Chapitre 4
Jour 2 : Mardi matin
– Dépêchez-vous ! Allez, allez ! Plus vite !
C'est aujourd'hui le jour tant redouté de la photo de classe. Et bien sûr, mon père a trouvé malin de me mettre sur mon trente-et-un. Je regrette amèrement de lui avoir parlé de cet événement. Avec lui, tout ce qui concerne sa "petite fille chérie" devient une affaire d'État, au point de me mettre parfois dans des situations dignes d'un mauvais film comique.
– Toi, assieds-toi en bas et au milieu, ordonne le photographe à Angel.
Depuis dix bonnes minutes, il s'échine à organiser chaque élève dans ce qu'il appelle « la configuration parfaite ». Moi, je suis déjà de mauvaise humeur. Les photos ? Très peu pour moi. Je ne suis pas photogénique, et je déteste l'idée qu'une image puisse me figer dans une expression ridicule.
– Toi, le garçon, tout à droite. Et toi, jeune fille, à l'opposé.
Je traîne des pieds jusqu'à ma place. Et bien sûr, comme si le destin voulait se moquer de moi, mon opposé n'est autre que Monsieur Mystère. Parfait ! Mon père sera ravi de détailler chaque visage masculin de la photo juste pour m'embarrasser durant le dîner.
Heureusement que personne ne sait ça. Sinon, la honte me collerait à la peau à vie.
– On sourit ! Trois, deux, un... Cheese !
– Friiiites ! crie un élève.
Quelle galère. N'aurait-il pas été préférable que je sois malade aujourd'hui ?
– Encore une autre ! Et cette fois, on s'amuse !
Torture, épisode deux ! En plus, pour couronner le tout, je porte ce pull en laine marron que ma mère a tricoté avec amour. Mon père a insisté pour que je le mette, comme si cet accoutrement allait rendre ce jour mémorable.
– Trois, deux, un... Cheese !
Je déteste vraiment le fromage...
– C'est bon pour moi, confirme le photographe à notre prof de français, c'est dans la boîte !
– Super ! En classe maintenant, et plus vite que tout à l'heure !
Je reste en queue de peloton, traînant derrière les autres, peu motivée par l’effervescence qui règne.
– Tu n’as rien perdu hier ? intervient une voix grave à côté de moi.
Je sursaute et tourne la tête. Monsieur Mystère.
– P-pardon ?
– Si jamais tu as des soucis avec la documentaliste, viens me voir. Je n’aimerais pas qu’un élève ait des problèmes à cause de mes deux mains gauches.
Ses paroles sont bienveillantes, mais son ton monotone et son regard glacial me désarçonnent. Je tripote nerveusement ma veste en jean, sans savoir quoi répondre, alors que ce dernier les fixe, les sourcils froncés.
– Détends-toi, la nouvelle, je ne vais pas te manger !
Son sourire se dessine doucement, puis il éclate d’un petit rire sournois avant de s’éloigner.
Ce regard, si hautain et narquois, me glace le sang. Comment peut-il être aussi désinvolte avec une fille qu'il ne connaît ni d'Adam ni d'Ève ?
Je reste figée sur place tandis que la classe s'éloigne. Si je ne tenais pas à mes affaires, j’envisagerais sérieusement l’école buissonnière.
*
C’est l’heure du repas. Tout le monde se presse dans la file pour entrer au self. Moi, seule, je préfère éviter de m’attabler sous les regards curieux ou moqueurs.
Je m’éclipse donc vers le centre de documentation. Pourquoi ne pas simplement l’appeler « bibliothèque » ? Bref. Je m’installe derrière un ordinateur et me perds dans mes écrits. Mon site de fanfiction m’attend, et j’ai une heure et demie devant moi pour avancer dans mes chapitres.
Angel, quant à elle, a filé dès la fin du cours. On dirait qu’elle fuit ma présence. Elle est étrange, cette fille. Mais au fond, cela m’est égal. Je préfère la solitude aux mauvaises compagnies.
D’ailleurs, d’après ce que j’ai vu et entendu, Angel n’est pas très populaire. Certains élèves se moquent d’elle dans son dos, surtout lorsqu’elle fait des choses un peu excentriques, comme danser au beau milieu d’un couloir.
Donc, dans un sens, je n’ai pas envie d’être associée à elle. Comme dirait mon père, ce serait « le pompon sur la Garonne ».
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro