Et c'est Dame Luciana qui donne le premier coup d'épée à Arittan. Celui-ci riposte et moi je tourne la tête vers Liam. Je lui lance mon regard le plus désolé et en un seul mouvement, Raphaël, Ulrick, Pelco et moi, attaquons mes amis.

Mon premier coup d'épée est dirigé vers le flanc droit de Liam. Je savais très bien qu'il parerait aussitôt mon attaque et il se décale. Les coups s'enchaînent et nous nous éloignons un peu du petit groupe au fur et à mesure des coups donnés. Au loin, j'entends les armées adverses, ainsi que les nôtres, arriver.

La température est plutôt glaciale et le vent n'arrange rien à cela. Le ciel s'est légèrement assombri, annonçant de mauvaises choses...

Je fixe Liam dans les yeux tout en surveillant ses coups d'épées. Je sais que c'est dur pour chacun d'entre nous, mais malgré tout un sourire se dessine sur mes lèvres.

« Heureusement que je suis tombée sur Liam », je pense.

Et oui ! C'est bien Liam qui m'a enseigné le maniement de l'épée. C'est lui qui m'a appris toutes les feintes les plus subtiles et c'est bien de lui que je connais tous les coups. Je sais comment parer ses attaques et lui, les miennes. Aucun de nous deux ne pourra mourir de la main de l'autre au combat à l'arme, c'est une certitude.

Je tourne vite fait la tête, à la recherche d'Arittan. Je vois qu'Arthur a blessé Ulrick et qu'il est allé prêter main forte à Jennifer. Arittan est beaucoup plus loin, toujours à l'épée avec ma mère. Je prie intérieurement pour que ce soit malgré tout Luciana qui gagne, s'il doit y avoir un gagnant, ce que je ne pense pas.

Arittan ne me surveille plus, du moins pas pour l'instant. Les deux armées ne vont pas tarder à se rencontrer et le massacre commencera...

Je stoppe un énième coup de lame de la part de Liam et croise son épée contre la mienne. Je m'approche en même temps que lui et nos visages ne sont plus qu'à quelques centimètres. Nous nous observons sans rien faire avant que je ne dise :

- Liam, sache juste que je ne les ai pas rejoins de mon propre gré et que je t'aimerai toujours...

Mon regard se dirige vers la droite : Arittan est toujours aux prises avec Dame Luciana.

- Dès que les deux armées se rencontreront, pars. Eloignez-vous de moi lorsque je devrai utiliser mes pouvoirs magiques...

- Mais...

Je secoue la tête et les deux armées se rencontrent faisant déjà quelques morts des deux côtés. Je détache mon arme de celle de Liam et recule pour rejoindre Arittan, comme il me l'avait demandé. Mais j'ai à peine fait deux pas qu'un Endorien se jette sur moi, me traitant de traîtresse, en tapant mon épaule gauche de son épée. Un gémissement s'échappe de ma bouche et je le blesse plus fort que je ne le voulais au flanc. Il s'écroule part terre, agonisant. Je n'attends pas mon reste et pars en courant vers le Roi des Démons. Je frappe plusieurs personnes, sans jamais les tuer. Je veux éviter le plus de dégâts possible.

- Je suis là... Père, je dis à son attention en arrivant près de lui.

Un Endorien vient se mesurer à lui mais d'un seul coup d'épée, il lui tranche la tête. Je suis complètement horrifiée par cette scène,bmême si ce n'est pas la première que je vois, je n'arrive tout simplement pas à m'y habituer.

Je vois Liya en train de décimer les Démons les uns après les autres, sans aucune peur dans les yeux. Je n'y vois que de la haine. De la haine pure et dure.

Je suis en train de me battre aux côtés d'Arittan, au milieu de tout ce chaos. Mais les personnes contre qui je me bats, ne connaissent tout simplement rien aux techniques de combats. Je me demande pourquoi ils sont à la guerre car ils vont tous mourir de toute façon, ils n'ont aucune expérience. Ceux-ci sont reconnaissable à leurs uniformes gris clairs. Sur le champs de bataille, c'est un mélange de noir, de rouge et de gris, que des couleurs morbides...

J'essaie tant bien que mal de simplement les blesser mais, plus ça va, plus je perds peu à peu le contrôle de moi-même. Arittan sait très bien que je ne veux tuer personne, il a deviné mon petit jeu.

- Arrête de jouer à ça Diana. Tu sais aussi bien que moi que tu ne veux pas que je prenne le contrôle de tout ton corps, je me trompe ? Mais si tu continues comme ça, si tu ne les tue pas, c'est ta petite famille terrienne qui va mourir !

Il a dit ça avec un tel acharnement qu'il m'a fait peur. Vraiment. Une image de ma famille terrestre me vient à l'esprit et les larmes roulent toute seule sur mes joues. Pour rien au monde, je ne veux les voir tués de la main d'Arittan. Á la moindre erreur je peux les entraîner dans ma chute...

- Pense à ce que je viens de te dire Diana et tue-les !

Il a dit ça tellement fort que beaucoup de personnes se sont retournées. Il a parlé en endorien, ce qui fait que pendant ce manque d'inaction de la part des adversaires les Démons se sont acharnés sur eux. Un chœur de cris s'est élevé de la bataille et mon cœur s'est serré un peu plus. Je vais devoir les tuer, c'est une certitude. Arittan me tient par les sentiments que j'ai envers ma famille. Il m'a eue...

Trois Endoriens arrivent sur moi en même temps. J'ai été entraînée pour en battre cinq et Arittan le sait. Je vais devoir les tuer sous l'œil du Grand Démon. Un des trois attaque en premier et je pare facilement son coup avant de lui enfoncer la totalité de mon épée dans son ventre. Sous l'impact, mon visage se retrouve à deux centimètres du sien. Je vois ses yeux clairs me fixer. Il est inerte, il est mort, mais son regard est plongé dans le mien. Un regard empli de vengeance et de mépris. Cette image va rester gravée dans mon esprit à jamais...

- Utilise ta magie, Diana ! me hurle Arittan.

Je me retourne à la dernière seconde et j'évite de peu un coup de poignard dans le cœur. J'arrache l'épée du corps sans vie et décapite l'avant-bras de mon agresseur sous le regard attentif de mon père malgré qu'il se batte avec deux Endoriens. Il me lance un sourire et m'indique de regarder derrière moi. Je me retourne et mon troisième adversaire fonce sur moi avec une telle férocité que mon arme ne suffira pas. Je suis dos à Arittan mais je sais qu'il m'observe malgré ça. Après tout, il est aussi dans mon esprit.

Je lève d'un seul coup mon bras, me surprenant moi-même, et un jeu de flamme sort de ma main, le calcinant sur place. Il ne reste qu'un corps noir, mort et inerte, sur le sol. Ses vêtements sont transformés en charpie et du sang sombre s'échappe d'une dizaine de plaies de son corps. Une mare rougeâtre se forme sur l'herbe qui entoure le corps et certains essaient de regarder la scène malgré le combat. Je peux y lire de la peur mais aussi de l'effroi dans leurs yeux. Ils sont complètement effrayés par le spectacle qui s'offre à eux.

Je plaque une main devant ma bouche en criant. Le son ne s'entend quasiment pas mais je reste horrifiée par ce que je viens de faire. J'ai tué un homme sans être possédée. Arittan n'avait aucun contrôle de mon corps lorsque mon jet est parti. Je l'ai tué moi-même...

***

- Je suis fière de toi, Diana. Tu fais d'énormes progrès, me félicite Arittan, alors que nous franchissons l'entrée de sa tente.

Nous avons installé notre campement à environ trois kilomètres de la bataille d'aujourd'hui. Il est gigantesque et, bizarrement, ma tente ne se retrouve pas juste à côté de celle du Roi des Démons, elle est à quelques minutes de marches de celle-ci.

Tous les soirs, au coucher du soleil, nous rentrerons au campement et tous les matins, à son lever, nous irons à la guerre. Apparemment ce sont les règles des guerres dans ce monde.

- Tu as été la seule d'entre nous, à utiliser tes pouvoirs, c'est bien !

- Pourquoi ne les utilisez-vous pas ?

Il sourit en me regardant.

- Parce que la magie nous prend beaucoup d'énergie mais toi, dit-il en posant un doigts sur mon cœur, toi, tu as un Dragon au fond de ton être. Tu as doublement de puissance et c'est lui qui répare tes blessures. Alors que nous, nos blessures, nous les soignons traditionnellement, tu l'as bien vu avec Ulrick tout à l'heure. En plus de ça, tu es deux fois plus puissantes et deux fois moins fatiguée.

Je pose instantanément ma main sur mon épaule censée être blessée. Mais il n'y a aucune trace d'une quelconque cicatrice. Seulement un trou dans ma combinaison, faite par l'épée de celui qui m'a attaqué.

- Grâce à lui tu te régénères très rapidement et parfois, puisque vous ne faites qu'un, ce peut-être lui qui décide de tes mouvements ou de tes actions...

- Tu dois apprendre à communiquer avec lui, ajoute Raphaël en entrant dans la tente.

Je suis complètement perdue par tout ce que je suis en train d'apprendre en ce moment même.

- Mais... Comment ça se fait que vous ne m'en ayez pas parlé avant ? Pourquoi ne m'avez-vous rien dit de tout ça ? Depuis neuf ans, je savais que j'avais un Dragon en moi mais je n'ai jamais rien pu faire ! Ça vous aurez aidé que je maîtrise entièrement le pouvoir du Dragon, alors pourquoi m'avoir caché ça ?

Arittan souffle fortement, l'air de dire que je l'ennuie avec mes questions tandis que Raphaël se tient droit comme un piquet à l'entrée de l'habitation de fortune.

- Je n'avais simplement pas envie de perdre de temps à te concocter un entraînement spécial, de je-ne-sais-quoi d'ailleurs, au lieu de préparer cette guerre ! Et puis, c'est ton Dragon, c'est quelque chose qui se passe en toi. Comment veux-tu que quelqu'un t'aide à faire quelque chose que tout le monde ignore ?

- Vous auriez au moins pu me dire tout ce que je pouvais faire grâce à mon Dragon au lieu de me garder dans l'ignorance !

Il se pince l'arête du nez.

- Bon, Raphaël, ramène Diana à sa tente, et reviens avec Ulrick, nous allons monter de nouveaux plans.

Je croise les bras indignée.

- Et pourquoi je n'ai jamais le droit de participer aux plans ? Parce que, si j'ai bien compris, je n'en fais jamais partie des réunions. Pourquoi ? Parce que je suis une fille ? Parce que...

- Raphaël, fais-la taire s'il te plaît...

Raphaël s'avance vers moi, mais pas trop, il sait comment je peux être lorsque je suis en colère.

- Ce ne sont pas tes affaires, Diana ! Maintenant sors de cette tente !

Il a tellement hurlé fort, que j'en ai les tympans vrillés. Je pousse légèrement Raphaël et sors de cette tente. L'air frais vient d'infiltrer dans ma combinaison et je reviens d'un seul coup à la réalité. J'ai l'impression que mon esprit était dans une autre dimension, que ce n'était pas moi qui parlais.

« Mais qu'est-ce qui se passe ? », je me demande en réalisant tout ce qui vient de m'arriver.

La vérité éclate soudain dans mon esprit et je m'effondre au sol, en pleurs. Les Démons de passage me fixent bizarrement tandis que d'autres ricanent étrangement. Je passe mes deux mains sur mes yeux n'arrivant plus à me contenir.

« Mais qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que je suis devenue ? Comment se fait-il que je n'ai pas ressenti de sentiments pendant la bataille et même après ? Mais c'est impossible ! J'ai tué des dizaines et des dizaines de gens aujourd'hui pourquoi se fait-il que je ne pleure que maintenant ? ».

Toutes ces questions se bousculent dans ma tête. Tellement que je ne comprends même plus la situation, ce qui se passe. Je suis perdue...

Deux mains m'attrapent fermement. Une se pose sous mes genoux et l'autre dans mon dos. Je reconnais l'odeur de Raphaël et il me porte jusqu'à ma tente alors que moi, je pleure contre son armure. Il essaie de me consoler tant bien que mal en disant qu'il répondrait à mes questions à l'abri des regards.

Nous arrivons en deux minutes à ma tente. Raphaël l'entre-ouvre et nous fait entrer dedans. Il m'installe délicatement sur le lit de fortune mais je me relève aussitôt après qu'il m'ait lâchée :

- Comment ça se fait Raphaël que je ne contrôle plus mes émotions ?! Que j'ai tué des dizaines de gens sans un regret ni une seule larme et que maintenant que le combat est terminé, j'ai l'impression de recevoir en pleine figure tous les sentiments que je n'ai pas ressenti pendant cette bataille ? Pourquoi Raph ? Explique-moi, je t'en prie...

Je m'écroule une nouvelle fois dans les bras musclés de mon frère. Je suis complètement épuisée et toutes ces questions qui fusent dans mon esprit ne font qu'aggraver les choses.

- C'est ton Dragon qui te fait ressentir tout ceci Diana... C'est celui que tu possèdes en toi qui est en train de prendre possession de ton corps. J'étais contre l'idée de ne rien te révéler quand Arittan a pris cette décision. Je savais à quoi tu t'exposais si tu ne prenais pas le temps de le contrôler mais Arittan n'a rien voulu savoir. Je suis désolé...

- Tu n'as pas à t'excuser Raph. Mais est-ce que tu sais au moins comment je peux faire pour me connecter avec mon Dragon ? Pour éviter que tout ceci ne continue. Je sais que je pourrai devenir tout à fait incontrôlable si je ne fais rien ! Je vais tuer des centaines de gens sans rien ressentir sur le coup et puis, lorsque je serai seule, je m'effondrerai car je réaliserai ce que j'aurai vraiment fait. Je ne veux pas de ça...

Il s'assoit à mes côtés sur le rebord de mon lit.

- Je sais simplement qu'il faut que tu cherches au plus profond de toi la flamme du Dragon. Il faut que tu trouves cette puissance qui fait de toi un être unique, Diana... Si tu arrives à ne faire plus qu'un avec lui, tu seras saine et sauve. Dans le cas contraire, je n'ose même pas imaginer ce qui arrivera...

- Tu sais ce qui arrivera ?! je demande inquiète, pleurant toujours.

Il souffle doucement, pour se donner du courage.

- Tu finiras dans le fin fond des abysses. Ton corps sera inerte, contrôlé par ton Dragon alors que ton esprit errera pour l'éternité dans les ténèbres.

Je prends immédiatement peur à ce moment-là. Je prends conscience qu'il faut absolument que je reprenne le dessus sur mon Dragon. Toute cette histoire me fait terriblement peur.

- C'est impossible..., je sanglote à bout de nerfs.

Raphaël me frictionne l'épaule et j'essaie de réguler ma respiration en vain.

- Je vais devoir y aller Diana...

Je hoche lentement, très lentement, la tête. Il se lève, pose un baiser sur mon front et passe devant moi. Je relève la tête à ce moment-là et vois deux entailles dans sa cuirasse, au niveau des omoplates.

- C'est quoi ces entailles Raphaël ? je l'interroge en lui montrant son dos.

Il me jette un regard furtif avant de se retourner et de me dire :

- Tu le sauras bien assez tôt, Diana...