Jour 18 : Jeudi matin
Ce matin, je me sens un peu plus motivée pour aller en cours. C'est plutôt rare, alors j’essaie d’en profiter.
La journée d’hier m’a fait un bien fou. Mon père et moi sommes allés nous divertir à la foire qui s’est installée en ville. Ça m’a réveillée, redonnée de l’énergie, et je me sens en pleine forme. Heureuse, même. Du moins pour le moment, car j’appréhende déjà le lycée, l’ambiance pesante, les regards et les jugements qui m’attendent là-bas.
La matinée commence doucement avec une heure de mathématiques, particulièrement barbante. Elle est suivie par un cours d’espagnol, puis enfin, un cours de français.
Dans ce dernier, nous entamons un nouveau programme : le roman de Raymond Queneau. Je m’installe près des fenêtres, comme à mon habitude. La vue me permet de m’évader un peu quand l’ennui commence à m’envahir. Mais aujourd’hui, mon isolement est brisé. Un nouveau voisin vient s’asseoir à côté de moi. Et pas n’importe qui : Louis. Deux autres garçons prennent place en face de nous, au premier rang.
Quelle chance ! Je vais devoir supporter une heure à quelques centimètres de lui et de leurs plaisanteries incessantes. Je me demande si je vais y survivre.
Mais contre toute attente, Louis semble concentré. Il ne se laisse pas distraire par ses amis, et se plonge sérieusement dans son travail. Je me concentre sur mes notes, essayant de l'ignorer. Mais soudain, sa voix grave et douce murmure à mon oreille :
— Si ces deux-là t’embêtent, dis-le-moi. Je les remettrai à leur place.
Je reste figée, surprise par la proximité et le ton presque protecteur de sa voix. J’acquiesce, sans savoir quoi répondre. Pourquoi me parle-t-il soudainement, alors qu’il m’a ignorée depuis notre échange au CDI lundi dernier ?
Je me replonge dans mes notes, même si je ne comprends plus ce que j’écris. Je veux absolument ne pas lui accorder trop d’attention, mais au fond, je sais que c’est peine perdue. Il me trouble, bien plus qu’il ne le devrait.
Malgré le stress qu’il m’inspire, il m’attire. Plus que je ne voudrais l’admettre.
Au CDI, nos échanges n’avaient pas eu cet effet sur moi. Mais là, entourée par tant de regards indiscrets, je me sens vulnérable. J’ai l’impression d’être scrutée, jugée. Je déteste cette sensation.
Sans m’en rendre compte, je me replie sur moi-même, me réfugiant dans ma bulle. Je ne remarque même pas la sonnerie annonçant la fin du cours.
— Heavan ? Heavan, ça va ?
Une voix lointaine me ramène à la réalité.
Il est midi moins dix.
— Hé, tu m’entends ?
Je lève les yeux vers la personne qui tente d’attirer mon attention. Louis.
Cet être face à moi… Il semble trop parfait pour être réel.
— Tu m’entends ? répète-t-il, posant une main sur mon épaule.
Je sursaute, brusquement ramenée à la réalité.
— Quoi ? balbutié-je, encore un peu perdue.
— Tu es sûre que ça va ? demande-t-il, l'air inquiet, plus sincère, plus humain que ce que je pensais.
Son visage oscille entre inquiétude et froideur. Pourtant, il n’y a plus de distance entre nous. Contrairement à avant, je ne me sens plus insignifiant.
— Je vais bien, merci, dis-je en essayant de sourire, un peu gênée.
— J’ai cru que tu allais faire un malaise. Ça m’a foutu une sacrée trouille.
Je l’ai inquiété ? C’est possible qu’il s’inquiète pour moi ? La simple idée me fait fondre. Un léger soulagement me réchauffe le cœur.
— Tu veux que je t’accompagne à l’infirmerie ?
– Non ! je m’empresse de répondre, paniquée par ces endroits froids et aseptisés. Ce n’est rien, je vais bien. Je n’ai juste pas beaucoup mangé ce matin, c’est sûrement pour ça.
Il me scrute, les yeux plissés, et je devine qu’il n’est pas totalement convaincu par mon excuse. Mais celui-ci se contente de hocher la tête, quand bien même préoccupé.
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