Chapitre 31
Jour 33 : Vendredi après-midi
Huit jours. Cela fait huit jours que Louis et moi n’avons pas échangé un mot.
À première vue, quelqu’un pourrait trouver cela étrange, surtout après tout ce qui s’est passé avant ce fameux jeudi. Pourtant, c’est moi qui ai pris mes distances. Je l’évite autant que possible, même si cela me rend folle, même si je le sens me fixer dès qu’il en a l’occasion.
J’ai pris cette décision parce que je ne me sens pas bien dans cette relation, cette zone floue entre l’amitié et… autre chose. Je ne suis pas prête à franchir le cap. La vérité, c’est que j’ai peur. Peur de ce que cela pourrait devenir, alors je préfère fuir. C’est lâche, je le sais. Mais que faire d’autre ? Louis, lui, doit être perdu. Il ne comprend probablement rien à mon comportement, mais, pour être honnête, je ne me comprends pas moi-même.
J’aimais la tournure que prenait notre "amitié". Mais dès que les choses deviennent trop sérieuses, je m’éloigne. Je coupe tout, je disparais. C’est plus simple. Sauf qu’ici, ce n’est pas aussi facile. Je le croise tous les jours, au détour d’un couloir ou dans la même salle de classe. Et c’est un supplice.
Le plus dur, c’est de résister. Chaque fibre de mon être me hurle de faire quelque chose. Parfois, j’ai envie de parcourir tout le lycée, juste pour croiser son regard, même par hasard.
Mais depuis hier, tout a changé. Il a arrêté. Il ne traîne plus dans les couloirs, ne cherche plus mon regard en classe. Il m’a laissée tomber. Et ça me tue. Comment pourrais-je lui en vouloir alors que c’est exactement ce que je voulais ? Pourtant, maintenant, je regrette. Je regrette si fort que ça m’en rend malade.
Alors, comment réparer tout ça ? Comment recoller les morceaux d’un lien que j’ai moi-même brisé ?
Terrée au CDI, je tente désespérément de faire mes devoirs. La pile s’accumule dangereusement. Ces derniers jours, j’ai tout laissé tomber. Quand j’étais avec Louis, mes priorités passaient au second plan. Maintenant, je paie le prix de cette distraction. Débordée, je m’acharne à mettre de l’ordre dans mes feuilles, mais mon esprit est ailleurs.
Soudain, je les vois entrer. La bande de Louis, avec lui au centre. Mon cœur se serre. Je ne sais plus où regarder, où me cacher. Je veux fuir, mais mes jambes refusent de bouger.
Alors que je tente de me faire invisible, une chaise grince à côté de moi. Je baisse la tête, concentrée sur mes fiches, même si les mots dansent devant mes yeux. Je n’ose pas relever le regard.
Puis, une feuille pliée glisse vers moi. Hésitante, je finis par la déplier. Quelques mots tracés d’une écriture familière :
"Explique-moi."
Mon souffle se bloque. Expliquer quoi ? Comment expliquer l’inexplicable ? Je cogite, le cœur battant, avant de griffonner une réponse concise :
"Il n’y a rien à comprendre. Désolée de t’avoir abandonné. Ne t’obstine pas, s’il te plaît."
Je glisse le papier vers lui, retenant mon souffle tandis qu’il le lit. Il n'y a aucun signe d’émotion sur son visage. Rien qui puisse me rassurer ou m’effrayer davantage. À quoi peut-il bien penser ?
Quelques instants plus tard, la feuille revient. Une réponse brève, qui me frappe en plein cœur :
"J’ai l’habitude."
Ces mots résonnent en moi comme un coup de tonnerre. Une froideur, une résignation qui me glace. Je me déteste. Pourquoi ai-je agi de cette façon avec lui ? Lui, qui a toujours été là, qui m’a tendu la main sans jamais rien attendre en retour ?
Un soupir m’échappe. Je prends mon stylo et, cette fois, j’écris sans réfléchir :
"Je ne sais pas ce qu’il m’a pris. J’ai eu peur, et quand j’ai peur, je fuis. Ce n’est pas toi, c’est moi. Je ne voulais pas te laisser tomber. Sur le papier, c’est plus facile de te dire tout ça. Je ne supporte pas le regard des autres. J’ai toujours peur d’être jugée, moquée, rejetée. Je ne suis pas forte, même si j’aimerais l’être. En réalité, je me sens sans cesse mise à l’écart, et je ne sais même pas pourquoi. Peut-être que je ne m’en sortirai jamais. Je suis une cause perdue. Désolée. Encore."
Je replie la feuille et la dépose doucement sur son cahier. Avant qu’il ne puisse réagir, j’attrape mes affaires et quitte la salle, les jambes tremblantes.
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