* Basenji • Can't get enough *

Les mains dans les poches, j'attends l'heure qui devient vraiment lent. Ma playlist est en mode répétitive. Toujours les yeux rivés sur le grand bâtiment devant moi, je ne remarque même pas la fille qui s'assoit à ma droite. Je la détaille du coin de l'œil. Elle porte un pull gris trop grand pour une fille, un large jean troué aux genoux et pour finir, une paire de basket blanc. Ses cheveux noirs sont courts et frisés. Ses lunettes lui donnent un air sérieux. Je détourne le regard lorsque je me rends compte que j'en ai assez vu. Je présume qu'elle attend quelqu'un ou quelque chose parce qu'elle n'arrête pas de taper le sol avec son pied. Signe de nervosité et d'impatience.

‒Tu étudies dans cette université ? demande-t-elle soudainement.

J'enlève mes écouteurs.

‒Ouais... Pourquoi ?

‒Hum... Je me demandais si t'es en train d'attendre une prise de contact, répond-elle.

‒C'est le cas. Toi aussi ?

‒Moui. Tu suis quelle filière ?

‒En sciences humaines. La Psychologie.

‒Je suis également dans le département des sciences humaines mais j'étudie la science politique.

‒Et tu es en quelle année ?

‒En premier cycle.

‒Pareil... Ce premier contact me stresse un peu.

‒T'es seule ?

‒Oui et toi ?

‒J'attends une amie mais... je crois plus qu'elle viendra.

‒Elle va aussi assister à la prise de contact ?

‒Elle devrait normalement.

‒Peut-être qu'elle a eu un empêchement de dernière minute.

‒J'en sais rien. C'est probable... elle ne répond pas à mes textos.

Au loin, la porte d'entrée de la salle s'ouvre. Quelques jeunes de notre âge commencent à entrer et la fille se lève.

‒Tu viens ? dit-elle. On va les suivre et peut-être qu'on va y trouver mon amie.

J'hoche seulement la tête. Je la suis de près sans vraiment prêter attention à ce qu'elle raconte. Je suis occupée à regarder les autres étudiants. La plupart forme un groupe, on dirait qu'ils se connaissent tous ; des amis de longues dates, des camarades de classe ou même des cousins / cousines... Moi aussi je voudrais bien avoir un proche que je connais dans cette université. Malheureusement, tous mes amis sont restés à Los Angeles. Je suis la seule qui a pensé à cette ville. Mais bon, j'ai mes raisons. Apparemment, c'est une sorte d'amphithéâtre avec une forme semi-circulaire. Mon point de vue d'architecte n'est pas assez avancé ; par contre, cet édifice est spectaculaire avec le plafond recouvert de fresques. De nombreux étudiants occupent les milliers de places et quelques personnes qu'on déduit des professeurs. On décide de s'asseoir au milieu pour bien suivre les programmes de cette année universitaire.

J'en étais sûre, cette journée est extrêmement longue. Même les aiguilles de ma montre ne semblent pas m'accorder la faveur de faire avancer le temps. Cette prise de contact est d'un ennui à mourir. Cela fait une heure que notre chef de département n'a pas arrêté de parler depuis qu'on lui a donné la parole. En troisième position après le président et le vice-président des Sciences Humaines, elle est chargée de diriger les mémoires. Elle ne voit pas que personne ne l'écoute depuis un bon moment... Y compris ses collègues. J'ai essayé de me concentrer au début mais c'est peine perdue. Sa voix est agaçante... Je ne sais pas si je suis la seule à avoir ce genre d'impression. Quand une personne parle, sa voix devient particulièrement ennuyante. Par conséquent, on n'a plus envie d'écouter le reste de ses phrases.
Quelques bribes de ces mots me parviennent. Règles et conformité. Je ne pensais pas qu'il n'y en avait plus à l'université. Décidément, j'ai beaucoup à apprendre dans cet univers. Heureusement qu'avec cette fille, on parle de temps en temps. J'apprends qu'elle vient de Texas. Elle a terminé sa dernière année de lycée ici à New York. Elle me raconte des anecdotes drôles sur sa grand-mère. On rit discrètement.

‒Ah en fait, je m'appelle Dylan, se présente-t-elle.

‒Ah merde, j'ai complètement oublié. Je suis Purpie, lui souris-je. C'est fou, je n'y avais pas pensé tout à l'heure alors qu'on parlait comme si on se connaissait déjà.

‒Ouais, rit-elle. Je me suis juste rendue compte que je ne savais pas comment tu t'appelles.

‒Je me demande... quand est-ce que cette femme va s'arrêter.

‒Tu parles de cette chef de département ?

‒Bien sûr. Sans compter son retard, elle ne cède pas la parole aux autres profs.

‒Comment ils arrivent à supporter ce personnage...?

Je me mords la lèvre. Finalement, elle passe le micro aux autres. Ce n'est pas trop tôt. C'est ainsi que la présentation de chaque enseignant débute. Il n'y a que trois hommes dans mon parcours dont les cours sont la Psychologie cognitive, la généralité de la Psychologie et la Psychologie inversée. Ils se présentent à tour de rôle. Seulement avec ma satanée mémoire, je ne me rappelle d'aucun de leurs noms.

Même pas un seul.