Sa dernière phrase me fait réfléchir. C'est tellement long, un an. Que s'est-il passé sur Terre ? À quelle date sont-ils ? Tant de questions sans réponses.

- Tu penses partir quand ? me demande doucement Liam, pesant ainsi ses propres mots.

- Le plus tôt possible. Je veux seulement pouvoir parler à tout le monde avant.

Et ses sourcils se froncent d'un seul coup. Je fais de même avec les miens, ne comprenant pas son comportement.

- Pourquoi cette ride au milieu du front ? je l'interroge en retenant un profond soupire.

- Tu... Ton frère, Raphaël... Il a fait la promesse que tu nous aiderais, que tu resterais ici. Et tu sais aussi bien que moi que les promesses et les pactes sont sacrés ici. Lorsque les Sages seront    au courant de ton départ, ils vont devenir complètement fou. Tu mets en danger Raphaël, là. Oh non ! Diana, tu te rends compte de ce que tu viens de faire ?

Et tout s'arrête. Tout. Le monde ralenti autour de moi et je ne vois plus que le visage paniqué de mon copain. Mes yeux se vident d'émotions malgré la tristesse qui me submergeait il y a quelques minutes.

- Liam. Raphaël n'est plus de ce monde...

Je lâche une bombe à ce moment-là.

- Quoi ? Oh, non ! Ce n'est pas possible. Mais qu'est-ce qu'il y a eu ? Que s'est-il passé ?

- Arittan. Il a décidé de se venger. Mais il n'a pas compris qu'avec moi, la vengeance est un plat qui se mange froid. Glaciale, même ! Je te jure que je vais lui faire avaler ma vengeance surgelée !

Mes poings se serrent mais plus rien ne sort. Je frappe alors brutalement l'arbre à côté pour expulser ma colère. Quant à Liam, il ne dit pas un seul mot. Il est complètement sous le choc. Et pour couper court à toutes réflexions, je m'avance vers lui :

- Je suis désolée, Liam mais il est temps pour moi d'aller dire au revoir à Liya et à Jennifer, ainsi qu'à Léandre. Je t'aime, Liam, tu le sais...

Il m'embrasse passionnément une dernière fois avant de me dire :

- Tu reviendras, parfois ? Juste quelques fois..., me supplie-t-il, les yeux brillants.

Son regard perçant me dissuade de le contrarier.

- Je te le promets... Reste en vie en attendant, Trésor.

Je pose ainsi mes lèvres sur les siennes et me téléporte dans le petit village. Les guerriers ne font pas attention à moi et continuent leur route. Je marche à la recherche de Léandre lorsque je me rends soudain compte d'un chose. Je me stoppe instantanément.

« Carila ! », je pense en panique.

Carila. Cette femme âgée que j'ai aidée durant des années et qui a gardé Maxime durant de nombreux mois pour qu'il puisse retourner sur Terre. Cette femme... Je n'ai même pas pris la peine de prendre de ses nouvelles et de savoir ce qu'elle était devenue !

« Je ne suis qu'une... ».

- Diana ! Mais qu'est-ce que tu fais planter là ? rigole une voix derrière moi.

Je me retourne, toujours abasourdie par mes pensées, et retrouve la petite bouille de Léandre. Toujours aussi jovial celui-là, au moins.

- Oh, Léandre... ! Comment dire ? Tu tombes à pic. J'ai quelque chose de très important à te demander.

- Je t'écoute, m'incite-il à continuer en me fixant intensément.

Je joue nerveusement avec mes mains.

- Est-ce que tu as déjà entendu parler d'une femme, plutôt âgée, qui s'appelle Carila ? Elle habitait le village de Prague.

- Carila...

Je vois clairement, à son expression faciale, qu'il essaie de se souvenir de cette femme qui a tant représenté pour moi. Mais il secoue doucement la tête avant de m'affirmer, déçu, qu'il ne la connaît pas. Et un poids indéchiffrable vient se poser sur ma poitrine. Un poids dont je n'avais pas besoin en ce moment.

- Je suis désolée, Diana, vraiment, s'excuse gentiment Léandre.

- Tu n'y es pour rien.

Voyant ma mine dépitée, il soulève mon menton de sa main délicate et medit :

- Diana... Je suis désolée de revenir sur ce qui s'est passé tout à l'heure, mais je tenais à te dire quelque chose, sur Raphaël.

Il passe son bras sur mes épaules et m'emmène m'asseoir sur un banc en sa compagnie.

- Tu le sais, la mort fait parti du cycle de la vie. On naît en sachant que nous allons mourir à la fin. Mais que ce soit à n'importe quel âge, n'oublie jamais que nous allons tous nous retrouver là-haut, m'explique-t-il en montrant le ciel de son index. On ignore si l'âme de ton frère l'a quitté, mais tu peux être sûr que tu le reverras un jour.

Ses mots me réconfortent un peu et un semblant de sourire se dessine sur mon visage. Il décide de continuer, voyant que ses paroles ont un effet positif sur moi.

- Et puis, Dame Luciana, ta mère, est un Ange. Si un de ses enfants venait à mourir, tu crois qu'elle le laisserait seul ? Non. Elle le protégera quoiqu'il arrive. Quitte à mettre sa propre vie en danger. Et tu le sais, Diana. Tu le sais au plus profond de toi. Alors arrête de t'inquiéter et bats-toi. Je sais que la guerre va te faire à nouveau du mal et...

Et c'est à ce moment-là que je décide de lui dire :

- Mais je vais partir, Léandre. Je vais retourner sur Terre pour une durée indéterminée.

Sa bouche s'entrouvre d'elle-même et il me regarde, complètement abasourdi.

- Qu'est-ce que tu viens de me dire là ? La promesse, les Sages, le Pacte,... Mais à quoi tu joues Diana ?

- Écoute, tu as le choix de l'accepter ou non, mais ça ne changera en aucun cas ma décision. Je suis désolée de te l'apprendre dans ces conditions, mais comprend que je n'ai plus la force de continuer comme ça. La guerre m'a tuée, Léandre. Demande les détails à Liam, je lui ai tout dit et...

Mais il me coupe avec un puissant câlin. Il me prend dans ses bras en me chuchotant à l'oreille :

- Je n'ai jamais connu de fille plus têtue que toi ! Enfin... Fais attention à toi et reviens-nous vite. Tu vas me manquer.

Il embrasse mon front avant que nous nous levions. Nous nous reprenons une dernière fois dans les bras avant de se quitter. Mais, une dernière question me vient en tête :

- Où est-ce que je peux trouver Jennifer ?

Ilhausse les épaules en fronçant les sourcils.

Tu ne la verras pas aujourd'hui. Elle est partie ce matin, je l'ai vu.

- Mais vous avez le droit de quitter le village comme ça ? je l'interroge pour faire des soupçons qui sont en train de remonter à la surface.

- Non et c'est bien cela qui me perturbe. Je n'en parlerai pas encore aux Sages mais je te le dis, Diana, ça ne me dit rien qui vaille.

- Je vois...

Je lui lance un petit sourire avant de lui adresser mes derniers mots :

- Bon, et bien il est temps d'aller faire mes au revoir à Liya et de quitter Endora, Léandre. Prends soin de toi et quand je reviens, je te veux vivant.

- Je vais essayer, Diana. Allez, au revoir, me sourit-il en secouant doucement sa main.

Et je me téléporte dans la petite cabane de Liya. Et, comme je m'y attendais, elle est toujours là. Elle me voit débarquer mais ne dit rien. Alors c'est moi qui parle.

- C'est fait. J'ai parlé avec Liam. Et il a accepté. Je suis heureuse que nous soyons en bons termes tous les deux. Et, aussi... Mais là... J'ignore comment tu vas le prendre.

Liya se lève de son canapé pour aller se servir un verre d'eau et s'appuyer contre une chaise. Je la regarde faire sans esquisser un seul mouvement.

- Vas y, dis toujours, me dit-elle, m'incitant à continuer ma phrase.

- J'ai parlé avec Arthur. Et je lui ai pardonné.

Avant qu'elle n'ajoute quoique ce soit, je m'empresse d'ajouter :

- Je ne voulais pas partir et être fâchée contre lui.

- Dans ce cas, pourquoi ne pas aller voir Miles aussi ?

- Parce que c'est différent. Complètement différent. Ce n'est pas le même niveau de bêtises entre Arthur et Miles. De plus, c'est Arthur qui est venu s'excuser. D'ailleurs il m'a dit certaines choses sur toi. Tu devrais aller lui parler quelques minutes.

Je vois ses joues s'empourprer et je lui balance, comme pour la mettre mal à l'aise, avec un sourire en coin :

- Je sais que tu l'aimes encore, ma Rouge.

Ses yeux s'ouvrent d'un seul coup en grands, comme pris en plein délit, et elle peine à avaler l'eau qui se trouve dans sa bouche. Moi je rigole.

- Mais qu'est-ce que tu inventes là ? me dit-elle en levant les yeux au ciel, embarrassée.

- Ne t'inquiète pas, le secret est bien gardé. Mais va le voir, je te promets. Vous avez des choses importantes à vous dire !

- On verra...

Elle repose son verre sur une simple table en bois et s'avance vers moi en disant, l'air épuisée :

- Tu pars quand ?

- Dès que j'aurai quitté cette cabane. Mais... Avant nos aux revoir, je voudrais te demander quelque chose.

- Je t'écoute.

Liya m'incite à m'asseoir avec elle sur le canapé et je continue ma requête :

- C'est à propos de Carila. Tu te souviens d'elle ? C'est elle qui a pris soin de Maxime.

- Oui, je m'en souviens très bien, me sourit-elle. Comme oublier cette pépite qu'est cette femme ? En effet, c'est moi qui ai été chargée de faire évacuer la ville de Prague. Et si tu veux tout savoir, elle se porte très bien jusqu'aux dernières nouvelles. Un camp souterrain a été installée où se trouve des millions de personnes. La magie fait des merveilles si tu veux mon avis !

Liya vient de me retirer un poids. Je suis soulagée qu'elle ait été épargnée par la guerre.

- Merci Liya, merci. Je venais de me faire un sang d'encre pour elle. Merci...

Je ferme quelques instants les yeux afin de me calmer. Voilà. J'y suis enfin. Je vais pouvoir tout quitter et tout recommencer. Je vais pouvoir retourner sur Terre et revivre, après tant d'années de souffrances.

- Je ne pense toujours pas que ce soit une bonne idée, intervient Liya dans le cour de mes pensées.

Je croise son regard, l'incitant à continuer.

- Mais je ne t'empêcherai jamais de faire ce dont tu as envie. Je suis seulement là pour te conseiller.

Et elle ferme quelques secondes ses beaux yeux verts.

- Je ne pourrai pas te faire changer d'avis, je le sais. Tu es beaucoup trop têtue pour ça.

Un petit rire sort de sa bouche et je ne peux m'empêcher de sourire. À force de l'entendre dire ! Cette fille est unique et je suis heureuse de l'avoir dans ma vie.

- Avant que tu ne partes, je voulais te dire que tu seras toujours la bienvenue ici. Enfin... Après de nous. Tu sais comment les Sages vont réagirent en apprenant que tu pars ? Tu pourras toujours nous faire signe.

- Je sais communiquer par télépathie maintenant, je l'informe, fière de moi.

- Et bien voilà, ce sera encore plus facile comme ça. Donc voilà, tu pourras toujours te retourner vers moi, vers nous, en cas de besoin, ma Belle.

- Je te remercie, ma Rouge. Merci mille fois pour tout ce que tu as fait pour moi. Merci, Liya...

Je la prends une dernière fois dans mes bras et respire son parfum. Pour la dernière fois. Et l'espace d'un instant, j'ai l'impression de faire une grosse erreur, de me tromper sur toute la ligne. Mais cette pensée s'évapore aussi vite qu'elle est survenue.

- Je te donne tout le courage et la force que je peux te donner, Diana. Je t'aime...

Elle claque un bisou sur ma joue et m'ordonne de partir avant qu'elle ne se mette à pleurer toutes les larmes de son corps. Elle ne veut pas que je parte, ça se voit à des kilomètres. Mais je réalise son dernier souhait et me téléporte, non sans croiser son regard rempli de tristesse.