Chapitre 10
« Ici-bas, la douleur à la douleur s'enchaîne,
Le jour succède au jour, et la peine à la peine. » Lamartine
Isabelle apparut devant la grille de la cellule de Gabrielle. Ses lèvres esquissèrent un sourire malsain qui fit frémir la jeune fille, et ses yeux brillaient d'une lueur insondable.
- Tu es réveillée ! s'enthousiasma-t-elle, tout en ouvrant la porte. Comme je suis contente.
- Parlez pour vous... vous voir m'est déjà insupportable ! grinça Gabrielle.
- Oh, mais c'est qu'elle montre les crocs la petite Gabrielle ! On ne t'a jamais dit que s'attaquer à plus fort que soi est une mauvaise idée ? lança Isabelle.
- Qui a dit que vous étiez plus forte ? répliqua la jeune fille, ne contrôlant pas ses paroles. Certes, plus grande, mais plus forte...
Gabrielle se laissait dominer par ses émotions et pour répondre à la tension qui l'oppressait, elle optait, de façon irraisonnée, pour la provocation. Arthur, de son côté, plaignait son audace et sa répartie tout en l'admirant. Elle était courageuse mais elle ne devait pas encore bien connaître Isabelle.
- Ah, tu veux jouer à ça, siffla cette dernière.
A ces mots, comme appelé par Isabelle, un jeune homme imposant et à la stature détendue apparut à l'entrée de la cellule. Arthur, intrigué par le nouveau grincement de la grille, s'approcha de la petite ouverture qu'il venait de quitter en faisant bien attention de ne pas se faire voir. Gabrielle tourna son regard vers l'inconnu et l'observa attentivement.
Elle n'avait jamais vu d'adolescents de son âge avant Arthur et lui. Ce nouveau venu, grand, musclé, le visage frais, l'étonnait. Elle contemplait ce personnage habillé tout de noir, de la veste en cuir au pantalon en passant par une paire de chaussure élégante; il devait avoir deux voire trois ans de plus qu'elle. Ses yeux s'attardèrent sur son visage, dont la pâleur contrastait avec le noir qu'il portait, encadré d'une chevelure de jais légèrement négligée et aux longues mèches ramenées rapidement vers l'arrière de son crâne. Séduisant, il avait l'œil vif, perçant, malicieux, un sourire un peu moqueur, la nonchalance d'un chat, la vivacité d'une hirondelle; des lèvres rouges, une face régulière, une beauté sanguine. Et, il regardait la jeune fille d'un œil de prédateur, attentif et hautain. Il semblait la transpercer de son regard, plongeant en elle pour la déchiffrer; l'examinant, l'analysant pour mieux la surprendre. Un regard de rapace envers sa proie. Et cette suffisance, cette hauteur le vieillissaient, comme s'il avait la force d'un homme adulte qui dominait la jeune fille qu'elle était.
Alors, sentant ce regard insistant sur elle, Gabrielle releva son regard vers le sien et leurs yeux se rencontrèrent. Des yeux si noirs qu'ils semblaient fait de charbon, avec des éclaircies rouges comme un feu, la regardaient intensément. Ses yeux... Ils hypnotisaient la jeune fille, elle se perdait dans cette obscurité qui lui semblait infinie. Elle était attirée par une force incontestable qui l'empêchait de détourner le regard. Le jeune homme la fixait aussi et la dévisageait mais avec un soudain malaise apparent et une touche de crainte par cette attirance déconcertante. Mais il secoua la tête, pinça ses lèvres, serra sa mâchoire, croisa ses bras et se ressaisit, s'efforçant de ne rien laisser paraître de l'attention qu'il lui avait portée; si bien qu'elle pensa que c'était son imagination.
- Je te présente Damien, continua Isabelle. Je suppose que ça ne sert à rien de te redemander si tu veux t'allier à moi...
Elle laissa en suspens sa phrase mais Gabrielle ne se sentait plus le courage de s'opposer; ses pensées avaient explosé en une dizaine de réflexions, la perdant dans l'instabilité.
- C'est ce que je pensais. Donc passons aux choses sérieuses.
Elle fit un signe au jeune homme qui s'approcha de Gabrielle. Le regard glacial de Damien et son attitude menaçante eut pour effet de raffermir la jeune fille qui sauta de son lit sans réfléchir et imagina instinctivement une riposte. Lorsqu'il arriva à sa hauteur, comprenant que la violence allait commencer dans ce lieu clos, elle visa son épaule droite, espérant par la suite le déstabiliser d'un coup de poing dans le ventre. Mais sous son regard ahuri, il attrapa, à la vitesse de l'éclair, son poing dans sa main et retourna son poignet pour le coincer dans son dos. Elle essaya de se le dégager, en vain; sa main était complètement bloquée.
- Tu es pleine de surprises, s'amusa Isabelle, mais c'était sans compter sa rapidité et sa force.
Gabrielle, bien qu'étonnée, ne s'avoua pas vaincue. Elle accrocha les pieds du jeune homme pour tenter de le faire tomber mais il la souleva de terre par le poignet qu'il tenait. La jeune fille poussa un hurlement sous la douleur de son épaule que l'on tordait.
- Tu es incorrigible Gabrielle, continua de commenter la jeune femme.
Cette dernière acquiesça en direction de Damien. Le jeune homme, reposa Gabrielle mais ne la lâcha pas pour autant. Toujours dans son dos, il attrapa fermement sa main droite, pour l'empêcher de trop se débattre, et vint placer sa puissante main sur sa bouche et son nez. Voyant qu'elle ne pouvait plus respirer, Gabrielle fut gagnée par la panique et elle essaya d'enlever la main de Damien. Une peur effroyable s'empara d'elle alors que l'air ne rentrait plus dans son corps; ses muscles se crispèrent, son regard s'alluma d'une lueur d'horreur, son cerveau voulait se couper de la réalité et elle se débattit, elle tira de sa main libre et faible sur le bras puissant du bel homme qui devenait un tortionnaire. Mais cela ne servit à rien, encerclée par les bras du garçon et sa main droite coincée dans celle libre de Damien, elle ne pouvait presque pas bouger. Soudain la voix d'Isabelle sonna à ses oreilles.
- Originalité Gabrielle ! se félicita la jeune femme. Tu ne trouves pas cela plus vivant que vos noyades répétées comme on le voit dans vos films terrestres ? Pour ma part, je trouve ça tellement plus amusant !
Arthur s'était détourné, horrifié. Il ne pouvait rien faire pour l'aider et ne supportait pas de voir cela. Lorsque Damien sentit que les jambes de Gabrielle ne la soutenaient presque plus, il relâcha sa prise. La jeune fille inspira une énorme bouffée d'air et haleta, tentant de récupérer.
- Alors ? demanda Isabelle.
Gabrielle ne répondit pas, alors la tortionnaire hocha la tête en direction de Damien. Ce dernier, empêcha à nouveau la jeune fille de respirer, dont les larmes montèrent soudain aux yeux. Au bout d'une bonne vingtaine de secondes, il la relâcha. Gabrielle n'en pouvait plus. Elle s'était toujours demandée pourquoi les héros des films abandonnaient rapidement, maintenant elle comprenait mieux.
- Toujours pas ?
- ... je... n'en peux... plus, haleta Gaby.
- Eh bien cède et tout sera facile pour toi.
- ... NON ! parvint-elle à crier.
Elle ne pouvait pas être comme les personnages des films; dans sa situation, c'était pour être possédée et non pour des informations ! Elle ne comprenait d'ailleurs pas la motivation d'Isabelle.
L'impassibilité de Damien était impressionnante; il recommença encore cinq fois. Et plus les coupures de sa respiration avançaient et se poursuivaient, plus elle s'affaiblissait. Ses jambes ne la soutenaient que difficilement et son sang montait au cerveau avec difficulté. Elle devait tenir. La seule motivation qu'elle avait, était qu'ils finiraient bien pas arrêter. De plus, ils ne la tueraient pas, non ? Damien la tenait avec puissance contre son torse et lui coupait la respiration durant une bonne trentaine de secondes puis la laissait récupérer une dizaine de secondes. Le temps de sa récupération n'était pas proportionnel au temps où elle souffrait; sa vue se brouillait et des points noirs se formaient devant ses yeux. Elle ne pouvait plus réfléchir correctement et finalement ce ne fut plus que Damien qui la soutenait pour continuer la torture. Isabelle souriait sadiquement. Cette jeune fille devait souffrir, il fallait qu'elle comprenne qui était le maître.
Alors que Damien allait recommencer Isabelle l'interrompit.
- Attends ! Je vais tenter quelque chose pour une prochaine fois. Tiens la bien.
- Bien sûr, Maxima, répondit le jeune homme d'une voix grave.
Gabrielle inspira profondément pour prendre le plus d'air à la fois, tenter de calmer son cœur qui battait la chamade et d'apaiser sa panique du manque d'oxygène. Elle essayait de récupérer le plus vite possible ne sachant pas si cela allait se poursuivre. Le sang remonta à sa tête et cela lui fit du bien. Ses jambes reprirent des forces et son visage des couleurs plus roses. Damien la serrait bien pour pas qu'elle ne s'échappe, mais de toutes façons elle ne tenterait rien, trop faible et trop occupée à reprendre une respiration à peu près normale. Elle observa Isabelle s'approcher d'elle, une paire de ciseaux à la main. Elle n'eut pas le temps d'avoir peur que cette dernière attrapa la longue natte de Gabrielle et la coupa nette au niveau de sa poitrine. Ses cheveux, réduits mais toujours assez longs, se détachèrent et retombèrent délicatement sur ses épaules.
- Que faites-vous ? balbutia Gabrielle.
- Tu le verras plus tard, fit Isabelle en contemplant la mèche de cheveux roux qu'elle tenait.
Puis elle fit signe à Damien de la relâcher; ce qu'il fit en la jetant brutalement sur la planche servant de lit. Isabelle vint ensuite lui murmurer quelques mots. Quant à Gabrielle, elle se relevait douloureusement. Cela ne la rassura guère et elle décida de ne pas chercher à comprendre de quoi elle parlait. Enfin Isabelle sortit, au grand soulagement de la jeune fille. Mais elle pensait que ce serait aussi le cas du jeune homme, ce qui n'en fut point. Au contraire, il ferma la grille. Gabrielle déglutit aux paroles de Damien.
- Alors, ma belle, à nous deux, dit-il charmeur en s'avançant doucement vers elle.
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