✨ Chapitre 28 ✨
Je m'assois doucement sur l'herbe fraîche de cette fin de journée sur Endora. Ce sont mes derniers instants ici. Je peux encore reculer. Je le sais mais non, je n'en ai pas l'envie. Je n'ai plus la force de continuer ici, il faut que je parte.
- Comment j'en suis arrivée là ? je soupire en déposant mes bras sur mes genoux légèrement pliés.
Je lève la tête en direction du ciel en posant cette question. Cette fameuse interrogation à laquelle j'ai toujours réfléchi :
- Pourquoi est-ce moi que vous avez choisi pour votre prophétie ? Pourquoi moi... ?
Je me pince l'arête du nez, complètement perdue et seule. Oui seule. Je suis seule avec moi-même, à réfléchir sur ma vie, comme si elle n'était pas déjà assez compliquée comme ça. Il y a ces moments où l'on a besoin de se retrouver mais que l'on y arrive pas.
« Écoute ton cœur ma chérie. Fais ce que te dicte ton destin. C'est à toi de trouver ton chemin, Diana, et personne d'autre. Tu es le maître de ton destin ».
Je me redresse d'un seul coup.
- Maman ?
Les larmes me montent instantanément aux yeux. Ma maman est toujours là, à me protéger. Elle est là, près de moi. Mais elle me manque tellement.
« Je serai toujours là, Diana, et tu le sais au plus profond de toi. Je me battrai coûte que coûte pour que tes choix soient les tiens. Et non les leurs ».
Je fermes les yeux quelques instants, réfléchissant à ces belles paroles. C'est vrai. Je suis le maître de mon destin. C'est moi et moi seule qui contrôle ma vie et mes choix. Et personne d'autre. Et dans un élan d'amour, je me tente à parler à ma mère pour la première fois depuis sa mort.
- Maman, merci. Merci d'être là pour moi, de me soutenir. Et désolée. Désolée de t'avoir tuée, d'avoir gâché ta vie sur Terre. Mais attends ! Je ne veux pas de réponses de ta part, ça me ferai trop mal. Beaucoup trop mal. Alors ne dis rien. Ne me répond pas. Sache juste que ça me ronge souvent mais que j'essaie de surmonter cela. Tu es un Ange, je me dis. Un véritable Ange. Tu as une nouvelle vie, maman. Je me le répète mais je ne peux m'empêcher d'être inquiète. En plus mon départ me met dans tous mes états. Je me demande comment sera ma nouvelle vie sur Terre ?
Une minute sur Terre est pareille à une heure ici, dans le temps. J'imagine bien passer à peine une journée sur Terre et qu'il arrive quelque chose ici, sur Endora, en quelques mois. Cette différence de temps me perturbe au plus haut point. Si ça se trouve j'aurais à peine passé quelques heures dans ma maison terrestre qu'on m'appellera en panique pour quelque chose. Mais je dois me préparer à cette éventualité. Je dois être prête mentalement si on fait appel à moi sur Terre.
« Et ma vie sur Terre, à quoi va-t-elle ressembler, au quotidien ? », je me demande songeuse.
Plus d'un an s'est passé depuis que j'ai disparue sur Terre, j'ai actuellement dix-huit ans passé d'un peu plus d'un mois. Mais comment je vais faire ? Mon année de première a été gâchée, mes anciens amis sont censés entrer dans leurs facultés après leur BAC, dans quatre mois. Je ne peux recommencer mon année de première car j'aurai alors deux ans de décalage avec mes camarades de classes. De plus, je ne me vois pas revenir après un an de disparition dans un lycée où j'ai passé un an et demi de ma vie.
« Les cours par correspondance ? », je me demande.
Pourquoi pas ? Ce serait un bon compromis pour reprendre doucement mes études. Et puis, de cette façon, je n'aurai pas à subir le regard des gens, et de les voir tout court.
J'arrache une touffe d'herbes en l'émiettant petit à petit.
- Ça me fait rire, je soupire en riant jaune.
Ma vie n'a rien d'une vie heureuse et épanouie. Pourtant, je ne cesse de me demander si je ne préférai pas l'avoir, cette vie. Mais finalement, je me rends compte que les gens heureux n'ont pas d'histoire, rien à raconter. Une vie heureuse et rempli de bonheur est seulement une vie plate, une vie sans action. Car lorsque l'action fait irruption, la plupart du temps c'est le malheur qui se trouve omniprésent, pas le joie. Mais la vie n'est-elle pas notre tombeau vers la mort ?
- Bon, je souffle en me relevant, il est temps d'essayer de reprendre un vie normal, pour souffler.
« Tu n'auras plus jamais de vie normale », me balance sarcastiquement ma conscience.
Je regarde le paysage s'étalant devant moi, comme pour le retenir. Le souvenir de cette magnifique étendue verte bordée d'arbres restera ma dernière pensée endorienne.
- En espérant que je n'ai pas à y retourner vite.
Et je visualise le parterre de fleurs se trouvant normalement devant ma maison terrestre. Je me remets en mémoire la maison et tout les décors alentours pour pouvoir me téléporter précisément où je le souhaite. Une demi seconde plus tard, me voilà devant mon ancienne maison. Cette belle maison où j'y ai vu grandir mes frères et ma sœur. Cette maison où j'ai vécu les plus belles années de ma vie. Avant tout ça. Avant le carnage qu'a fait la magie dans ma vie. Je soulève ma manche pour revoir cette Marque qui a signé le début de ma fin.
Je m'avance alors doucement sous le petit porche de la maison, me rappelant qu'il y a deux heures terrestres, ma sœur m'a vue venir dans sa chambre pour la protéger d'un halo bleuté. Elle m'a vue et la sûrement répéter à mes parents. C'est peut-être la panique à la maison !
« Fichue décalage de temps ! », je grogne en levant mon poing vers la porte, prête à frapper.
Mais je m'arrête. J'appréhende. Les réactions me font peur, j'ignore comment vont réagir ma famille. Mais je ne peux plus reculer désormais. J'ai promis et je me dois d'accomplir mes promesses.Alors, dans un élan de courage, ma main rencontre la porte dans un bruit sourd et trois « toc » distincts se font entendre.Je me mords nerveusement la lèvre, complètement paniquée. Mais la porte d'entrée s'ouvre quelques secondes plus tard, laissant apparaître le corps de ma mère.
- Maman...
- Selena...
Et elle tombe dans mes bras, en pleure.
- Oh mon Dieu, Selena... Je suis tellement heureuse de te revoir.
Elle touche mon corps pour être sûre que c'est bien moi et m'embrasse les deux joues en sanglotant.
- Tu m'as tellement manquée, je murmure à son oreille en la prenant par les épaules pour la faire rentrer dans la maison.
Mon père arrive alors en me câlinant affectueusement, les yeux brillants. Je n'avais jamais vu mon père pleurer auparavant, cela me touche beaucoup. La lumière du salon s'allume alors, laissant apparaître la silhouette élancée de ma petite sœur, Mélina. Je suis ébahie lorsqu'elle arrive, descendant les marches une à une, lentement. Elle est devenue magnifique. La blondeur de ses cheveux s'est accentuée, elle a pris au moins quinze centimètres, elle est fine et son visage s'est embelli. Et je me rends soudain compte qu'elle a actuellement quinze ans, depuis peu. Elle est dans sa dernière année de collège, il ne lui reste qu'un mois d'école.
Lorsqu'elle arrive en bas des marches et qu'elle se tient à un mètre de moi, j'ignore la réaction qu'elle aura quelques secondes plus tard. Nous restons alors là, à nous fixer. J'aimerais la prendre dans mes bras et la serrer de toutes mes forces pour lui montrer à quel point elle m'a manquée, mais je ne fais rien. J'attends.
- Mélina... Je t'en pris, dis bonjour à ta sœur, supplie ma mère du regard.
- Non, maman, je réponds vite.
Je me tourne ensuite vers la concernée.
- Ne l'oblige pas à faire ce qu'elle ne veut pas.
Et lorsque je me replace face à ma sœur, celle-ci repart en courant à l'étage, j'entends sa porte claquer et puis plus rien. Aucun bruit. Mon père s'apprête à monter lorsque je le retiens.
- Laisse-la. Je comprends sa réaction. Allons nous asseoir.
Mes parents s'installent autour de la table et pendant ce temps je leur demande où se trouve Maxime.
- Il a le sommeil lourd, m'explique ma mère. Il se réveillera dans une heure, ne t'inquiète pas.
J'acquiesce et vais les rejoindre à la table.
- Une explication s'impose, déclare ma mère en joignant ses deux mains sur la table. Ou plutôt des explications.
- Il y a beaucoup de questions sans réponse qu'il faut que tu éclaircisses, continue mon père. Sinon ta mère va devenir folle.
- Exactement.
Je sens une tension entre nous mais elle est sûrement dû à la retombée de stress.
- Je t'écoute, Maman. Je vais répondre à tes questions et je vous raconterai ensuite pour quelles raisons j'ai disparu pendant près d'un an. Vas y.
Je l'incite à me poser ses questions, m'attendant déjà au pire.
- Je n'irai pas dans l'ordre des événements, tu te doutes bien, je suis encore complètement perdue et abasourdie par ton retour.
- Je comprends.
- Alors, déjà... Pourquoi Luciana ne m'a plus donné signe de vie depuis que je lui ai signalé ta disparition ? Rien. Pas un seul mot de sa part. Pour quelle raison ?
Le simple nom de ma mère biologique me glace le sang. Je me tortille les mains, à la recherche d'une réponse adaptée mais je n'arrive pas à passer par quatre chemins. Alors je lui balance la vérité en pleine figure.
- Luciana est morte.
Mes parents, à voir leur expression, reste complètement bouche bée.
- Oh mon Dieu ! Mais que s'est-il passé ? Qui l'a tuée ? m'interroge ma mère, devenant presque hystérique.
J'ai envie de m'enfoncer dans un trou à cet instant. Mais je dois leur dire la vérité et tout leur raconter. Il faut bien qu'ils le sachent un jour ou l'autre.
- C'est moi qui l'aie tuée...
Et sur mes mots, ma mère se lève immédiatement de la table et recule de quelques pas. Elle a peur de moi.
- C'est toi qui l'a tuée ? Oh mon Dieu ! Mais pourquoi as-tu fais cela ?
Mon père lui lance un regard ahuri.
- Écoute, maman. C'était un accident, je n'étais pas moi-même. C'est... C'est Arittan. Maman il faut que tu me crois, il m'a possédé. Je ne savais plus ce que je faisais.
Ma mère me lance un regard en coin, comme soupçonneuse.
- Et qu'est-ce qui me prouve que tu n'es plus possédée ?
- Rien, c'est vrai. Mais comme a dû te le dire Mélina, je vous ai recouvert d'un halo bleuté qui est maintenant invisible aux yeux des humains. Il vous protégera. Alors possédée ou non, vous serez sain et sauf.
Cela rassure quelques peu ma mère mais elle ne se rapproche pas pour autant. Alors je renchéris :
- Avant que vous ne me reposiez des questions ou autre, j'aimerais vous raconter ce que j'ai vécu durant ces neufs années endoriennes et cette année terrestre. De la fête des voisins à aujourd'hui.
- Nous t'écoutons, m'incite mon père en me fixant.
Et c'est parti. Je leur raconte tout pendant une bonne heure. Je leur explique en détails mon enlèvement, ma métamorphose, mes nouveaux pouvoirs, l'ensorcellement d'Arittan, la guerre, les morts, ma mère, les Endoriens, mes amis, tout. Exactement tout, dans les moindre détails. Et en une heure de discours, j'en arrive à mon arrivée dans cette maison.
- Je voudrais juste oublier, ne serait-ce que quelques temps ce qui s'est passé. C'en est trop, vraiment trop. Je suis à bout, je suis fatiguée, épuisée.
Ma mère est revenue s'asseoir autour de la table pendant que je parlais. Elle n'a pas décroché un seul mot mais ça ne saurait tarder.
- Selena, remarque mon père, pourquoi tu n'as pas pleuré en nous racontant ce qui s'est passé ? C'est étrange de ne pas pleurer dans ces circonstances.
- Parce que j'ai trop pleuré. J'ai versé trop de larmes pour des événements qui ce sont produits. J'ai trop pleuré pour le passé. Mais le passé est le passé, je ne pourrai jamais le changer, même avec la plus grande volonté du monde. On n'efface pas les souvenirs, c'est comme ça. Alors je préfère me relever et me venger. Me venger pour le mal qu'on m'a fait.
- C'est pour ça que tu es revenue ici ? me demande ma mère.
- Oui, je voulais me ressourcer pour revenir plus forte. Je ne pouvais plus me battre, je n'avais plus la force pour cela. C'est terminé. La seule personne que je tuerai encore, c'est Arittan.
Mes parents se frottent les yeux en même temps, ils ont dû passer une courte nuit avec tous ces rebondissements.
- Mais tu sais, reprend ma mère, s'ils ont besoin de toi, sur Endora, tu devras y retourner.
- Seulement en cas de grands dangers.
- Mais attends-toi à ce qu'ils puissent débarquer aujourd'hui.
- Comment ça ?
- Le décalage de temps, Selena. Une minute ici est pareille à une heure là-bas. En quelques heures terrestres les Endoriens ont déjà passé les quelques mois. Tout se passera vite ici. Attends-toi juste à cette éventualité. Je n'ai pas dit que cela arriverait, pas on ne sait jamais.
Au moment où j'allais répondre, des pas dans l'escalier se font entendre. Des petits pas. Puis la bouille de Maxime apparaît entre les barreaux et un sourire s'étire sur mes lèvres.
- Dana ! crie-t-il en essayant de courir vers moi.
Je me lève pour aller à sa rencontre avant qu'il ne tombe. Je le prends dans mes bras et le serre fort.
- Tu m'as manquée petit bonhomme. J'espère qu'ils sont gentils avec toi, je dis en montrant mes parents du doigts.
- Gentils ! hurle-t-il dans mes oreilles.
Il entoure mon cou de ses petits bras et m'embrasse la joue. Il est trop mignon. Je le repose alors par terre et ma mère vient le récupérer pour le préparer pour l'école. Je m'en vais vers mon père et lui demande :
- On est quel jour aujourd'hui ?
- Le vendredi dix-sept mai, me répond-t-il en allant se chercher un café.
- Oh, l'anniversaire de Mélina était il y a trois jours.
- Oui, mais elle l'a fêté avec ses amis ce jour-là. Elle a mangé dans un fast-food et est allée à la fête foraine après. On le fêtera en famille dimanche, quand Romy et Emery seront là.
Cette idée me fait peur.
- Ils ne sont pas au courant que je suis là ? je questionne mon père.
Il s'avance alors vers moi, sourire aux lèvres avec son portable.
- Appelle-les.
- J'ai toujours mon téléphone, non ? je demande en rigolant, chose que je n'avais pas faite depuis des lustres.
Il boit une gorgée avant de me répondre :
- Si, il est toujours dans ta chambre ! Tu as raison, ce sera plus marrant s'ils voient ton numéro s'afficher quand tu les appelleras.
Son sourire malicieux m'avait manqué durant toutes ces années. D'ailleurs, le comportement qu'a mon père avec moi me réchauffe le cœur. Il passe au dessus de toutes les atrocités que j'ai pu faire sur Endora. Cette petite heure sur Terre m'a déjà fait le plus grand bien.
- Allez, va chercher ton portable qu'on s'amuse un peu.
Je monte le chercher non sans passer par la chambre de Mélina. Je m'arrête alors devant la porte, me posant un tas de questions. Et puis, la curiosité l'emportant, je décide d'y entrer doucement. Ma petite sœur est assise sur son lit, un casque sur les oreilles et son portable dans les mains. Elle lève à peine deux secondes les yeux vers moi et les repose sur son mobile. Je ne sais plus quoi faire à ce moment-là. Mais je suis mon instinct et m'avance lentement dans la chambre avant de m'asseoir sur le rebord du lit, face à elle.
- Mélina, je t'en supplie, écoute-moi.
Mais, à part ses doigts, aucune autre partie de son corps ne bouge. Je me dis que je ne perds rien à parler quand même. Au moins, je l'aurai fait. Pour moi.
- Je comprends que tu aies pensée que je t'abandonnais, Mélina, mais c'est faux.
Je vois son pouce bouger et je mettrai ma main à couper qu'elle vient d'arrêter sa musique. Malgré cela, elle continue de faire semblant d'être sur son téléphone. Je décide de continuer :
- J'ai été enlevée, Mélina. Comme on enlève les enfants de nos jours, avec des mensonges et des promesses. J'ai été dupée et me suis retrouvée sur une autre planète. Chez mon père biologique. Il a essayé de me tuer mais finalement il s'est servi de moi pour assassiner des milliers d'autres personnes. J'ai du sang sur les mains comme tu ne pourras jamais l'imaginer.
J'observe le doux visage de ma petite sœur pour me donner la force de continuer.
- Tu vas sûrement me prendre pour un monstre et tu as raison, j'en suis un. Enfin, j'en étais un. Je ne veux plus tuer, de gré ou de force, c'est terminé. Je tourne progressivement la page même si ça prend du temps. Je comprendrai alors que tu ne veuilles plus jamais de moi mais sache que je ne te refermerai jamais les portes. Tu es la bienvenue dans ma vie, Mélina. Pour toujours. Tu resteras toujours la petite sœur que j'ai vu naître et grandir. Je t'aime...
Et sur ces mots, je me lève du lit en murmurant assez fort :
- En espérant avoir été écoutée...
Je traverse sa chambre pour me rendre jusqu'à la porte lorsque la voix de ma petite sœur retentit :
- Je t'ai entendu, Selena. J'ai tout entendu.
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