Chapitre 2
Bonjour !
J'ai le plaisir de vous retrouver avec un nouveau chapitre de cette fiction ^^ J'ai plutôt bien avancé dans l'écriture puisque j'ai pu écrire 6 chapitres, ce qui m'assure une publication chaque dimanche pour tout le mois de mai :)
Bonne lecture
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— Chapitre 2 —
5 août 2019.
Ils ont mis mon deadname sur mon badge. J'avais pourtant bien signalé à la RH qu'il fallait mettre mon prénom d'usage, je lui ai fourni des documents pour prouver que la démarche de changement de prénom était en cours. J'ai même sorti une attestation psy alors que je m'étais juré de ne pas le faire. Mais j'ai vraiment besoin d'avoir un badge avec le bon prénom.
Comment je vais faire maintenant ? On m'a promis que j'en aurais un nouveau avant la fin de la semaine, mais en attendant je vais devoir l'utiliser comme ça. Peut-être que je peux mettre un bout de scotch sur le prénom ? Non, ça risque d'attirer encore plus l'attention. Je crois que je vais simplement le mettre dans ma poche. Je peux prétendre ne pas l'avoir encore eu, parce qu'il y a eu une erreur dessus. Sans préciser pourquoi. Il est hors de question de m'outer auprès de tout le magasin. Et si jamais à un moment je suis obligé de le montrer, il faudra que je compte sur la stupidité des cis pour qu'ils pensent qu'il y a simplement eu une merde dans le fichier et que c'est la seule raison pour laquelle il y a un prénom féminin sur mon badge ? Sur un malentendu, y a peut-être moyen ? Je ne sais pas. J'ai la trouille. Rien que d'y penser, j'ai mal au ventre.
Si seulement j'ai pu avoir le bon prénom dès le début. C'était déjà suffisamment gênant de devoir expliquer à la RH que j'étais trans et que je n'avais pas encore mon changement d'état civil. C'est tellement long. J'ai envoyé mon dossier au début de l'été. Je croise les doigts pour l'avoir avant mon départ en mars prochain. Heureusement que j'ai un bon passing maintenant. Avec la barbe, ça change tout. Disons qu'on me prend plus facilement au sérieux, même si ça ne fait pas tout. D'ailleurs la RH a cru que j'étais une femme trans quand je lui ai dit que j'étais trans. Les cis sont toujours paumés quand il s'agit de comprendre « dans quel sens » on transitionne.
— C'est toi le nouveau ? me demande une femme en s'avançant vers moi.
Elle doit avoir la quarantaine. Ses cheveux sont coupés très courts, bruns avec un balayage blond. Elle a les ongles vernis et porte la veste rouge sans manche du magasin par dessus une chemise blanche, comme la plupart des employés ici. J'ai moi aussi sorti une chemise pour faire bonne impression, mais je l'ai choisie noire pour qu'on ne voit pas mon binder par transparence. On ne sait jamais.
— Harry, je réponds en hochant la tête.
— Moi c'est Véronique, mais tu peux m'appeler Véro. Bon, on va pas te mettre en caisse dès le premier jour, donc tu vas aider Franck à faire les mises en rayon. Si c'est calme à un moment dans l'après-midi, tu viendras avec moi et je te montrerai.
— D'accord.
Je la suis à travers les rayons. C'est un supermarché en centre-ville de Clermont-Ferrand. Il est assez grand, surtout par rapport aux supérettes dont j'avais l'habitude à Paris. J'aurais préféré trouver un taff plus proche de la maison, en dehors de la ville, dans un petit bled collé à Clermont, mais je n'ai pas trouvé. Du coup Damien ou maman doivent me déposer le matin en voiture, ou je prendrais le bus si je commence plus tard. J'ai commencé le code il y a deux semaines, mais évidemment je n'ai pas encore le permis. C'est papa qui me l'offre, comme il l'a offert à Damien pour ses 18 ans. Moi, comme je suis monté à Paris pour la prépa, je n'ai pas pu le passer en même temps que lui. J'espère que cette année sera la bonne.
Je stresse un peu. J'ai jamais travaillé comme ça. J'ai donné des cours de maths, fais pas mal de baby sitting et il y a un été où j'ai pu travailler à la médiathèque avec maman, mais c'est tout. J'espère que je vais m'en sortir et pas passer pour un con.
— Franck ! Voilà le nouveau, Harry. Tu peux t'en occuper ce matin ?
Le dit-Franck me tend la main. Je la serre en me forçant à sourire. Il doit être à peine plus âgé que moi. Il est occupé à décharger une palette de pâtes pour les ranger en rayon. Véronique ne reste pas plus longtemps, le magasin va bientôt ouvrir ses potes. Il n'est pas encore sept heures et c'est une longue journée qui s'annonce.
*
Il est dix-sept heures lorsque je sors enfin du supermarché. J'aurais bien me changer parce que je crève de chaud avec ma chemise noire. Dans le magasin, ça allait. Au contraire, la clim est super forte, sans compter les rayons frais, mais à l'extérieur, c'est une fournaise.
Je fume une clope sur le parking, à l'ombre. Damien devrait arriver d'ici vingt minutes, il travaille dans un cabinet médical pas très loin. Il répond au téléphone et prend les rendez-vous. Je pense que c'est pas un mauvais plan. En tout cas, quand nos horaires s'accordent, on peut faire l'aller-retour ensemble donc c'est cool.
J'ai un message de Romane. C'est l'une des rares personnes avec qui j'ai gardé contact jusqu'à présent. Elle et Jade, vite fait. Les autres, c'est silence radio. Et je n'ai pas spécialement envie de leur parler, alors ça me va très bien.
Romane : Alors ce premier jour ? Comment c'était ? Tes collègues sont sympas ?
Je coince ma cigarette entre mes lèvres le temps de taper ma réponse.
Harry : Yo ! Écoute ça va, mais je suis crevé. Je suis plus levé à 6h du mat depuis le lycée. Mais je vais m'habituer. On a la clim pour le moment donc je me plains pas. Les gens sont sympas, après on a pas trop parlé non plus. Par contre, j'en ai déjà marre des clients. Ils ont zéro respect pour les gens qui bossent, c'est ouf
Romane : Haha je connais ça. Ils pensent que t'es à leur disposition et toi tu dois sourire comme une conne
Harry : Après bon, je vais pas trop me plaindre parce que pour moi c'est qu'un taff temporaire.
Romane : T'es à combien d'heures ?
Harry : Pour le moment 25, avec pas mal de week-ends (sans surprise). À côté je garde des mômes dans le village de ma mère le mercredi après-midi
Romane : Super
Harry : Et toi ça va ?
Romane : Ouais bah boulot boulot. J'ai pu avoir un temps plein pour l'été donc c'est cool
Harry : *emoji pouce en l'air*
La conversation s'arrête d'elle-même. Je n'ai pas grand chose à ajouter. Et je n'ai aucune envie de demander des nouvelles des autres d'HoMag. Je regarde l'heure. Ça fait bien un quart d'heure que je poireaute et toujours pas de Damien à l'horizon. J'écrase ma cigarette sur le mur et prend sur moi pour aller jeter mon mégot à la poubelle alors qu'elle est en plein soleil. Je retourne vite à l'ombre.
Je zone sur Insta, faute de meilleure occupation. Je vois que Min-Jae est arrivé à Séoul. J'imagine que Ravel est avec lui, mais comme d'habitude, il n'apparaît sur aucune photo. Il en a peut-être posté sur les conv de groupe, mais je les ai toutes quittées. Je n'ose même pas liker sa photo. Je repense à notre dernière conversation.
— Je t'en veux à mort. Mais peut-être que j'essayerai de te pardonner. Je reviendrai vers toi si je me sens prêt.
Ça fait si mal. Et pourtant, je sais que je l'ai mérité. J'aurais dû lui dire la vérité. Dès le début. Ou peut-être un peu après l'orage passé. Mais je me sentais tellement coupable. J'ai jamais voulu outer Ravel. J'y ai pensé bien sûr, mais ça n'a jamais été mon intention. Je voulais juste aider. Je me croyais intelligent. J'étais con. Tellement con.
J'ai souvent voulu lui dire que c'était à cause de moi. Mais il a eu tellement de mal à passer à autre chose. Je ne voulais pas raviver de mauvais souvenirs. Et quand il a commencé à revoir Ravel... j'étais tellement contre cette relation. Encore aujourd'hui, je ne comprends pas comment ça peut fonctionner. Après tout ce qu'il s'est passé. C'est pas sain, eux deux. C'est pas équilibré. Ça ne le sera jamais. Et pourtant, ils sont toujours ensemble. Ça fait quoi ? Deux ans ? Deux ans et demi presque. Ça me dépasse.
J'avais peur que si je lui avouais que j'étais à l'origine de ce outing, ça le poussait d'autant plus dans les bras de ce type. Ou du moins, c'est comme ça que je me justifiais à moi-même. La vérité, c'est que je ne me suis jamais pardonné. Jamais. J'ai tellement honte. Je pensais sincèrement que je pourrais enterrer cette histoire, même si souvent j'avais peur qu'elle resurgisse à la surface. J'aurais dû me douter que je ne pourrais pas fuir éternellement mes responsabilités.
Je me demande si on réussira à redevenir amis. S'il me pardonnera. Si je me pardonnerai. Si Ravel me pardonnera. Est-ce qu'on pourra un jour faire comme si rien de tout ça n'avait eu lieu ? Est-ce que tout redeviendra comme avant ? Je ne parierai pas là-dessus. D'ailleurs, Min-Jae non plus. Il a été très clair. Il reviendra « si » il se sent prêt. Pas « quand ». Et il a bien raison. Ce que j'ai fait... plus les mensonges par omission. C'est dégueulasse. Si j'étais à sa place, je ne voudrais plus jamais avoir affaire à moi.
Le son d'un Klaxon me fait sursauter. C'est Damien. Je me dépêche de me relever et de rejoindre la voiture. Évidemment la clim est en panne, la voiture une véritable fournaise.
— Alors, c'était comment ? me questionne mon frère jumeau en redémarrant.
— Bien.
— Moi faut trop que je te raconte, j'ai eu une nana au téléphone, c'était...
Je n'écoute Damien que d'une oreille, me contentant de faire des « hum hum » à intervalles réguliers. Je regarde la campagne défiler par la fenêtre. J'ai ouvert la fenêtre pour nous faire de l'air. Ce n'est pas désagréable. Je me dis qu'il faut en profiter. On pourra sans doute manger dans le jardin ce soir, peut-être qu'on prendra l'apéro sur la terrasse. Il y a des bons côtés à revenir ici. Il y a maman, mon beau-père, Damien, papa qui n'habite pas très loin. Ça me réconforte de ne plus être seul.
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Ce sera tout pour aujourd'hui :)
J'espère que ce chapitre vous a plu et on se retrouve dimanche prochain pour la suite !
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