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Je reste là, à contempler mon assiette, l'esprit embrouillé par les paroles de mon père. Je me sens à la fois confus et irrité, comme si tout ce que je croyais être ma passion, mon objectif, venait d'être balayé d'un revers de main.
Il ne comprend pas. Il n'a jamais vraiment compris à quel point le handball comptait pour moi. Ce n'est pas juste un sport, c'est ma façon d'exister, de me prouver à moi-même que je suis capable de quelque chose. Alors qu'il se permet de me dire que ça ne déterminera pas mon avenir, ça me fait l'effet d'une gifle. Un coup porté là où ça fait mal.
Je pose brusquement ma fourchette, mes doigts crispés sur le métal. La tension qui monte en moi est palpable.
— Tu ne comprends rien, je lâche d'une voix plus forte que je ne l'avais prévu. Le handball, ce n'est pas juste un truc de gamin ! C'est plus que ça pour moi !
Mon père me fixe, surpris par ma réaction. Mais il ne recule pas, comme s'il était prêt à affronter la tempête.
— Je comprends très bien, Rafael. Mais c'est toi qui ne comprends pas. T'es obsédé par ça. Tu veux être qui, hein ? Un joueur professionnel ? Mais ça ne va pas se passer comme ça, tu sais. Tu vas grandir, et tu verras que la vie ne se résume pas à ça. Tu risques de tout perdre si tu ne penses qu'à ça.
Je sens la colère bouillir en moi. Ça me rend fou de l'entendre me dire ça. Il n'a jamais mis un pied sur un terrain, il ne sait même pas ce que c'est de donner tout ce qu'on a pour un rêve. Il parle comme si tout ça était facile à lâcher.
— Et toi, tu sais tout, c'est ça ? Je rétorque, la voix tremblante. Tu crois que tu sais mieux que moi ce qui est bon pour moi ? Ce que je dois faire de ma vie ?
Lynn se fige. Elle me regarde, ses yeux écarquillés, mais elle ne dit rien. Elle sait que quand je commence à m'emporter, il est difficile de m'arrêter.
— Ce n'est pas ce que je dis, Rafael. Je veux juste que tu sois réaliste, qu'il y ait plus que le sport dans ta vie.
— Et moi, je veux juste que tu respectes ce que je fais ! Je m'écrie, ne pouvant plus retenir ma frustration. Si tu penses qu'il y a un avenir pour moi sans le handball, tu te trompes !
Je me lève brusquement de la table, l'esprit en ébullition, mon cœur battant à tout rompre. Je sens la colère me gagner de plus en plus. Comment il peut ne pas comprendre ? Pourquoi il insiste tant pour que je lâche ce qui est le seul truc qui me fait tenir, qui me donne une raison de me lever chaque matin ?
— Rafael, attends, calme-toi, dit ma mère d'une voix douce mais pleine d'inquiétude. Ce n'est pas la solution de tout fuir comme ça.
Je secoue la tête, les mots de ma mère me frappant sans parvenir à me calmer.
— Je ne veux rien entendre, je lâche avec une fermeté glaciale.
Sans attendre, je fais volte-face et me dirige vers la porte du salon, mes pas résonnant lourdement sur le parquet. Je sens les yeux de ma famille sur moi, mais je n'arrête pas. Pas cette fois. Je dois sortir, m'échapper de cette situation qui me donne envie de hurler.
Je fonce dans les escaliers, ma tête pleine de tourments. Je n'entends rien d'autre que le bruit de mon propre souffle qui s'accélère. Je n'ai pas besoin de cette pression. Pas ce soir. Pas après tout ce que j'ai vécu aujourd'hui.
Je me précipite dans ma chambre, refermant la porte derrière moi d'un coup sec. Mes mains tremblent légèrement, mon cœur encore sous l'effet de la colère. Je me jette sur mon lit, la tête enfouie dans l'oreiller, espérant qu'aucun de mes proches ne viendra me chercher.
Mais dans le silence de ma chambre, une question persiste : et si mon père avait raison ? Et si tout ce que je croyais, tout ce que j'avais construit autour du handball, n'était qu'une illusion ? Est-ce que je me mentais à moi-même en pensant que ce sport allait être ma voie ?
Le doute m'envahit, et je ferme les yeux, espérant que la nuit apportera un peu de clarté.
Je reste là, allongé sur mon lit, les pensées qui tourbillonnent dans ma tête. La colère m'étrangle, et les mots de mon père résonnent encore dans ma tête, comme un écho lancinant. J'ai besoin de m'éloigner. L'air frais, le bruit des rues, ça pourrait peut-être calmer la tempête qui fait rage en moi.
Sans réfléchir, je me lève brusquement de mon lit, attrapant mon ballon de handball qui traîne près de la porte. Il est usé, un peu déformé sur certains bords, mais c'est mon ballon. Celui avec lequel j'ai passé des heures à m'entraîner, à me perfectionner. Celui qui représente tout ce que je veux devenir.
Je quitte ma chambre en trombe, ne prenant même pas la peine de fermer la porte derrière moi. Je descends les escaliers d'un pas précipité, puis, sans un mot, je sors dans le jardin, traversant la porte arrière avec l'envie de m'échapper de tout.
L'air frais me frappe immédiatement, et je respire profondément, cherchant à apaiser la brûlure qui me ronge. Le ciel est encore clair, une brume légère enveloppe la ville, et il n'y a presque personne dehors à cette heure-ci. Parfait. J'ai juste besoin de ce moment de solitude.
Je m'éloigne de la maison, me dirigeant vers le petit terrain de sport au bout de la rue, là où je peux m'exercer en paix. Le terrain est désert, juste quelques traces laissées par des chaussures sur le sol. C'est l'endroit où je me sens libre, où je peux oublier les problèmes, où je ne suis que le joueur, et non le fils, le frère, celui qui doit répondre aux attentes des autres.
Je me mets à dribbler le ballon, mes gestes fluides, presque automatiques, comme une danse. Un tir, puis un autre. Je frappe dans l'air avec force, faisant rebondir le ballon sur le sol, puis l'envoyant dans le but avec précision. C'est comme si chaque mouvement me permettait de vider ma colère, d'évacuer l'agitation qui me dévore.
Je fais des passes imaginaires avec moi-même, enchaînant les feintes et les accélérations, comme si j'étais en pleine compétition, comme si chaque tir me rapprochait un peu plus de mon objectif. Les coups de pied résonnent sur le sol, et le bruit du ballon frappant les filets me réconforte, me donne l'impression que je contrôle au moins quelque chose, que je suis toujours capable d'être celui que je veux être.
Au fur et à mesure que je me fatigue, que mes muscles commencent à protester, je ralentis mes mouvements, mes pensées se calmant peu à peu. Mais il y a toujours cette question qui reste, suspendue dans l'air : et si mon père avait raison ? Et si je mettais trop d'espoirs dans ce sport, trop d'importance dans une seule voie ? Et si tout cela n'était qu'un rêve qui finirait par s'effondrer ?
Je m'assois sur le bord du terrain, le ballon roulé entre mes mains. Le vent fait flotter mes cheveux, et je ferme les yeux un instant. Peut-être que je devrais penser à autre chose. Peut-être que je devrais accepter que la vie ne se résume pas à un sport, à une passion... Mais je n'arrive pas à imaginer un avenir sans le handball. C'est comme une partie de moi, une sorte de lien entre ce que je suis et ce que je pourrais devenir.
Un bruit derrière moi me fait sursauter. Je me retourne brusquement, mais je ne vois personne. Je suis seul. Et pourtant, je ne peux m'empêcher de me demander : est-ce que ce sport va vraiment déterminer mon avenir, ou est-ce que je me laisse piéger dans un rêve ?
Je m'arrête en plein mouvement, la sensation d'être observé me frappant soudainement. Un bruit d'applaudissements résonne derrière moi. Surpris, je me tourne rapidement, mon cœur battant un peu plus vite.
Léo. Il est là, appuyé contre le grillage du terrain, les bras croisés, un léger sourire moqueur aux lèvres. Il m'observe en silence, comme si le spectacle que je viens de donner était un divertissement pour lui.
— Pas mal, dit-il d'un ton léger, en me faisant un signe de la main. T'es tout seul à t'entraîner comme ça, ou tu attends quelqu'un pour te challenger ?
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