Chapitre 1
Jour 1 : lundi matin
Le cours de français se déroule avec une rigueur presque solennelle. Pourtant, ce n’est pas l’enseignement qui retient mon attention, mais ma voisine de table.
Elle s’appelle Angel. Extravertie, bavarde, et, à première vue, gentille, c’est elle qui engage la conversation. Pas que j’en avais envie, mais son sourire éclatant et sa voix pleine d’assurance m’empêchent de l’ignorer. Je me laisse apprivoiser, doucement, non sans méfiance, car on excentricité me rappelle ma meilleure amie, Lilith.
– Heavan, je te présente Rosa. Nous sommes amies depuis l’année dernière. Mais ce n’est qu’une partie de l’iceberg ! Tu verras, on est une super bande de filles !
Génial ! Habituellement, les regroupements entre filles ce n'est pas mon fort. Je préfère de loin traîner avec des garçons, là où les conversations semblent moins... superficielles. Mais il va bien falloir que je m’y fasse. Après tout, Angel a l’air sympathique. Peut-être devrais-je lui faire un peu confiance.
À midi, au self, Angel et Rosa m’entraînent vers un groupe de filles en pleine discussion.
– Je te présente Marie, Sarah, Lisa, Chloé et Manon, énumère Angel en pointant chacune d’elles du doigt. Les filles, voici Heavan, la petite Américaine !
Des exclamations de surprise et des éclats de rires sortent de toute parts. Pourquoi tant de réactions démesurées ? C’est juste un détail, non ? La France est tout aussi fascinante à mes yeux que mon pays d’origine.
– Wouah ! Tu as trop de chance d’habiter là-bas ! s’exclame Lisa, ses joues rosies par l’excitation.
– Ce n’est qu’un pays comme un autre, réponds-je, un peu gênée. Et puis, le vôtre est tout aussi incroyable quand on le découvre pour la première fois.
– Tu ne peux pas comparer l’incomparable, rétorque Chloé, le ton glacial.
Je le savais, les filles et moi, ça fait deux... Je dois avoir un don pour dire ce qu’il ne faut pas... ou peut-être que je ne saurai jamais m’intégrer dans ce genre de groupe.
Le reste du repas se fait en demi-teinte. J’observe, je hoche la tête, mais je me sens étrangère à leurs rires et à leurs blagues.
– Est-ce que quelqu’un sait où est la médiathèque ? finis-je par demander pour m'extraire de cet endroit.
Un silence gênant s’installe. Elles me toisent, comme si je parlais une langue étrangère. Pourtant, mon français est impeccable.
– Le CDI, tu veux dire, finit par répondre Manon, le ton dédaigneux. Évidemment qu’on sait où il est, on étudie ici depuis des années.
– Il est à l'entrée du lycée. Pourquoi ? ricane Angel, un peu trop entreprenante à mon goût.
– J’ai besoin de quelques livres, dis-je simplement.
Peu bavarde, elles m’indiquent le chemin d’un geste distrait, et je saisis l’opportunité pour filer.
Se faire des amis, c'est ce que je voulais, mais c'est au-delà de mes espérances. Comment vais-je réussir à m'adapter à un groupe aussi soudé que le leur ? À côté d'elles, je me sens toute petite, voire inexistante.
Pourquoi faut-il toujours que je m'auto-dénigre ? C'est affligeant de se flageller soi-même.
Sans plus attendre, je m'installe dans un recoin bien caché de la salle et me procure quelques livres afin de m'évader de ce lycée, pour au moins une heure. Cela me fera le plus grand bien.
L’odeur familière du papier imprimé me rassure immédiatement. Des étagères poussiéreuses croulent sous des centaines de livres en tout genre. Voilà un endroit où je pourrai respirer. Ce sera ici mon nouveau refuge.
Je m’installe dans un coin reculé, quelques ouvrages en main, et m’immerge dans un autre monde. Oublier, ne serait-ce que quelques minutes, ce lycée, ces filles, et cette journée qui semble interminable.
*
L'après-midi :
Je suis parmi les premières à arriver en classe. Les autres élèves entrent par petits groupes, bruyants, riant de choses que je ne comprends pas encore. Je reste seule dans mon coin, tel une personne insignifiante aux yeux des gens.
Mes pensées dérivent vers mes amis, ceux qui me manquent terriblement. Je donnerais n’importe quoi pour les voir maintenant, pour entendre leurs voix et sentir leur présence réconfortante.
Les élèves arrivent au compte-goutte, mais en troupeau. Moi, je me sens comme le vilain petit canard, seul dans mon coin, que personne ne remarque. Dans le CDI, je suis émerveillée par toutes ces étagères emplies de poussières, où trônent des milliers de livres en tout genre.
Au fond, mon cœur se serre.
Une bonne dizaine de minutes se sont écoulés alors que je suis restée tout ce temps dans mes pensées.
J'aurais dû préciser à mon père que je ne voulais aucune langue optionnelle en plus de l'anglais, j'ai déjà assez de devoirs comme ça à faire, surtout que la langue de ce pays n'est pas la même que la mienne. La difficulté est déjà bien trop présente pour en ajouter une nouvelle. Mon père s'est un peu trop emballé lorsqu'il m'a inscrite. À l'intérieur de moi, je hurle à l'aide.
La voix d’Angel me tire de mes rêveries. Celle-ci ayant pris place devant moi, chuchotant en pouffant avec sa voisine.
– Non, mais qui a un nom de famille comme ça, sérieusement ? C’est ridicule !
Je tends l’oreille, interloquée. Se moque-t-elle vraiment de quelqu’un ? Surtout quand vous en faites vous-même les frais au quotidien.
– De qui parles-tu ? demandé-je, incapable de cacher ma curiosité.
– Du mec là-bas, au fond. Celui avec le pull noir et rouge. Il a un prénom de fille comme nom de famille. C’est bizarre, non ?
– Je ne trouve pas ça étrange. Avoir un prénom en guise de nom devrait plutôt t'effrayer.
– Pardon ?
Ses connaissances sont si limitées, mais pas sa bêtise ! Ne sait-elle pas que c'est le cas pour la plupart des tueurs en série ?
Lassée, je détourne tout de même mon regard vers le garçon qu’elle désigne, seulement mes yeux ne s’arrêtent pas sur lui, mais sur un autre élève qui capte mon attention : son voisin de table. Un garçon au regard froid, presque énigmatique, qui semble perdu dans ses pensées.
Qui est-il ? Pourquoi ne l’ai-je pas remarqué plus tôt ?
Et alors qu’Angel continue ses commérages, je ne peux m’empêcher de me demander ce qui se cache derrière ce regard distant, presque indéchiffrable.
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