Non, tout a vraiment recommencé ?

Je regarde autour de moi, je suis de nouveau dans ma chambre.

Bon sang mais qu'est-ce qu'il m'arrive ? D'abord je me réveille à l'hôpital, avec un pansement dans le cou, et maintenant je suis à nouveau dans ma chambre, comme si rien de tout cela n'était arrivé ?

Je me lève et me dirige dans la salle de bains. Je me déshabille et observe mes jambes : mes cicatrices sont toujours là. Ça fait quatre jours que je ne me suis pas scarifiée. Certains pourraient penser que je fais ça seulement pour attirer l'attention de ma famille, mais ce n'est pas le cas. Pour moi, c'est une délivrance. Lorsque je suis trop mal mentalement, que je n'arrive plus à gérer, j'ai besoin de me faire mal physiquement, comme si grâce à cela j'allais me sentir mieux, comme si ma douleur allait s'atténuer. Évidemment, ce n'est pas le cas. Mais pendant quelques minutes, lorsque je vois le sang couler sur mes cuisses, je me sens soulagée.

En revanche, les bleus que j'ai sur les bras ne me disent rien. Je n'ai plus aucune trace dans mon cou, mais mes bras sont remplis de coups, pourtant je ne me suis pas fait tapée. Ou alors, c'est que je ne m'en rappelle pas.

Après m'être préparée, je range toutes mes affaires. Aujourd'hui, c'est notre dernier jour dans cette maison, nous rentrons chez nous dans l'après-midi. Une partie de moi est stressée, je vais devoir affronter la réalité. Revoir Louis pour lui parler de tout ce que j'ai appris, mais surtout, je vais peut-être voir Julia, car y il y a quelques jours celle-ci m'avait demandé qu'on se fixe un rendez-vous avec ma sœur, pour parler. Mais après le rêve que j'ai fait, une voix dans ma tête me dit de ne pas y aller, car il se pourrait que j'ai fait un rêve prémonitoire. Je me renseignerai sur le sujet.

Je descends ma valise, mes parents sont en train de manger. Leur froideur habituelle est revenue, je ne sais toujours pas si ce qu'il s'est passé à l'hôpital est le fruit de mon imagination. Jen n'est pas encore réveillée, mon père me charge de le faire. Il y a un changement de programme : nous partons en fin de matinée, il a reçu un coup de téléphone de son travail, lui demandant de passer dès qu'il serait rentré.

Le travail de mon père est plus important que tout le reste. Il y a trois ans, il a du partir en plein dîner de noël car son patron l'avait appelé, pour signer un papier. Il est revenu deux heures après car il n'a pas réussi à dire non à ses collègues, et il a mangé avec eux. Ce soir là, mes parents se sont disputés comme ils ne l'avaient jamais fait auparavant, Jen était en larmes (et moi aussi) mais elle refusait de rester avec moi, ce qui nous aurait aidées toutes les deux. Après cette histoire, mon père a dû dormir sur le canapé pendant une semaine. Mais ensuite, mes parents se sont rappelés qu'ils devaient jouer au rôle de la famille parfaite, alors on a tous fait comme s'il ne s'était rien passé.

J'entre dans la chambre de Jen et ouvre les volets, je sors de sa chambre en faisant semblant de ne pas entendre ses insultes. Lorsque je redescends, ma mère me remarque enfin :

-Ma mère : Romy, peux-tu me dire pourquoi tu as mis un pantalon et un pull alors qu'il fait plus de 40°C aujourd'hui ?
-Moi : Je ne sais pas, ce sont les derniers vêtements qui me restaient. Et puis, au moins je serai habillée confortable pour la route.
-Mon père : Tu vas être ridicule à côté de nous lorsqu'on sera sur des aires d'autoroute Romy...
-Jen : Ce ne serait pas la première fois.

Ma famille s'est mise à se moquer de moi, me laissant au milieu de la cuisine, en larmes. C'en est trop pour moi, dès que nous seront rentrés chez nous, je partirais. Louis m'a toujours dit qu'il m'accueillerait chez lui si c'était trop dur pour moi. Peut-être que c'est le moment de prendre la sortie de secours ? Un nouveau départ peut être positif !

Cette idée me réjouit, je sors de la maison en souriant. Même si ça me fait mal de l'avouer, il fait extrêmement chaud. Je ne tiendrais jamais quatre heures de voiture comme ça.

Nous démarrons, et je sors mon téléphone. Sans grande surprise, je vois le nom de Julia s'afficher :

« Salut Romy ! Jennifer m'a dit que vous rentriez plus tôt aujourd'hui, c'est parfait, comme ça on pourra se voir ! Serais-tu d'accord pour qu'on se retrouve aux tas de cailloux vers 19h ? Tu sais, au bout de votre quartier ? Bonne route ! J. »

Ce soir ? Je pensais que j'aurais plus de temps pour réfléchir, mais apparemment non. Ce tas de cailloux est rempli de souvenirs, j'y ai passé d'excellents moments avec ma sœur, avec Julia, avec Louis...c'est même là-bas où nous nous sommes mis ensemble, et où il m'a embrassée pour la première fois.

Je ferme les yeux, et réfléchis à ce que je vais faire ce soir.