Chapitre 20
Clarke était occupée à lire des documents dans le silence son appartement quand on toqua vigoureusement contre la porte. Elle fronça les sourcils, normalement Tylo était là pour empêcher les visiteurs d'entrer.
— Va voir, dit-elle à Goran.
L'Intendant quitta sa chaise et ouvrit le panneau de verre fumé ; John, suivi de Seiden, entrèrent d'un pas qui ne trahissait rien de bon. Tous deux s'inclinèrent devant Clarke qui haussa un sourcil.
— Que se passe-t-il ? leur demanda-t-elle.
— Vous nous laissez ? demanda alors John en regardant Goran.
— Quoi que vous ayez à dire devant Rijant, vous pouvez le dire devant moi, répondit l'Intendant en s'inclinant.
— Je note, mais c'est à Clarke que je veux parler, alors dehors.
— Bien.
Il s'inclina de nouveau et sortit dans le couloir en refermant la porte. La jeune femme se tourna vers son ami.
— Bon, qu'est-ce qui se passe ? répéta Clarke en se rasseyant, indiquant une chaise.
John l'imita et Seiden s'approcha et lui tendit une boîte en bois avant de reculer de quelques pas.
— J'ai repensé à ta demande pour parler à l'esprit de Lexa, dit le jeune homme. Et... sans porter la Flamme, tu ne peux pas.
— On en a déjà parlé, j'avais compris, répondit Clarke en jetant un coup d'œil à Seiden.
— Elle sait, répondit simplement John. Et je sais que tu ne veux pas porter la Flamme, c'est pourquoi je t'ai amené ça.
Il ouvrit alors la boîte et sorti la Clef, la tenant entre son pouce et son index. En la reconnaissant, Clarke inspira et tendit la main. Elle hésita puis ramena ses doigts à elle.
— Où tu l'as trouvée ? demanda-t-elle.
— Dans les affaires de Titus, mentit Murphy. Je pense que c'est celle qu'il a récupérée dans mes affaires quand j'ai été capturé et qu'il... s'est défoulé sur moi.
Clarke serra les lèvres. Elle plissa ensuite le nez et secoua lentement la tête.
— Si je me sers de la Clef pour aller dans la Cité des Lumières, rien ne me dit que Lexa sera là-bas, dit-elle. J'ai désactivé ALIE, mais est-ce que l'univers numérique est toujours actif ?
— Faudra demander à Raven, répondit John. Elle pourra peut-être connecter la Flamme à la Clef d'une manière ou d'une autre si Lexa n'est pas dans la Cité des Lumières et faire comme tu avais fait pendant la bataille, relier les deux mondes, mais ça reste une hypothèse.
— Qui est Raven ? demanda Seiden.
— Une amie Skaikru, répondit Clarke. Elle m'a aidée à atteindre ALIE et à la désactiver. Sans elle nous n'aurions rien pu faire...
Seiden hocha la tête. John expliqua alors que la jeune femme était une Trishanakru et que comme tout son peuple, elle avait la technologie en horreur et qu'elle avait refusé de prendre la Clef.
— Comme Ilian ? demanda Clarke.
— Ilian était mon cousin, répondit Seiden en baissant le nez. Je ne cautionne pas ce qu'il a fait à Arkadia, détruire vos ordinateurs, mais nous avons été élevés dans cette ligne de conduite, je ne peux lui en vouloir, moi qui voue une dévotion à.... une machine.
Clarke ne répondit rien, se contentant de hocher la tête. John rangea alors la Clef dans sa boîte puis se leva.
— Je vais envoyer un oiseau à Arkadia pour faire venir Raven, dit alors la blonde en l'imitant. Si elle comprend notre demande, alors elle pourra le faire. Octavia m'a dit qu'ils avaient pu récupérer quelques ordinateurs après l'incendie, donc ça devrait le faire.
— Entendu, répondit John. Je la garde avec moi en attendant que tu aies une réponse de Raven. Ensuite, on avisera.
La jeune femme opina. John indiqua alors à Seiden d'aller l'attendre dans le couloir et il se tourna vers Clarke
— C'est glacial entre vous deux, ou je me trompe ? dit-elle.
— Disons que remplacer Tibor par Henon a été bien plus radical que je ne pensais...
John baissa le nez.
— Il fallait le faire, dit-elle. Par égard pour Emori, John, tu ne peux pas aller voir ailleurs, pas sans qu'elle ne le sache, du moins. Elle a dû accoucher maintenant, et...
— Tu crois qu'ils ne nous auraient pas avertis à Arkadia ? Je devrais peut-être les appeler...
— Tu peux essayer, effectivement, mais je n'ai pas vu le temps et...
Le jeune homme hocha la tête. Clarke récupéra alors dans un meuble une boîte contenant le talkie et la déposa sur la table.
— Tu me le ramènes quand tu as terminé, dit-elle. C'est notre seul outil de communication d'urgence avec les nôtres et avec TonDC, alors...
— Oui, ne t'en fais pas, je veux juste savoir comment va ma femme.
Clarke sourit. Murphy la laissa ensuite et rejoignit Seiden et Goran dans le couloir ; celui s'inclina puis retourna dans l'appartement. La jeune Prêtresse se tourna vers John.
— Tu as bien fait, dit-elle.
— Ça m'a travaillé toute la nuit... Je sais que ce n'est pas une bonne chose, ce petit machin, mais je sais aussi ce que j'ai vu quand Lexa a été tuée, Seiden. J'étais dans la chambre de Clarke à ce moment-là et je l'ai vue s'effondrer... J'ai entendu Lexa lui ouvrir son cœur, même si elle ne l'a pas fait avec des mots et...
Seiden posa ses mains sur la boîte que transportait le jeune homme.
— Wanheda est une bonne personne, dit-elle. Et toi aussi. Elle t'a sauvé la vie, Fleimkepa, à plusieurs reprises si j'ai bien compris, tu lui dois bien ça.
John opina puis il proposa de retourner au Sanctuaire. Ils avaient laissé les apprentis en plan, profitant des prières habituelles à cette heure-là pour aller parler rapidement avec Clarke, mais la journée était loin d'être terminée.
Quelques heures plus tard, à Arkadia, un oiseau approchait. L'un des soldats sur la palissade le repéra avec ses jumelles et retourna prestement dans la guérite.
— Courrier ! s'exclama-t-il.
Le soldat en faction se baissa pour éviter le faucon qui s'engouffra dans sa guérite pour se poser sur une barre un peu plus loin. Il regarda ensuite l'animal et s'approcha.
— Si tu me pinces, t'en prend une, menaça-t-il, méfiant.
L'animal pencha la tête pour le regarder et l'homme détacha le parchemin enroulé autour de sa patte. Il le tendit ensuite à son collègue et donna un morceau de viande à l'animal.
— C'est pour Raven, dit l'autre homme. Oh... C'est Clarke...
— Tiens, elle se souviens qu'on existe ? railla l'autre soldat.
Son collègue ne releva pas et ouvrit la trappe de la guérite. Il siffla et un autre garde s'approcha. Il lui lança le rouleau en disant de le porter à Raven, puis il retourna à son poste.
— Je lis bien ?
Kane prit le parchemin et fronça les sourcils. Raven était à la cantine, en train de prendre son petit-déjeuner. Il était tard, mais elle avait travaillé une bonne partie de la nuit pour améliorer un détecteur de radiations afin d'espérer retrouver un jour les autres stations de l'Arche.
— Apparemment, Clarke demande si tu saurais à nouveau entrer dans le code de la Cité des Lumières, lut Kane. Tu saurais faire ça ?
— Techniquement oui, mais pour ça, il me faut un truc auquel me connecter, comme... l'une des Clefs d'ALIE.
— Elles ont toutes été détruites, dit Jaha en secouant la tête. J'y ai veillé.
— Vraiment toutes ? demanda Raven.
— Eh bien, peut-être en reste-t-il au phare, mais ne comptez pas sur moi pour y retourner...
Kane opina et posa le parchemin sur la table. Raven le tira à elle et soupira.
— Pourquoi est-ce qu'elle voudrait retourner dans la Cité des Lumières ?
— À mon avis, c'est une question que tu devras lui poser toi-même, répondit Jaha en prenant le parchemin. Elle t'attend à Polis.
Raven grimaça.
— Et j'y vais comment, hein ? siffla-t-elle. Je ne peux pas monter à cheval, ni seule, ni avec quelqu'un.
— Jörgen va bientôt arriver et nous savons qu'Arkadia est son dernier arrêt avant TonDC puis Polis, dit Kane. Tu partiras avec lui.
— Bah voyons... Je vais me taper deux semaines de chariot pour répondre à Madame la Régente des Terriens que j'ai besoin d'une Clef pour ouvrir le programme informatique de la Cité ?
Le ton était mauvais et Kane soupira. Raven renifla avec dédain, termina son bol de blé bouilli puis s'éloigna dans un cliquetis métallique.
— Qu'est-ce qui lui arrive ? demanda alors Jaha.
— Son petit-ami l'a laissée tomber il y a deux jours, répondit Kane avec un soupir. Je pensais l'envoyer tenir compagnie à Bellamy, mais elle est tellement hargneuse qu'on ne peut rien lui dire...
Jaha plissa le nez. Il prit sa chope de bière et observa le liquide ambré.
— Je pense à cette bière, dit-il en buvant une gorgée. Tu comptes garder les Terriens encore longtemps ?
— Je ne les « garde » pas, Thelonius, ils sont ici de leur plein gré, répondit Kane. Et tant qu'ils estimeront que nous ne sommes pas capables de nous débrouiller seuls pour survivre et affronter le monde, ils demeureront à Arkadia.
— Inutile de le prendre sur ce ton, répondit l'ancien Chancelier avec une grimace. Je demandais, c'est tout...
— Pourquoi ? On t'a posé des questions ?
— Oui... Les habitants d'Aggro craignent pour leur futur avec les Terriens dans les environs... Déjà qu'il y en a deux ou trois qui font du gringue à nos femmes...
Kane haussa un sourcil.
— En quoi cela te dérange-t-il ? demanda-t-il. Nous sommes moins de trois cents, Thelonius, nous n'allons pas pouvoir survivre bien longtemps, surtout que nous ne sommes plus tous jeunes, nous les adultes, et que nos ados le sont trop pour songer à avoir des enfants maintenant. Nous mêler aux Terriens ne peut que nous aider à conserver notre clan en bonne forme.
— J'en doute, ils font des enfants déformés depuis un siècle, je te rappelle...
— Et nous aussi, sauf que sur l'Arche, nous les éliminions bien avant qu'ils ne soient considérés comme des êtres humains. Et nous en aurons aussi ici, bien que nous n'ayons pas grandi sur Terre, rappela Kane. Dès l'instant où nous avons posé le pied sur cette planète, nous avons été doublement irradiés. Certes, nous n'avons pas été malades parce que les radiations de la Terre sont beaucoup moins dangereuses que celle du Soleil qui nous ont « bercées » depuis notre naissance, si j'ose dire, mais nous sommes quand même irradiés et nous aurons donc encore plus de chances de faire des enfants difformes, même si nous ne nous mêlons pas aux Terriens.
Pas convaincu, Jaha termina sa bière, s'excusa, puis quitta la cantine. Il fut aussitôt remplacé par Abby à qui Kane décocha un large sourire.
— Ah ! Une compagnie plus agréable, dit-il.
— Ah ? Avec qui étais-tu ?
— Raven et Thelonius, répondit le Chancelier en levant les yeux. Raven est ingérable depuis que Wick l'a laissée tomber et Jaha me demande presque tous les jours quand nos Terriens vont partir.
— Je vois... Hm ? C'est quoi ? Oh, une lettre de Clarke ? s'étonna Abby en prenant le parchemin. Elle est arrivée quand ?
— Il y a une heure environ, répondit Kane. Clarke demande à Raven si elle pense que la Cité des Lumières est toujours activée.
Abby fronça les sourcils.
— Pour quelle raison ?
— Elle n'en dit pas plus dans la lettre, mais j'imagine que cela à un rapport avec Heda...
— Hm, pourquoi un jeune garçon de douze ans voudrait voir cette ville numérique ?
Kane haussa les épaules.
— Tout ce que je sais, c'est que Clarke attend Raven à Polis, mais que notre cher corbeau n'a aucune envie d'y aller avec le chariot de Jörgen.
— Cela se comprend, ce n'est pas confortable et même s'il est gentil, Jörgen est un marchand, il parle beaucoup et Raven pas tellement. Peut-être que je devrais l'accompagner ?
— Tu crois ? s'étonna Kane. Est-ce que la Régente des Terriens aimerait avoir sa mère dans ses environs ?
— Elle pourrait être Heda, elle reste ma fille, rétorqua Abby. Tu sauras gérer le camp si je pars pendant un petit mois ? Parce qu'il faut bien deux semaines de chariot pour aller à Polis, mais nous reviendrons à cheval.
— Raven va râler...
— Non, peut-être pas. Je venais justement t'en parler, mais un de nos Terriens a eu une idée pour elle, justement, pour faciliter les transports et pour qu'elle sorte un peu plus du camp.
— C'est à dire ?
Abby sourit et sortit un morceau de cuir clair très fin sur lequel on avait dessiné, avec du charbon, une sorte de chaise. La silhouette d'un cheval était dessinée aussi, pour montrer comment la chaise pouvait être fixée sur la croupe de l'animal.
— Je ne sais pas si un cheval accepterait, dit Kane, sceptique.
— Il suffit de l'y habituer, répondit Abby. Igor m'a assuré qu'il avait déjà vu ce système pour transporter les plus vieux ou les estropiés qui continuent à être actifs.
Silencieux, Kane regarda le dessin. Il retourna ensuite la peau et fronça les sourcils.
— Et ça ? demanda-t-il. Qu'est-ce que c'est, ça à l'air un concept intéressant...
— Ça, c'est mon idée, mais je ne sais pas si c'est faisable, répondit Abby. J'observe Raven depuis qu'elle vit ici et ça fait un moment que je me dis qu'il est peut-être possible pour elle de monter à cheval, même avec une jambe non fonctionnelle.
Kane regarda le dessin de la selle et nota la présence de lanière de cuir au niveau du placement de la jambe.
— Ces lanières seraient pour fixer la jambe à la selle ? demanda-t-il. Avec son attelle...
— Il faudra qu'elle la retire et qu'on l'aide à monter, puis qu'elle fixe les lanières bien serrées pour ne pas que sa jambe bouge. Elle pourra monter à califourchon et se servir d'une tige pour remplacer sa jambe invalide.
— Là encore, il faudra habituer le cheval...
— Igor dit que c'est faisable, il faut juste de la patience et de la persévérance.
Pas tout à fait convaincue, Kane proposa de laisser cette idée de côté et de s'occuper du prochain départ de Raven pour Polis.
— Tu veux vraiment l'accompagner ? dit-il à sa compagne.
— Je n'ai pas vu ma fille depuis des mois, chéri, répondit Abby.
— Hum, oui, c'est vrai que tu avais prévu de la rejoindre quand elle est partie à Polis, grimaça Kane. Bon, d'accord, dès que Jörgen sera là, nous lui paierons un transport jusqu'à Polis. À deux, vous serez mieux que si Raven partait toute seule...
Abby hocha la tête. Kane proposa alors qu'ils se partagent un peu de thé bien chaud et ils passèrent d'une discussion sérieuse à une discussion un peu plus intime comme le ferait tout couple normal autour d'une boisson chaude.
Jörgen, le marchand Podakru, se pointa à Arkadia une semaine plus tard et en apprenant que Wanheda avait réclamé la mécanicienne éclopée, il s'avéra enchanté de lui offrir un transport. Cela lui ferait une excuse pour aller acheter des choses à Polis et les revendre, ce qu'il faisait rarement.
— Vous avez toutes vos petites affaires ?
— Oui, oui, nous sommes parées, sourit Abby.
Le marchand, un Terrien haut comme Lincoln avec un sourire à faire pâlir une de ces pâtes à dents des Ancêtres, prit le sac d'Abby et le jeta au fond de son chariot. Il aida ensuite la femme à monter, puis il saisit Raven par les hanches sans aucune forme de délicatesse pour la hisser dans le chariot. La jeune femme jura de surprise et se retrouva à genoux sur le plancher. Elle s'assit en jetant un regard au Terrien qui haussa les épaules avant de retourner à l'avant du gros chariot.
— Du courrier à emmener à Polis ? demanda à Kane.
— Non, Abigail se chargera des nouvelles, merci, Jörgen.
— À votre service, Chancelier.
Il grimpa sur le siège du conducteur en faisant tanguer le chariot, puis claqua de la langue et ses deux lourds chevaux de trait se mirent en marche dans un grincement de cuir et bruit de ferraille.
— Tu envoies un oiseau quand vous êtes arrivés, dit Kane à Abby en suivant le chariot.
— Oui, entendu, je te ferais un rapport. À bientôt !
Kane hocha la tête, souriant, puis il agita la main et le chariot franchit le portail électrifié qui restait maintenant ouvert la journée et qu'on ne fermait plus que la nuit pour empêcher les intrus ou les animaux.
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