Chapitre 8
- Nous devons aller aider Gaby, s'écria Ethan.
- Que veux-tu qu'on fasse ? Elle est sûrement dans le château, emprisonnée, déclara Lia, d'une voix de plus en plus faible. Je vais te dire la même chose que tu lui as dit : te faire prisonnier ne servira à rien. De plus, tu l'as entraînée, elle saura se débrouiller. Et c'est une fille au cœur bon, elle trouvera de l'aide. Ne t'inquiète pas.
- Ne pas m'inquiéter ! Mais c'est ma fille !
- Ta fille adoptive, rectifia-t-elle. Mais je te comprends; si tu veux y aller je ne t'en empêcherai pas.
Ethan regarda sa femme dans le blanc des yeux comme pour y lire la vérité.
- Qu'est-ce que tu me chantes là ?
- Je suis seulement fatiguée, dit-elle simplement.
Ethan ne fut pas dupe.
- Tu peux tout me dire. Aller, je t'écoute.
Lia laissa échapper un soupir en tentant de cacher la douleur qui lui lacérait les entrailles.
- Le... Le sort qu'Enzo m'a envoyé était très puissant, finit-elle par avouer.
L'Airicien jura intérieurement avant de reprendre avec une voix plus grave.
- Que t'a-t-il fait exactement ?
- Je ne sais pas très bien; je ne connais pas ce sort. Il m'a attrapée le bras et puis a lancé comme un feu en moi. Ça me brûlait intérieurement et je ne pouvais rien faire. Chaque muscle se contractait et me donnait des crampes. La douleur est encore présente et le feu aussi. Il n'a pas dû l'éteindre complètement, si je puis dire.
- Mais nom de Solathan pourquoi ne l'as-tu pas dit plus tôt ?
- Qu'aurais-tu fait ? Je ne voulais pas faire peur à Gabrielle et il fallait s'occuper de ce Feuricien.
- Il faut que tu ailles sur Lunos. Lisie pourra te soigner, j'en suis sûr.
Lia secoua la tête.
- Je ne tiendrai pas le trajet.
- Très bien, alors j'irai la chercher.
La grande garde sourit tristement. Tout son visage n'exprimait qu'amour et aucune lueur de peur ni de douleur ne transparaissait dans ses yeux. Lia connaissait l'art de cacher ses émotions et ce qu'elle désirait garder pour elle. Elle était passée maître dans la comédie; malheureusement pour Ethan.
- Elémentarius a dû changer en quinze ans et peut-être qu'elle est possédée ou emprisonnée.
Malgré ses capacités, Lia pâlissait de plus en plus; elle ne pouvait empêcher les manifestations physiques de la douleur de se montrer. Elle luttait pour ne pas fermer ses yeux. Soudain Ethan perdit son sang-froid et fut au bord de la panique.
- LIA ! hurla-t-il en la secouant de toutes ses forces. Tu m'entends ? LIA ! Reste avec moi !
- Je vais mourir, mon amour, ça ne sert plus à rien, murmura Lia plus pour se persuader de la fatalité qui l'avait frappée si vite que pour tenter d'adoucir son mari.
Et soudain, alors qu'elle semblait si calme et apaisée, elle éclata en sanglots. Ses sentiments enfouis remontèrent à la surface et la peur de mourir explosa. La fontaine de cristal inonda son visage. Elle n'avait jamais pleuré, toujours elle avait supporté les épreuves, les combats, les blessures; jamais elle n'avait crié pour les plaies qu'elle s'était ouvertes, ni les douleurs des guerres violentes. Elle était une guerrière, une combattante et c'était pour cette raison que le caractère enfantin qui pleure face à la peur de mourir ressortit alors. Cette réaction normale est ancrée dans chaque homme et chaque femme. Même les plus grands dangers ne l'avaient jamais mise dans cet état. Elle laissait couler ces fines gouttelettes d'argent comme si, de leur fraîcheur, elles pourraient éteindre le brûlant de son corps. Ethan, lui-même, fut touché de ces diamants qui se déversaient dans un flot continu. Il revit soudain, face à lui, la petite Lia de dix ans qui s'attristait parce qu'elle avait raté sa fente en escrime ou parce qu'elle n'avait pas eu le morceau supplémentaire de chocolat. Elle pleurait comme il ne l'avait plus revu depuis de nombreuses années. La panique de perdre sa femme se dissipa progressivement. Il avait compris. Lia ne sanglotait pas parce qu'elle avait peur de mourir, elle n'avait jamais eu peur de la mort contrairement à lui car elle croyait profondément à une vie auprès de Solathan après. Non, elle pleurait car elle allait mourir d'une cause inconnue. En effet, elle ne pouvait pas se battre car elle ne connaissait pas ce sort qui était en train de la tuer et cette impossibilité de se défendre lui brûlait ses pauvres nerfs. Alors Ethan ressentit subitement le devoir de la calmer et de l'aider. Il connaissait Lia, il y avait peu de chance pour qu'elle se soit trompée; elle ne s'en sortirait pas.
- Tu sais que tu peux vraiment être bête quand tu veux ? dit-il avec espièglerie. Tu es une tête de mule, Lia, tu es bornée ! Tu l'as toujours été; tu n'as jamais voulu montrer tes blessures, tes maladies ! J'aurais dû me rendre compte que tu n'étais pas bien. Oh, Lia que tu es idiote !
La mourante sourit au travers du rideau de ses larmes.
- Je vais pouvoir me reposer maintenant, je te laisse tout le sale boulot, répondit Lia d'une voix brisée, une voix qu'elle avait du mal à faire sortir tant sa gorge était serrée. Je sais que Gabrielle sauvera Elémentarius et toi, Ethan, sois fort et prends soin d'elle.
- C'est ça et toi, mon ange, tu me regarderas suer d'en haut; merci de me laisser !
Ils rigolèrent tous les deux mais d'un rire faux, un rire forcé.
- Lia je t'aime. Ne renonce pas à la vie, sois forte, ne me laisse pas seul.
- Je serai toujours avec toi... là, dit-elle en pointant le cœur de son mari. Je veillerai sur toi.
Ethan leva ses mains, ferma les yeux et invoqua un puissant souffle, qu'il rabattit sur Lia. Elle inspira profondément, mais rien de plus ne se produisit.
- Je ne peux rien faire pour toi, soupira le soldat avant de serrer fortement sa mâchoire pour ne pas pleurer à son tour. Mais aie confiance ! articula-t-il ensuite.
Il se devait de ne pas craquer, il devait rester maître de ses émotions - comme ils l'avaient tous les deux appris lors de leur formation - ; il devait être un homme, un mari. La respiration de la mourante était plus faible et le feu l'envahissait de plus en plus, se rapprochant de son cœur.
- Mon amour, je... suis faible et... je ne tiendrai plus très longtemps. S'il te plaît, montre-moi des images agréables... de nous..., demanda-t-elle faiblement.
Ethan ne put ignorer ses dernières volontés et, ravalant ses larmes, s'allongea à côté de sa moitié. Puis il l'embrassa passionnément, déployant sa magie. Il choisit un souvenir d'eux deux.
Une belle jeune femme brune se trouvait au pied d'un arbre isolé sur cette plaine verdoyante mais déserte. C'était un lieu calme et reposant et elle aimait y entendre les oiseaux chanter. Son visage était serein et ses légères fossettes rosissaient. Ses boucles brunes détachées lui tombaient gracieusement sur ses épaules. Elle avait abandonné ses pantalons, ses chemises, ses bottes hautes et même son épée de garde royale, au profit d'une robe bleue turquoise lui arrivant aux chevilles sciées de légères sandales noires. Un magnifique cheval blanc paissait à ses côtés. Son encolure dorée définissait clairement un autre monde que la Terre, un monde au doux nom de Lunos. Au loin, elle aperçut une silhouette familière. Vêtu d'un pantalon sombre, sa chemise bleu vif sous une veste sans manche ressortait magnifiquement bien. Lui aussi avait abandonné ses habits de gardes mais avait gardé son épée qui pendait d'ailleurs à son côté gauche. Ethan avait donné rendez-vous à Lia à cet endroit éloigné de la cité de Terricée : le mont d'Envoir. Le jeune homme, âgé d'une vingtaine d'années, s'approcha de Lia. Tous les deux ne prononcèrent mots. Un regard pénétrant leur suffirent pour se montrer tout l'amour qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre. Un regard doux et plein de bonté. Un regard rempli de bonheur et de passion. Un regard brillant d'amour, un amour tel que la mort, elle-même ne pourrait arrêter. Puis Ethan attrapa la main de Lia et la mena au majestueux étalon. Il la prit dans ses bras, lui déposa un léger baiser dans le cou qui fit gémir de plaisir la jeune femme, d'une vingtaine d'année aussi, et la plaça doucement sur le cheval blanc. Puis d'un saut il se retrouva derrière elle. Il passa ses bras des deux côté de Lia et attrapa les rênes. Ethan créa un lien avec l'animal gracieux et lui fit comprendre de partir. Ce dernier galopa doucement sans malmener les deux jeunes adultes. Le blanc étalon avait compris les sentiments qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre. Le vent balayait les cheveux soyeux de Lia et son parfum enivrait Ethan. Ils étaient en harmonie pure et la jeune femme, adepte sur un cheval, se redressa pour se mettre debout. L'étalon ralentit pour permettre à Lia de se retourner, poser ses mains sur les épaules d'Ethan, donner une impulsion et passer en une magnifique pirouette gracieuse au-dessus du jeune homme. Ce dernier s'avança pour permettre à Lia de se positionner derrière lui sans risquer de tomber. La jeune femme s'assit et, étendant ses bras, fut grisée par ce sentiment de bonheur et de joie avec Ethan.
Le feu se referma sur le cœur de Lia et elle ferma ses yeux brillant d'amour pour son mari.
- Je t'aime, parvint-elle à articuler.
- Moi aussi je t'aime, pleura-t-il.
Plus aucune réponse ne lui parvint et il entendit le dernier souffle de sa femme. Elle était partie, elle l'avait abandonné. Ethan poussa un long hurlement de désespoir.
Il s'écroula sur le corps inerte, pleurant et invoquant encore le vent. Mais il était trop tard, ce maudit feu invoqué par un... un non-noble ! avait tué sa femme, son amour, sa vie !
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