Chapitre 24
Trois semaines après que la Flamme ait été retirée de Derek, Clarke eut l'immense surprise de voir arriver des quantités phénoménales de courriers apportés par les marchands qui sillonnaient le territoire... Tous venaient de parents demandant les nouveaux critères d'admission des Natblidas pour être éligible au trône de Heda.
— Encore !
Goran déposa une pile de parchemins devant Clarke et secoua la tête d'un air dépité.
— Ils arrivent avec les marchands et eux aussi sont très surpris... Je n'avais aucune idée qu'il restait autant de Natblidas. Roan n'en avait trouvé que trois en six mois.
— Oui, mais pas question de mettre n'importe qui sur le trône, répondit Clarke.
— Merci... ! répliqua Derek, dans le salon.
Clarke le regarda puis leva les yeux et entreprit de lire tous ces courriers, pour la majorité rédigée en anglais.
— Je crois que votre nouvelle loi à fait sortir du bois beaucoup de parents qui ont caché leur enfant Natblida jusqu'à maintenant, dit alors Goran.
— Vous croyez ? En même temps, c'est plutôt compréhensible, qui voudrait voir son enfant mourir dans une arène, simplement pour accéder au pouvoir...
Elle jeta un œil vers Derek qui lisait, dans le salon et Goran esquissa un sourire. Il lui tendit ensuite une autre feuille et Clarke soupira.
— Au fait, dit-il. Cela fait bientôt trois semaines que Derek a été soulagé de la Flamme et à mon grand étonnement, personne en ville ne le blâme d'avoir été rejeté par les Commandants.
— Ah non ? s'étonna Clarke. Pourtant, je pensais que...
— À mon avis, le fait que vous soyez sa tutrice empêche beaucoup de monde de venir se plaindre... souffla Goran.
— Vous croyez ?
— Allons, Rijant, pourquoi John Murphy n'a pas encore été hué et lynché sur place, à votre avis ? Il est loin d'être un Prêtre de la Flamme, certes il croit en Becca Pramheda et la reconnaît comme celle qui a sauvé l'humanité de l'extinction, mais il n'a pas été entraîné par Titus, il n'est pas un Prêtre et pourtant, personne ne dit rien. Pourquoi ?
— Parce qu'il est mon ami ?
Goran hocha la tête.
— Plus précisément, il est l'ami de Wanheda...
Clarke plissa le nez. Elle n'aimait pas ce titre, il lui rappelait tellement de mauvais souvenirs ; pourtant, il offrait à ses amis une sorte d'immunité assez solide et cela l'étonnait vraiment.
— Bon ! dit soudain la jeune femme. J'ai de la lecture pour trois mois... Derek, tu veux venir m'aider ?
— À faire quoi ?
— Lire toutes les lettres de parents de Natblidas qui demandent des informations sur la nouvelle loi que j'ai fait accepter par les Ambassadeurs. À trois on ira plus vite...
Le jeune garçon resta silencieux puis ferma son livre dans un claquement et rejoignit les deux adultes. Goran s'assit en face de Clarke et Derek s'assit sur le tapis, dos au mur. Clarke lui tendit un paquet de lettres, Goran en tira un à lui, puis ils entreprirent de lire.
— Notez sur une feuille à côté les informations importantes, dit alors Clarke. Nom, clan, âge, sexe du Natblida. Ça me servira pour aller les visiter et leur faire passer un test... que je n'ai pas encore défini.
Goran sourit et Derek rigola doucement puis ils se mirent au travail.
.
Deux semaines après son arrivée à Polis, Raven avait fini par se dérider et s'était mise au travail. À présent, elle cherchait un moyen pour atteindre l'Esprit des Commandants sans endommager la Flamme ou Clarke. La Flamme ne pouvant pas rester seule sans la surveillance d'un Prêtre, Seiden restait avec la brune quand elle avait besoin d'étudier la chose.
Ce matin-là donc, la jeune apprentie prêtresse entra dans la salle de la Tour qui avait été prêtée à Raven pour ses recherches. Bien entendu, on était loin de la technologie de pointe du bunker de Rebecca, mais des Trishanakrus avaient réussi à dénicher de vieux ordinateurs dans des caves de la ville et Raven avait réussi à les remettre en service grâce à un groupe électrogène solaire et beaucoup de bidouillage. Elle regrettait cependant la salle informatique d'Arkadia, même si elle n'avait techniquement pas besoin de machines de guerre pour écrire et lire des lignes de code.
— Vous savez déjà comment vous allez vous y prendre ?
— Pas encore, répondit Raven. Mais si je parviens à utiliser une interface, je peux connecter la Flamme et on pourra voir ce qu'il y a dedans...
— Vous pouvez donc avoir accès à l'Esprit des Commandants sans Natblida ?
— C'est temporaire, bien entendu, répondit Raven. La Flamme a été conçue pour interagir avec les connexions neurales d'un humain, si je peux lui faire croire qu'elle est connectée à un Natblida, en créant quelque chose qui aurait les mêmes propriétés que le sang de nuit, alors Clarke pourra s'y connecter en utilisant la Clef. Enfin j'espère...
Seiden hocha la tête. Elle avait un peu de mal à suivre, mais elle était sans doute la mieux placée pour comprendre quoi parlait la Skaikru...
Comme à chaque jour depuis une semaine Raven coupa ses tests quand une cloche sonna l'arrivée de la nuit. Seiden récupéra la Flamme en la glissant précautionneusement sans sa boîte, remercia la brune pour la journée en lui souhaitant une bonne soirée, puis rentra au Sanctuaire. Elle déposa la Flamme dans la niche prévue à cet effet et alla immédiatement s'agenouiller avec ses camarades pour prier.
— Tu as vu Fleimkepa ? demanda un garçon près d'elle.
— Pas depuis un moment, pourquoi ?
— Je crois qu'il ne va pas bien...
Seiden regarda le garçon puis secoua la main et ils reprirent leurs prières. La jeune femme songea cependant que son camarade n'avait pas tort : John était aux abonnés absents depuis plusieurs jours... Oh, elle pensait savoir pourquoi, il avait eu des nouvelles de sa femme et de sa fille avec l'arrivée de Raven et Abigail à Polis, mais elle n'avait aucunement l'intention d'aller lui poser la question...
.
Tout au sommet de la Tour du Commandant, au même moment, Clarke s'adossa à son siège en soupirant. Elle se massa les tempes et regarda ensuite le plafond.
— Je suis morte... souffla-t-elle. J'ai les yeux en compote...
— Je croyais que ça ne pouvait être que le dos ou les pieds... se moqua gentiment Derek.
Allongé sur le ventre, sur le tapis élimé, il avait passé une grande partie de la journée à éplucher les lettres reçues par Clarke ces dernières semaines. Il avait ainsi recensé treize filles de quatre à quinze ans et seize garçons de deux à seize ans. Goran et Clarke en avaient quasiment autant.
— On a beaucoup de Natblidas... constata Clarke. J'ai du mal à en revenir...
— Moi aussi, admit Goran. Roan avait pourtant bien envoyé des messagers dans tous les clans...
Clarke haussa les épaules. La porte s'ouvrit au même moment sur le guerrier Azgeda et la jeune femme lui adressa un sourire. Quand il lui tendit un sachet de toile, elle le regarda avec étonnement.
— Tu m'as ramené des sucreries ? dit-elle avec un sourire.
— Je suis passé devant le marchand en revenant à la tour et il m'a dit que tu en raffolais... Alors oui, je t'ai ramené des douceurs.
Clarke sourit et remercia la Roi d'Azgeda. Elle ouvrit ensuite le sachet et sortit une petite fleur en sucre parfumée à la violette.
— Tu sais que ce bonbon, il existe depuis des centaines d'années ? dit-elle. Les Ancêtres en avaient déjà...
— Ça a quel goût ? demanda Derek en s'approchant.
Clarke lui en déposa un dans la main, puis regarda Goran qui secoua la tête.
— Je ne mange pas de sucreries, merci, Wanheda, répondit-il.
Clarke esquissa un sourire et jeta une fleur en sucre au fond de sa bouche avec un regard pour Roan. Regardant l'heure, Goran s'excusa alors et rassembla tous les papiers devant Clarke avant de souhaiter une bonne soirée à tour le monde.
— Tu as passé la journée en ville ? demanda alors Clarke.
— J'étais avec les miens, répondit Roan en s'asseyant à la place Goran. Je n'avais pas fait mes devoirs de Roi depuis un bon moment...
Clarke sourit. Elle cala le bonbon dans un coin de sa bouche et regarda les feuilles que Goran avait laissées.
— Est-ce que tu me crois si je dis que j'ai assez de Natblidas de tous les âges pour ouvrir mon école demain ? dit-elle.
Roan haussa les sourcils, surpris.
— Mais enfin... Quand j'ai demandé à ce qu'ils soient recensés, ils n'étaient que trois ! dit-il, abasourdi.
— Apparemment, le fait que j'ai ratifié une loi a poussé des dizaines de parents à faire connaître leur enfant... dit-il Clarke. Regarde... Le plus jeune à trois mois et la plus âgée a dix-sept ans.
Roan dodelina de la tête. Il avait du mal à croire ces chiffres, lui qui avait galéré à trouver un nouveau Heda... Heda qui avait finalement échoué dans sa mission, d'ailleurs.
— On ne pourra jamais tous les visiter, dit-il alors. Tu resterais bien trop longtemps absente de Polis.
Clarke hocha la tête.
— Nous allons les rassembler dans les capitales de chaque clan, dit-elle alors. Comme ça, pas besoin de faire tous les petits villages, ils seront tous au même endroit le même jour.
Roan opina à son tour. Oui, rassembler tous les Natblidas au même endroit était une bonne chose. Surtout si par la suite, en revenant à Polis, ils les récupéraient au passage...
— Bon, assez travaillé pour aujourd'hui ! décida soudain la jeune femme. Je meure de faim, alors allons dîner en ville, si vous voulez bien ?
— En ville ? répondit Derek. Je ne sais pas...
— Eh, microbe, je pense que tu ne crains rien avec ta mère et moi en guise d'escorte, répondit Roan en haussant un sourcil.
Le jeune garçon croisa le regard de Clarke ; par crainte, il n'avait pas quitté la Tour depuis que la Flamme lui avait été effectivement retirée, après leur petite scène de théâtre qui avait plus que bien réussi.
— Ouais, t'as raison... On y va alors. Je vais me changer.
Clarke lui sourit puis mis Roan dehors le temps qu'elle se change aussi. Il sortit sans ronchonner et la jeune femme l'entendit rapidement discuter avec Tylo dans le couloir.
.
Quand Clarke se réveilla le lendemain, elle regarda le plafond un long moment et réalisa que cela faisait douze mois qu'elle vivait à Polis. Avec les six mois passés chez elle en bord de mer, un an et demi s'était écoulé depuis la fin de la guerre contre ALIE et les choses commençaient seulement à s'arranger.
Repoussant ses couvertures, elle s'assit au bord de lit et noua ses longues mèches avec un lien de cuir. Elle se leva ensuite en enfilant une robe de chambre et s'approcha de la lourde tenture de velours qui occultait l'ouverture donnant sur le balcon. Elle la repoussa et ferma les yeux quand l'air frais lui caressa le visage. Elle sourit ensuite et observa le paysage qui avait enfin revêtu son manteau d'été. Tout était vert, les oiseaux trillaient et si l'on tendait un peu l'oreille, il était même possible d'entendre d'autres animaux au fin fond des bois...
Le bruit d'une porte dans son dos lui fit tourner la tête et Derek s'approcha d'elle. Elle passa son bras dans son dos et l'embrassa sur la tempe avant de reporter son attention dehors. Ils rentrèrent ensuite et allumèrent les chandeliers. Quelques minutes plus tard, des serviteurs apparaissaient avec des vêtements frais. Roan débarqua une heure plus tard pour prendre le petit-déjeuner avec la jeune femme et Derek, puis Goran se montra et la journée commença, il était neuf heures.
— Par quoi commençons-nous aujourd'hui ? demanda Clarke.
Roan et Derek venaient de partir pour l'entraînement du matin et la jeune femme avait remarqué récemment que son fils de cœur n'était plus si gringalet que ça puisqu'elle avait dû demander aux couturières de lui refaire des tuniques d'hiver.
— Comme vous me l'avez demandé hier, j'ai fait une liste des Clans, dit Goran. Je pensais mettre au point un itinéraire le plus simple possible afin que vous passiez le moins de temps possible dans chaque clan et donc, loin de Polis.
— Nous verrons plus tard, Goran, je te fais confiance, le coupa Clarke. Tâche de faire en sorte que le voyage soit le moins long possible, le moins pénible, c'est tout. Je ne monte pas à cheval depuis longtemps, ne l'oublie pas.
— Entendu, Wanheda. Oh, d'ailleurs, j'ai des Bâtisseurs qui attendent en bas, pour l'école, répondit le Conseiller. Le bâtiment que vous avez choisi est très abîmé, il faudra du temps pour le rénover et faire en sorte que ce soit sûr pour les enfants.
— J'estime ce voyage à travers les clans à au moins un an, répondit Clarke. Ils auront le temps de travailler dessus, je pense, même s'ils devront sans doute faire une pause pendant l'hiver, à moins que nous ayons un hiver clément...
— Je veillerai à ce qu'ils soient suffisamment nombreux pour faire plusieurs choses à la fois. Ce ne sont pas les bras solides qui manquent ici.
— S'ils rechignent, dis-leur qu'ils seront grassement payés.
— Polis n'a plus beaucoup d'argent, Wanheda, répondit Goran en plissant le nez.
— Pas en argent, répondit Clarke. En terres, en animaux, en ouvriers agricoles... En bière, s'ils préfèrent.
Goran esquissa un sourire.
— Je vois. Bon, je note ça.
Clarke opina. Elle reprit ensuite le cours de la matinée et Goran la laissa vers midi. Roan et Derek rentrèrent un peu après et le déjeuner fut servi. À la surprise des deux hommes, cependant, Clarke décida de prendre l'après-midi de repos et Roan proposa alors qu'ils aillent se promener en ville.
— Comme une famille ? demanda sournoisement Derek avec un petit sourire.
Clarke s'étouffa avec son vin. Roan resta silencieux et Clarke haussa un sourcil dans sa direction. Derek, content de son petit coup, sourit puis s'excusa et quitta la table. Il annonça aller se reposer un peu et Roan et Clarke se retrouvèrent seuls.
— Tu n'as rien dit, nota Clarke.
— Pourquoi aurais-je dit quelque chose ?
Clarke serra les lèvres.
— Tu es conscient que ce garçon est mon fils, n'est-ce pas ? Et que son petit sous-entendu, là, signifie beaucoup de choses.
— Il sous-entends que je pourrais avoir envie de passer du temps avec toi, répondit Roan en s'adossant à sa chaise. Mais tu es Wanheda et la Régente des Terriens, je ne suis que le chef d'un clan.
— Tu es l'entraîneur de Derek, tu passes toutes tes journées ici, chez moi, depuis un an, Roan, répondit Clarke. Tu...
— Je quoi, Clarke ? Tu veux m'entendre dire quoi ?
— Mais ? Rien, non... s'étonna Clarke, surprise. Pourquoi tu le prends comme ça, je...
Roan posa ses mains sur la table et se leva soudain.
— Bonne journée, Rijant, lâcha-t-il.
Il tourna les talons et se dirigea vers la porte de l'appartement, il s'en alla sans un mot de plus et Derek pointa sa tête. Quand il vit la jeune femme debout à la table, il souffla par le nez.
— Je suis désolé, dit-il en la rejoignant. Je pensais que...
Clarke sourit et secoua la tête en passant une main sur sa joue. Elle renifla et esquissa un sourire.
— Tu es trop perspicace, dit-elle en le regardant. Et je crois que tu as raison, mais...
— Mais quoi ? Il t'intéresse ou pas ? Je veux dire, j'ai treize ans, d'accord, je devrais pas m'inquiéter de ça, mais t'es ma mère, Clarke et je vois bien que tu as du mal à oublier Bellamy...
La jeune femme se rassit à sa place et Derek l'imita.
— J'ai de l'affection pour Roan d'Azgeda, avoua alors la blonde. Mais... Mais je n'ai pas le droit. Je ne peux pas avoir une relation, je n'ai pas le temps, je... Non, il serait délaissé. Et cela n'a rien à voir avec Bellamy, je te le promets.
— Pourtant... Ça fait un an maintenant que tu es à Polis et il a passé presque tout son temps ici et...
Clarke secoua la tête, la moue triste. Elle posa sa main sur la joue de Derek et il baissa le nez.
— Je suis désolée, mon grand, mais tant que je serais Régente, ça ne se fera pas...
— Clarke...
Clarke se releva.
— N'insiste pas, je t'en prie, c'est déjà suffisamment compliqué comme ça, je...
Elle inspira et leva les mains, signifiant que la discussion était terminée. Derek hocha la tête, se releva à son tour, puis annonça qu'il rejoignait des copains dans les étages inférieurs de la tour. Clarke n'objecta pas, depuis quelques semaines, il s'était trouvé des affinités avec des enfants de serviteurs et il passait beaucoup de temps avec eux, pour le grand plaisir de Clarke qui l'encourageait à se sociabiliser. Et étrangement, son statut de Natblida et d'ancien Heda ne dérangeait aucun des adolescents, que Clarke avait bien entendus rencontrés, même si elle connaissait déjà les parents.
Histoire de ne pas gâcher l'après-midi, Clarke décida alors d'aller voir Raven et de s'enquérir de son avancée sur la mission qui lui avait été confiée un mois en arrière, à savoir trouver un moyen de pouvoir connecter la Flamme au monde virtuel d'ALIE, afin que Clarke, en prenant la Clef, puisse rencontrer Lexa et avoir enfin des réponses à ses questions.
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