✨ Chapitre 30 ✨
Une heure s'est écoulée depuis le départ pour le travail de mes parents. Je suis seule à la maison avec Mélina. Celle-ci est d'ailleurs partie prendre une douche, je suis donc seule, devant la télévision. Je n'y jette pas vraiment de coup d'œil. Elle ne me sert qu'à meubler ce silence gênant. J'ai demandé à mon père, plut tôt, si je pouvais récupérer ma carte bancaire pour acheter un cadeau à Mélina. Il a accepté et je compte faire une sortie avec ma petite sœur pour son anniversaire.
- C'est tellement bizarre, je murmure, pour moi-même.
Tant de choses ont changé ces derniers temps. Il y a quelques heures j'étais encore sur Endora. La guerre a repris et j'ai laissé mes amis et mon copain là-bas. J'ai tellement peur pour eux. Je ferme alors les yeux et les imagine, souriant, heureux. Je garde ce souvenir précieusement et souris. J'espère qu'ils vont bien.
Mais une vibration me sort de ma rêverie. Mon portable. Je le déverrouille et vais directement dans les messages. Julien. Ce nom évoque tellement de choses pour moi. Pourquoi revient-il après tant d'années ? La dernière fois que nous nous sommes vus, c'était quelques temps avant mon enlèvement. Mais j'étais partie en courant. Il ne m'avait plus donné de nouvelles pendant des mois. Il m'avait comme oubliée.
« Salut, Selena. Comme tous les mois, je t'envoie un message en espérant recevoir une réponse. Tu as disparu du jour au lendemain sans nouvelle. J'ai fait la même chose aussi, c'est vrai. Mais je n'étais encore qu'un gamin. Je ne souhaite qu'une réponse. Aussi mauvaise soit-elle ».
Ce message me fait remonter cinq ans en arrière, lorsque nous sortions ensemble. C'était bien avant l'arrivée de mes pouvoirs magiques, de See&Luce et de la mort de ma grand-mère. À l'époque, nous étions vraiment heureux. Je l'aimais. Il m'aimait. C'était nous deux et personne d'autres. Julien n'avait pas été qu'un petit copain. Il avait aussi été un meilleur ami, un confident et un gendre idéal. Mes parents l'adoraient ainsi que mes frères et sœurs. Il avait véritablement fait parti de la famille. Mais après le collège, je n'ai plus eu de nouvelle. Du jour au lendemain. Je lui en ai voulu mais, aujourd'hui, je ne peux plus. J'ai fait la même chose. La même erreur. Malgré le fait que je n'ai pas décidé de mon sort, lui, le comprendra de la sorte.
- Pourquoi continue-t-il a m'envoyer des messages ? Que me veut-il ?
Ce sont les deux questions qui prédominent dans mon esprit. Je ne peux les ignorer. Elles me perturbent. Mais Julien avait aussi été la personne qui connaissait le plus de choses à mon égard. Il savait pour ma magie. Il savait qui j'étais, moi, Selena Wild. Et ça, je ne pourrai jamais le lui retirer. Il avait été victime des pouvoirs d'Arittan qui voulait m'anéantir. Mais ma mère est intervenue et Julien a pu redevenir lui-même. Sauf qu'il n'a rien oublié.
- Quelque chose ne va pas ?
La voix de Mélina me sort immédiatement de ma rêverie. Je la regarde, ahurie, cherchant mes mots tout en mettant mes idées en place. Mais je ne réponds finalement rien. Et tourne la tête vers mon portable. Elle s'assoit en face de moi tandis que je reviens en arrière pour retourner dans le répertoire des messages. Soudain, je me rends compte d'un détails dont je n'avais pas compris l'importance. Je fixe alors Mélina, les sourcils froncés :
- Pourquoi n'ai-je reçu aucun message durant mon année d'absence ? Comment se fait-il que les messages qui sont ici sont les derniers que j'ai envoyé, avant d'être enlevée ?
Elle se tortille sur le canapé, cherchant les mots. Elle est nerveuse, même un non-voyant le sentirait. J'hésite à réitérer ma question lorsqu'elle commence :
- C'est maman qui les a supprimé. Ou moi.
Elle me balance ça et s'en va à l'étage. Je la rappelle plusieurs fois sans réponse. Je ne comprends pas son comportement. J'allais monter lorsqu'elle redescend, son téléphone à la main. Elle va dans son album de photos, puis dans un dossier et me montre finalement une centaine de photos similaires.
- Tiens, dit-elle en me tendant son portable, voici tous les messages que tu as reçu. Je n'ai pas ceux qui ont suivi ton enlèvement, maman les a effacés. Pour une raison que j'ignore, tous ces messages lui faisaient du mal. Mais pour les autres, j'ai réussi à les prendre en photos à chaque fois. Je voulais qu'il y est une trace. Je n'aurai pas pu me souvenir de tout.
Je prends son téléphone en tremblant. Je m'assois alors doucement sur le canapé. Je ne sais pas ce qui m'attend au milieu de toutes ces photos.
- Combien y en a-t-il ? je fais en remontant mes jambes sur le canapé.
- Plusieurs centaines. Beaucoup de personnes dont j'ignorais l'existence ont eu ton numéro et ont envoyé des messages. Mais tout le monde te connaissait, à ce que j'ai pu voir.
Je verrouille le téléphone de Mélina et lui tends.
- Je ne vais pas les lire maintenant, je ne veux pas. Toutes les personnes que j'ai connu ici n'ont plus d'importance pour moi, aujourd'hui. Certains sont partis et puis, dans un mois, c'est le bac ; tout le monde partira dans des endroits différents. Je n'ai plus ma place auprès d'eux.
J'observe Mélina pendant mes paroles. Elles semblent comprendre mais les plis de son front font penser le contraire.
- Je vois, commence-t-elle. Je sais que Claire, Enzo et Adrien étaient tes meilleurs amis. Deux sont partis, mais Enzo. Tu ne veux pas le revoir ?
- Et qu'est-ce que je lui dirai ?
J'appuie désespéramment sur mon nez à l'aide de mon pouce et de mon index.
- Écoute, Mélina. En revenant ici, je pensais que tout serait comme avant mais non. J'ai été stupide de penser ça une seule seconde. Tout à changer. Les personnes qui étaient autrefois mes meilleurs amis sont aujourd'hui de merveilleux inconnus.
Elle me fixe avec attention, me faisant presque peur. Ses yeux verts me transpercent l'âme.
- Regarde dans ton portable, je lui conseille. Qui m'a envoyé des messages dernièrement ? De Claire, Enzo et Adrien, lequel m'a envoyé le dernier message et quand ?
Elle farfouille rapidement et me montre le dernier message de Claire.
- C'est elle qui t'a envoyé le dernier message de tes trois anciens meilleurs amis. Elle a mis : « J'ai espéré longtemps avoir une réponse de ta part. J'ai mis trop d'espoir en toi pour rien. Et ça me tue. Aujourd'hui, je pars refaire ma vie ailleurs et j'en suis heureuse. Sur ce, je ne veux plus entendre parler de toi. L'abandon est quelque chose que je ne tolère plus. Bonne continuation. Adieu ».
Ces mots me déchirent de l'intérieur tel un poignard dans le cœur. Jegarde, malgré tout, le visage impassible. J'ai abandonné Claire,d'une certaine manière, pourquoi suis-je étonnée de sa réaction ? C'est normal, après tout. Mais malgré ce qu'elle vient de me lire,Mélina pétille de joie.
- Pourquoi es-tu à deux doigts de sourire ? je l'interroge en relevant mon sourcil droit, dissimulant ma gêne.
- Parce qu'il y en a toujours un qui t'envoie des messages, même un an et deux mois après ta disparition. Julien.
- J'ai vu ça, je dis en serrant les dents.
- Et tu comptes rester là, les bras croiser ?
- Que veux-tu que je fasse de plus ? Ce garçon, je ne l'ai pas revu depuis un lustre. Qu'est-ce que je vais faire ? Prendre rendez-vous avec lui, puis, une fois qu'il sera là, en face de moi, qu'est-ce que je vais lui dire ? On a raté tellement l'un de la vie de l'autre. On ne peut pas réparer cela.
Cette fois, c'est un véritable sourire qui prend place sur le visage de ma petite sœur. En la regardant ainsi, je vois à quel point elle a prit en maturité. Elle est ravissante.
- Sauf que lui, il veut réparer cela.
- Comment ça ? je demande, laissant les événements me dépasser.
Elle s'installe un peu mieux dans le canapé et m'incite à faire de même.
- Je vais te raconter tout ce qui s'est passé concernant Julien.
- Je t'écoute.
Je suis prête à tout, à l'heure qu'il est, pour connaître tous les détails de ce que j'ai raté.
- Alors, commence Mélina en posant son téléphone. Après ta disparition, c'était une tout autre ambiance qui régnait à la maison, même après deux mois. Dans la famille, on ne se parlait quasiment plus, chacun était de son côté. Je passais beaucoup de temps sur les réseaux sociaux pour chercher du réconfort et sur mon téléphone en général. Au bout de tes deux mois sans nouvelle de toi, à peu près, Julien m'a fait une demande d'ami sur l'un de mes réseaux sociaux. J'ai paniqué et ai directement refusé. Je me demandais clairement ce qu'il me voulait, à ce moment-là. Puis, dès le lendemain, il a renouvelé sa demande. Cette fois j'ai accepté. Sûrement parce que je le connaissais. Oui, parce que dès le lendemain de ta disparition des dizaines de personnes s'abonnaient à moi sur les réseaux sociaux dans l'espoir que je leur donne de tes nouvelles. J'ai refusé tout le monde.
- Tu as bien fait, je la félicite en appréhendant la suite.
Elle replace une de ses mèches blondes mouillées derrière son oreille et poursuit :
- Donc, j'ai accepté Julien, finalement. Dans la minute qui a suivi il m'a envoyé un message. Il m'a dit, si je me souviens bien « Où est Selena ? ». Même pas de « Salut, comment vas-tu depuis que ta sœur a disparu ? ». Rien. Il n'y a que toi qui l'intéressait.
Je lève les yeux au ciel. Ma relation avec Julien n'était plus que poussière depuis un an et demi, déjà, à ce moment-là.
- Après sa question, j'ai répondu le même mensonge qu'avait préparé maman. Mais, et à ma grande surprise, il m'a répondu : « Pourquoi est-ce que tu me mens ? Je sais que Selena n'est pas dans un internat à l'heure qu'il est ». Il ne me croyait pas. Je lui ai envoyé des photos de l'internat que j'avais trouvé sur internet mais il n'a rien voulu entendre. J'ai donc voulu savoir pour quelle raison il pensait que je lui mentais. Il m'a donc simplement dit qu'il savait des choses sur toi, que ta disparition avait tout d'étrange. Je te le dis Selena, je crois qu'il sait.
- Oui, je réponds doucement. Il sait.
Elle ouvre de grands yeux paniqués. À l'époque où j'ai développé mes pouvoirs magiques, Mélina était encore petite, je n'avais pas pu me confier à elle. Aujourd'hui, c'est différent, elle est mature, plus grande et elle comprend, à présent.
- Je lui avais tout raconté, il y a quatre ans, lorsque nous étions en quatrième, j'explique en tordant mes doigts, nerveuse. Le jour de mon anniversaire, Julien avait eu une attitude étrange envers moi. Très étrange. Alors que nous étions meilleurs amis, à cet époque. Je savais que quelque chose ne tournait pas rond. Donc les jours se sont succédés et il est redevenu normal. Il a voulu se confier à moi ensuite. Pour faire court, Arittan, mon père biologique voulait me tuer, en tout cas, m'emmener sur son territoire pour me manipuler. Pour ce piège, il a eu besoin d'un de mes proches, il a pris Julien. Mais avant de pouvoir mettre son plan à exécution, ma mère magique est intervenue et a sorti Julien de là. Sauf que lui avait assisté à tout.
Je passe le revers de ma main sur mon front, légèrement en sueur.
- Durant cette période, mes pouvoirs ont commencé à faire surface, ma Marque était apparue, je dis en relevant ma manche droite. Alors j'ai craqué, et je lui ai tout raconté. Il pouvait me comprendre car il avait vu la magie de ses propres yeux. Il était donc au courant.
Cette histoire semble invraisemblable, pourtant, elle est véridique. Même si cela fait quatre ans, je m'en souviens comme si c'était hier.
- Je comprends maintenant pourquoi Julien ne croyait pas en notre excuse, souffle ma sœur.
- Et il s'est passé autre chose, ensuite ? je demande.
- Oui. Julien n'a pas arrêté de me harceler sur les réseaux sociaux. Il voulait que je lui dise la vérité mais je ne pouvais pas. Alors, il m'envoyait des dizaines et des dizaines de messages chaque jour, dans le but de me faire craquer. J'allais le bloquer puis, j'ai eu de la peine pour lui. Ce gars était seulement attaché à toi et je ne pouvais lui en vouloir de prendre de tes nouvelles. Je l'ai donc laissé faire. Mais voyant que j'ignorais tous ces textos, il est carrément venu m'attendre à l'entrée du collège. J'ai halluciné, s'exclame-t-elle en levant les bras au ciel.
J'esquisse un petit sourire malgré moi. Mélina me fait rire malgré la gravité de la situation.
- Évidemment, je lui ai crié dessus dès que je l'ai vu, tu me connais. Mais il me reposait sans cesse la même question « Où se trouve Selena ? ». Il n'avait que cette phrase en bouche. Alors j'ai fait pareille, je n'arrêtais pas de lui répondre « Elle est partie en internat dans le Sud de la France ». Ça l'énervait mais je ne pouvais pas faire autrement. Par la suite, dans les mois qui ont suivi, il n'arrêtait pas de faire en sorte qu'on se croise avec la même question en bouche et moi la même réponse. Les parents ne savaient pas que je le voyais. Je ne leur en ai pas parlé
- Cette histoire devient très longue, je commente en souriant légèrement.
- Attends que j'ai fini. Donc, il continuait à croiser ma route jusqu'au jour où il a changé son discours. Il ne m'a pas posé de questions, non. Il m'a raconté votre relation. Et je peux te dire, Selena, qu'un garçon qui tient autant à toi, tu n'en trouveras pas de sitôt. Il t'aime comme un fou, je n'ai jamais vu ça.
- Il ne m'a pourtant plus donné de nouvelle pendant près d'un an et demi, je rétorque en croisant les bras et en fixant ma sœur dans le blanc des yeux.
- Il m'a fait comprendre que ça a été la plus grosse erreur de sa vie. Il voulait se détacher de ses amis du collège. C'était sa période rebelle de l'adolescence. Il l'a regretté. Amèrement. Surtout le jour où il t'a croisé et que tu ne l'as pas reconnu. Puis, tu étais parti en courant quand il t'a dévoilé son nom. C'est à ce moment-là qu'il a compris qu'il t'aimait toujours. Depuis ta disparition, il envoie donc toujours des messages, comme pour se faire pardonner. Fin de l'histoire.
- Je n'ai plus de mots, à présent. La révélation de Mélina me touche.
- Tu penses qu'il faudrait que je lui réponde ? j'interroge Mélina en m'emparant de mon portable.
- Oui, ça le rassurerait. Et puis, tu pourrais lui donner une chance de vous expliquer, non ?
- Au vu de tout ce que tu m'as dit, il va surtout me dire qu'il m'aime et qu'il veut que tout redevienne comme avant. Je le connais Julien, il aime réparer ses erreurs.
- Et alors ? fait Mélina et haussant les épaules. Ce ne serait une mauvaise chose que de le fréquenter à nouveau. Peut-être même de ressortir avec lui un de ses jours.
- Je n'ai pas encore mis de côté ma vie magique, je parviens à articuler.
- Je sais mais tu pourrais prendre du bon temps ici, pas vrai ?
Et la réalité me frappe une nouvelle fois de plein fouet.
- C'est impossible, Mélina. J'ai un copain, moi. Certes, magique, mais j'ai un copain.
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