Mon esprit quitte le monde illusoire pour revenir dans le présent, là où les vérité éclatent. Julien fait parti de mon passé, c'est comme ça. Ma vie sur Endora ne me lâchera jamais, je le sais. Je devrais tuer Arittan, un de ces jours. Ma magie sera toujours là.

- Désolée, Mélina, je m'excuse en me relevant du canapé.

- Pourquoi ?

- Parce que tu t'efforces de me rendre ma vie ici plus réel et que, comme d'habitude, je casse tout. Je suis désolée. Julien c'est... Je ne peux pas lui parler de nouveaux.

- Pourquoi ça ? Tu peux lui parler sans sortir avec lui. Juste pour des explications. Juste pour qu'il aille mieux. Réponds-lui, je t'en supplie.

Elle a l'air tellement sincère. Julien a dû trouver les bons mots, comme d'habitude, pour convaincre ma sœur de la sincérité de ses sentiments.

- Je verrai, je dis doucement et passant mon bras sur les épaules de Mélina. En attendant, va te préparer, je te veux dans une demi-heure en bas. On va faire une sortie rien que toutes les deux, pour ton anniversaire.

Je sors la carte bancaire de ma poche avec un sourire triomphale.

- On va pouvoir faire des folies. Il y a un an et demi d'économie là-dedans.

- T'es la meilleure des sœurs ! s'enjoue-t-elle.

- Heureusement que tu n'en as qu'une alors, je ris en la poussant vers les escaliers.

Elle monte les escaliers et va dans sa chambre. Quant à moi, je récupère mon portable, m'en vais prendre un cookie, le mange, et entre à mon tour dans mon ancien cocon. Tout est tellement semblable à ma vie d'avant ma disparition que j'ai l'impression de ne jamais avoir vécu toutes ces souffrances. Comme si rien n'avait changé. Comme si je n'étais pas obligée de faire semblant. Sur Endora comme sur Terre, je ne suis plus heureuse. Je n'ai plus ma place nulle part. Et mon reflet dans le miroir me confronte à la dure réalité de mon changement physique. Je n'ai jamais été aussi mince de ma vie. Je frôle la maigreur si je n'y suis pas déjà. Pourtant, aucun membre de ma famille n'a fait état de ce constat. Personne. Je soupire et enlève la tenue de combat que je portais déjà sur Endora après avoir retiré mes bottes. Elles tombent sur le sol dans un bruit sourd. Je jette de la même manière ma grande tenue noire.

- Pourquoi tout est-il si compliqué ? je murmure, les larmes aux yeux en m'asseyant sur le lit, en sous-vêtements. Pourquoi la vie s'acharne-t-elle sur moi ?

Je laisse tomber le reste de mon corps sur mon lit et pleure en silence. J'ai le regard rivé sur le plafond blanc, pourtant, je n'ai que des idées noirs en tête. Tout doit être si facile dans le monde où vit actuellement ma mère. Je reste encore allongée pendant quelques minutes avant de me relever pour m'habiller. Mais plus aucun vêtement ne me va. Enfin, plus aucun pantalon. J'ai des sweats qui ne paraissent pas trop grands et qui pourraient faire l'affaire. Mais je suis déboussolée de ne pas avoir de pantalons à ma taille. Alors, aussi bête soit-il, je fonds en larmes. Mélina déboule dans ma chambre en panique.

- Que se passe-t-il, Selena ?

- Je n'ai plus de jeans qui m'aille, je sanglote.

- Et tu pleures pour ça ? m'interroge-t-elle, une grimace sur le visage. Tu pouvais me demander, tu sais. Je dois en avoir deux ou trois qui doivent t'aller. Ne t'en fais pas.

Elle me caresse doucement le dos avant de relever ma tête et d'essuyer mes larmes avec ses deux pouces.

- Je sais que c'est un tout qui te fait pleurer de la sorte. Mais n'accorde pas d'importance aux choses futiles.

Elle s'écarte un peu avant de déposer un bisou sur ma joue et de s'en aller. Elle revient une minute plus tard avec trois jeans dans les mains.

- Tiens, ma belle. Tu veux que je t'aide à t'habiller ?

- Non, ça va. Je ne suis pas encore infirme, je dis en essayant de sourire.

- Si tu le deviens un jour, fais moi signe, dans ce cas.

- J'y penserai !

Elle rit et retourne dans sa chambre. Je l'aime tellement. Je lance un dernier regard vers la porte et enfile un des jeans, le noir. J'enfile ensuite un de mes sweats par dessus mon soutient-gorge. Mais lorsque je vois ma tenue civile et mon reflet dans le miroir, quelque chose cloche. Au début, je n'arrive pas à le distinguer, puis cela apparaît comme une évidence. Je ne me suis pas transformée. Je suis toujours Diana, pas Selena. Or, ma vie sur Terre est basée sur un tout autre physique que celui que j'ai aujourd'hui.

- Dois-je changer ? je me questionne en m'observant dans le miroir. Si oui, serais-je toujours aussi maigre ? Sûrement.

Alors, recouvrant mes habitudes magiques, je ferme les yeux quelques secondes. Et lorsque je les rouvre, c'est une tout autre personne que j'ai l'impression d'avoir, face de moi. Comme une inconnue. Et pourtant, c'est bien moi, la Selena d'antan. Changer ainsi de physique me fait le plus grand bien. J'ai l'impression d'être quelqu'un d'autre. Comme si ce n'était qu'une coque que je pouvais changer. J'admire mes cheveux châtains, mes yeux bleus et mon visage légèrement changé en souriant. Ça me fait tout drôle.

Ensuite, je m'en vais dans la salle de bain où je rejoins Mélina qui se lave les dents. Je remarque qu'elle est parfaitement maquillée et coiffée. Elle est radieuse. Lorsqu'elle se tourne après avoir senti ma présence, son visage s'illumine.

- La véritable Selena est de retour, à ce que je vois. Tu es belle comme un cœur.

Puis elle lève les yeux au ciel en continuant :

- C'est fou, tu as beau avoir maigri, des cernes immenses et faire une tête d'enterrement, tu es toujours magnifique. Comment fais-tu ? Ça me rend dingue, tu sais ?

J'essaie de sourire mais seule une phrase reste coincée dans mon esprit.

- Tu as dit que j'avais maigri ? je répète en la fixant intensément.

- Oui, je..., bafouille-t-elle, mal à l'aise. Tu ne l'avais pas remarqué ?

- Si, bien sûr. Mais il n'y a que toi qui me l'ait dit, en face. Papa et maman ont préféré ignorer ma perte de poids.

- Peut-être qu'ils t'en parleront plus tard ? propose-t-elle en haussant les épaules.

- Je ne pense pas. Je les connais. Mais Romy va se faire un malin plaisir de le faire, je souffle en pensant à lui.

Néanmoins, c'est la peine qui prend le dessus sur tous les autres sentiments que j'éprouve pour lui. Arittan le possédais, à l'époque. Et tant que je ne le tue pas, ce sera toujours le cas. Mais j'ignore à quel degré Romy est toujours sous l'emprise du diable.

- Bref, changeons de sujet, je dis, agacée.

- Tu ne te maquilles pas ? me demande Mélina, changeant, en effet, complètement de sujet de conversation.

- Je trouve ça tellement futile, maintenant. Je ne dis pas ça pour t'offenser. Seulement, je trouve ça superficiel, à présent. C'est tout.

- Comme tu veux, t'es jolie, de toute façon. Allez, je t'attends en bas.

Elle quitte la salle de bain en coup de vent et je me lave les dents, le visage et les mains par la même occasion. Une fois fait, j'attrape une paire de baskets dans ma chambre et les enfile. Mais mes pensées sont dirigées vers l'arrivée de mes frères, ce soir. Notamment celle d'Emery. Cela fait tellement de temps que je ne l'ai pas revu. J'ai peur qu'il me paraisse comme un inconnu.

- Ça va, Selena ? me sort de mes pensées ma sœur.

- Oui, oui.

Elle attrape les clefs de la maison tandis que je fourre mon portable dans une des poches de mon jeans et ma carte bancaire dans l'autre. Je n'ai pas envie de me trimballer un sac à main, comme Mélina. Finalement, après discussion, je mets ma carte dans son sac. Nous sortons de la maison, heureuse de passer un moment ensemble. Elle prévient rapidement les parents de notre petite sortie et nous filons dans notre quartier.

- On prend le bus ? m'interroge-t-elle en fouillant dans son sac à main.

- Non, j'aurai préféré qu'on marche.

- Comme tu veux.

Je ne le cache pas, il y a un malaise entre nous. Un malaise rempli de secrets et de cachotteries. Et je ne supporte pas cela. Pas avec ma petite sœur. Je décide alors de prendre la parole :

- Mélina, je sais qu'avec tout ce qui s'est passé, tu ne peux t'empêcher de m'en vouloir. Ça se voit. Mais je veux bien faire quelque chose pour y remédier. Quelque chose que je n'ai jamais fait avec personne.

Je la sens se crisper à côté de moi. Néanmoins, elle répond à l'affirmatif :

- Je t'écoute.

- Tu peux me poser toutes les questions que tu veux. Toutes. Et j'y répondrais. Même si cela pourrait me faire du mal. Je ne supporte pas ce malaise entre nous. Alors je te donne l'autorisation de me demander tout ce que tu veux. Parce que je tiens à toi.

Elle se détend un peu, frôle ma main de la sienne et me remercie de cette marque de confiance. Je ne réponds rien, attendant simplement sa première question. Je sais d'avance que notre sortie sera longue. Très longue.

- Quel monde préfères-tu, Selena ? Le monde magique ou le monde terrestre ?