d'avancer, ignorant mes protestations. Je m'arrête net en apercevant une silhouette familière, celle que je fuis depuis une semaine. Mon cœur s'emballe d'affolement.
- Salut, lance-t-il à un groupe qui traîne près des grilles.
- Hey, mec ! Comment tu vas ? répond un garçon que je ne connais pas, mais dont le visage était là, ce jour-là, avec le grand blond.
Je reste figée, incapable de bouger. Mes jambes tremblent, mes mains se crispent autour des manches de mon sweat. Je veux fuir, mais mes pieds semblent cloués au sol.
- Salut, Bill, dit Louis en souriant, j'ai amené une amie avec moi. Heavan ?
À l'instant où il prononce mon prénom, les yeux de Bill se posent sur moi. Ils brillent d'un mélange de malice et de mépris. Sa haine me frappe de plein fouet, et je sens une vague de panique m'envahir.
- Heavan ? répète Louis en s'approchant de moi.
Je ne réponds pas. Je recule d'un pas, puis deux, jusqu'à ce que mes jambes se décident enfin à bouger. Je me retourne et cours, ignorant les appels de Louis derrière moi.
- Hey, regardez-la ! s'écrie Bill en riant. Un vrai cas désespéré, cette fille.
Je m'engouffre dans le hall du lycée, le souffle coupé, le cœur en miettes. Mais avant que je puisse rassembler mes pensées, j'entends la voix de Louis s'élever, dure et tranchante comme une lame.
- Ferme-la ! grogne-t-il, le ton chargé de colère.
- Quoi ? plaisante Bill en haussant le ton afin d'attirer l'attention. J'ai dit quelque chose de faux ? Elle est pathétique ta copine !
- Essaye de répéter ça, pour voir, gronde Louis, juste une fois !
Le silence tombe. Je n'entends plus que les battements erratiques de mon cœur.
- C'est ça, tu ferais mieux de te taire, continue Louis, sa voix grondant d'une rage contenue, tu as un problème avec elle, c'est ça ? Eh bien sache que tu as un problème avec moi maintenant. Si tu crois que tu peux te permettre de la traiter de cette manière devant moi, tu te trompes lourdement.
- Eh, mec, calme-toi...
- Toi, tu te calmes ! Tu crois que ton attitude fait de toi un mec fort ? Tu n'es qu'un lâche, Bill. Un lâche qui s'en prend à plus fragile que lui pour exister.
Un silence plus lourd encore s'installe, suivi d'un bruit de pas qui s'éloignent.
- Et une dernière chose, ajoute Louis, son ton glacé, si j'entends encore une seule connerie sortir de ta bouche sur elle, je te jure que tu le regretteras. Aujourd'hui n'était qu'un avertissement, Bill.
Je tremble contre le mur du hall, incapable de bouger, incapable de respirer. Seulement au fond de moi, une chaleur douce et inattendue naît.
Peut-être que, pour la première fois, je ne suis plus totalement seule.
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