Chapitre 36
Jour 35 : Le matin
Comme toujours, mon père s'est levé tôt ce matin. Fidèle à son habitude, il a filé chez son meilleur ami, probablement pour enchaîner quelques parties de billard. Il n'a même pas remarqué qu'un intrus avait passé la nuit sous son toit.
Il est neuf heures passées quand je me réveille. La première chose que je remarque, c'est l'absence de Louis dans ma chambre. Un frisson d'angoisse me traverse. Sans perdre une seconde, je saute hors du lit et fonce dans le salon. Là, je le découvre, allongé sur le canapé, plongé dans un sommeil paisible.
Il y a quelque chose d'hypnotique dans la sérénité de ses traits. Je m'arrête, fascinée, incapable de détourner les yeux. Ce n'est que lorsqu'il murmure mon prénom que je me rends compte de mon immobilité.
- Heavan ?
Je sursaute légèrement.
- Hein ? Pardon, tu disais quoi ?
- Tu veux boire quelque chose ?
Je reste sans voix. Il est chez moi, et c'est lui qui propose de me servir ? Sérieusement ?
- Non ! m'exclamé-je un peu trop vivement, le faisant tressaillir. Je m'en occupe. Toi, tu restes là, d'accord ?
Sans attendre de réponse, je me précipite dans la cuisine attenante. Mon esprit est en ébullition. Qu'est-ce qu'il veut boire ? Je n'ai aucune idée, et, pour être honnête, je n'ose pas lui demander. L'inconfort de la situation me prend à la gorge.
Les souvenirs de la veille reviennent en cascade. Je n'aurais jamais dû répondre à ses messages. Si je l'avais ignoré, je serais encore en sécurité dans ma routine tranquille, et non là, à me battre avec une cafetière en plein stress.
- Du café ? proposé-je finalement, d'une voix tremblante.
- S'il te plaît, oui, répond-il, concentré sur la télé que j'ai allumée afin de rompre le silence.
J'entends ce dernier marmonner quelque chose depuis le salon, mais les mots me parviennent étouffés.
- Tu disais ?
- Rien. Juste qu'il n'y a que des dessins animés à cette heure-ci. Franchement, c'est désolant ! La semaine, c'est du téléshopping, et le week-end, des programmes intéressants.
- Ah ! Oui, j'ai remarqué aussi, acquiescé-je en lui tendant une tasse de café brûlante.
Celui-ci attrape la tasse avec un remerciement distrait, ses yeux rivés à l'écran. De mon côté, je prépare mon habituel chocolat chaud et quelques tartines. Louis refuse poliment de partager mon petit-déjeuner.
- Tu veux regarder un film ? proposé-je après un moment, espérant briser l'ambiance étrange.
Il hoche la tête sans me regarder. Une tension invisible plane entre nous. Je ne peux m'empêcher de me demander si j'ai dit ou fait quelque chose de travers.
- Mon père a installé une application avec plein de films. Tu veux que je te montre ?
Cette fois, son regard se pose enfin sur moi. Ses yeux, noirs et glacials, me figent sur place. Je ne comprends pas ce qui se passe. Ai-je fait une erreur ? Avec Louis, si imprévisible, tout semble possible.
- Viens, dit-il finalement en tapotant le canapé à côté de lui.
Hésitante, je m'approche et m'assois avec précaution, comme si j'allais déclencher une bombe.
- Ton père est parti tôt ce matin ?
- Euh... oui
- Pour toute la journée ?
- Je n'en sais rien. Tout dépend...
- C'est aléatoire, murmure-t-il, pensif.
Je hoche la tête. Il baisse les yeux sur son café, évitant mon regard.
- On est dimanche, ajoute-t-il après un moment. Les bus ne passent pas souvent.
Je fronce les sourcils, perplexe.
- Louis, où veux-tu en venir ?
Son regard se plante dans le mien, tranchant.
- Je ne veux pas rentrer chez moi.
- Quoi ? Comment ça, tu ne veux pas rentrer ?
Il soupire longuement avant de répondre, comme s'il cherchait ses mots.
- Je n'arrête pas de cogiter, ces derniers temps. Je ne sais pas ce qui m'arrive. Hier soir, j'étais tellement déprimé que je suis allé chez une amie, mais elle avait déjà des plans. Elle m'a ignoré toute la soirée. Je l'ai mal pris... alors je suis parti sans prévenir.
Un silence pesant s'installe. Ses paroles résonnent en moi, lourdes de sens.
- Je n'ai pas envie de me retrouver seul, finit-il par avouer. Je ne sais pas où aller.
- Et ton ami, le grand blond ?
- Bill ? Impossible.
Alors comme ça, il s'appelle Bill...
- Pourquoi ? Vous êtes pourtant proches, non ?
- Justement. C'est compliqué.
Il soupire à nouveau, passant une main lasse sur son visage.
- Je suis paumé, Heavan. Je ne sais plus qui je suis, ni ce que je veux. Mes amis... Ils ne comptent plus autant qu'avant. Je n'ai même plus envie de les voir.
Ses mots me touchent plus que je ne veux l'admettre. C'est étrange de le voir se confier ainsi. Habituellement, c'est moi qui porte le poids des problèmes.
- Je comprends, murmuré-je, ça m'est arrivé aussi. Cette impression de ne pas être à la hauteur...
- Arrête-toi là, me coupe-t-il, d'un ton tranchant me prenant de court, ne te dénigre pas.
Je baisse la tête, honteuse.
- Mais c'est aussi ce que j'aime chez toi, conclut-il, ses yeux verts soudain apaisés, tu es différente.
Son regard semble percer mon âme. Et, pour la première fois, je n'ai plus peur de ce qu'il pourrait y déceler.
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