Chapitre 21
Jour 19 : le midi
Nous continuons de nous observer, moi espérant qu'il lâche l'affaire, lui attendant sans doute que je m'ouvre à lui.
Je ne sais plus comment me sentir en sa compagnie. Un coup, il semble prévenant, un autre, il paraît prétentieux. Ce genre d'humeur cyclique me perturbe au plus haut point, car ça me rappelle ma mère...
– Je ne mange pas, tu sais, du moins pas encore, ajoute-t-il, un sourire farouche se dessinant petit à petit sur ses lèvres roses, on est dans la même classe, alors ce serait normal qu'on puisse apprendre à se connaître. Tu ne trouves pas ?
Il a raison, mais pour quoi faire ? Qu'est-ce que cela changerait à sa vie et à la mienne ? Nous n'avons pas de travail à faire en binôme, ni en groupe, alors à quoi peu bien rimer tout ça ?
J'acquiesce tout en restant silencieuse. Je réfléchis tellement, que je commence à avoir une sacrée migraine qui pointe le bout de son nez.
Muette comme une carpe, je me plonge dans mes révisions tandis que mon voisin continue de me fixer avec ardeur. Seulement, je n'arrive pas à garder toute mon attention sur mes cahiers, car je sens son regard me troubler un peu plus chaque seconde.
Exaspérée, je soupire longuement, réfugiant mon visage entre mes mains. Je suis à bout de tout. Je n'y parviens plus. Devrais-je me prendre autant la tête ou devrais-je me laisser aller ? C'est autant de questions qui restent en suspend.
– Tu as raison, j'admets enfin à voix haute, en relevant la tête.
Louis me sourit avec sincérité, ma réponse évasive a l'air de le satisfaire.
– Je me demande encore pourquoi tu n'appliques pas mes conseils.
– Tes conseils ? répété-je, sans comprendre où il veut en venir.
– La dernière fois, je t'ai dit qu'il fallait que tu t'imposes plus, mais j'ai remarqué que tu restes toujours cloîtrée dans ton coin. Alors je ne sais plus quoi en conclure.
– Dans ce cas, pourquoi tu reviens à la charge aujourd'hui ?
– Peut-être pour tenter de t'ouvrir un peu plus les yeux. Quand quelque chose m'intéresse, j'ai tendance à être téméraire.
– Je n'ai pas besoin de toi, balancé-je, sur le ton de la défensive.
– Tu as raison, mais quand je te vois si seule, surtout ici entre un mur et deux rangées de livres, je me pose des questions. Je ne te vois quasiment jamais au self. Pourquoi tu persistes à t'auto-flageller ?
– Ce n'est pas ce que je fais.
Pour qui il se prend ? Quel affront de sa part ! Le portrait qu'il dresse de moi me blesse, il mésestime à ce point la personne que je suis ?
Néanmoins, je découvre grâce à ses paroles qu'il guette ma présence au self. C'est curieux...
– Je ne te juge pas, crois-moi, se reprend-il en levant les mains en l'air, j'essaye juste de t'aider.
– Eh bien, tu fais tout le contraire. Tu me fragilise plus que je ne le suis déjà.
Ce dernier me regarde d'un air désolé, voire compatissant, mais je ne me laisse en aucun cas aveugler par mon attirance envers lui, car je suis convaincu qu'il en joue. Rien ne me fera changer d'avis à ce propos.
– Je ne suis pas ton ennemi. Je ne veux pas l'être, je t'assure !
– Je n'ai jamais dit ça.
– Il faut que tu saches que les gens qui se disent être tes amis ne le sont pas forcément. Je ne suis peut-être personne pour toi, Heavan, mais je te veux plus de bien que tes pseudos amis.
Mon prénom sonne étrange dans sa bouche. Sa voix grave, mais reposée, me calme sur le tas, comme ensorcelée rien qu'avec ce timbre qu'il émet.
– Je sais, avoué-je en me demandant pourquoi j'ai dit ça.
Ce dernier me sourit de nouveau, visiblement soulagé de l'apprendre.
J'aimerais moi aussi apprendre à le connaître davantage, mais je n'ose pas me montrer si inquisitrice dans sa vie. Certes, lui ne s'en incommode pas, mais nous sommes loin d'être similaire.
Alors si cela l'enchante de faire connaissance avec moi, grand bien lui fasse, mais de mon côté, ce ne sera pas le cas, du moins pas aussi facilement. Même si l'envie ne me manque pas.
– Tout va pour le mieux dans ce cas ! s'écrie-t-il, avec une gaîté que je soupçonne feinte. Alors dis-moi, Heavan, qui es-tu vraiment ?
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