La mort rode, mais la vie est partout
- Retourner à l'avion ? lui demandais-je en le regardant de travers.
- Pourquoi pas ? C'est ça que je veux pour mon anniversaire. Retourner à l'endroit où on s'est parlé pour la première fois.
Il était vraiment adorable. Ses yeux remplis de tendresse me firent oublier le danger, et j'acceptais de le suivre.
- D'accord mais on ne s'attarde pas trop. Je n'ai pas envie de passer la nuit dans cette épave, dis-je en condition.
Il hocha la tête et me prit à nouveau la main que je pressai amicalement. Il se souvenait parfaitement du chemin. Tournant subitement quelques fois, fixant l'horizon, avec un regard assuré. Je suivais tant bien que mal ses pas pressés.
Mais j'avais un mauvais pressentiment. La forêt était très calme. Pas un bruissement de feuille, pas une brindille qui craquait. Je ne lui fis pas part de mes angoisses. Je ne voulais pas gâcher le dernier jour de son enfance.
L'accès à l'épave était devenu encore plus difficile. Les buissons étaient deux fois plus épais que la dernière fois, mais nous étions deux fois plus grand. L'avion était toujours là, exactement comme nous l'avions laissé quelques années plus tôt. Il était néanmoins beaucoup plus rongé par la végétation certes, mais il faisait remonter d'innombrables souvenirs en moi.
- Qu'est ce que c'est bon de revenir ici tu ne trouves pas ? me demanda Sam en admirant son épave, des étoiles dans les yeux.
- Oui oui...
Je ne pus rien ajouter car déjà il levait les bras en l'air et courait dans tous les sens en sautant et en escaladant l'engin cassé. Je le regardais en riant et inspectais l'épave un peu plus en détail que la dernière fois.
- Tu crois que l'histoire de grand père était réelle ? demandais-je en caressant du bout des doigts l'aile brisée de l'oiseau blanc.
- Moi je crois que oui, répondit Sam d'un ton grave. Les avions ont déjà existé j'en suis sûr.
- La question est, pourquoi ont-ils disparu ?
- Ouais c'est vrai, on dirait qu'ils sortent d'un autre monde.
La phrase de Sam me fit sursauter. Un autre monde ? Et mes rêves qui me paraissaient si réels... Est ce que...?
Mes pensées furent brusquement interrompues par une violente secousse. Le sol tremblait, comme si un monstre gigantesque sautait en l'air et atterrissait violemment sur la terre blanche. Un monstre...Un monstre ! Je voulus dire à Sam de nous enfuir, mais déjà, un arbre s'écroulait près de nous, déraciné, par la créature la plus énorme et la plus hideuse que j'ai jamais vue.
Un énorme corps rond, noir et poilu. Pas de tête détachée du reste. Des centaines d'yeux globuleux en haut du corps et en dessous, une bouche gigantesque, garnie d'une dizaine de rangées de petites dents acérées. Des bras très long, tout aussi noirs et poilus et des pinces en guise de mains qui claquaient sans cesse.
Je ne criais même pas. Je n'en avais pas la force. Mes pieds semblaient avoir pris racine dans le sol et je tremblais comme un feuille sans pouvoir réagir. Sam m'avait rejoint. Il était aussi traumatisé que moi et agrippait mon bras en plantant ses ongles dedans. Nous fûmes tout de suite repérés. Dans moins de deux pas, le monstre nous marcherait dessus. Et il marchait, avec ses mains !
Je fis un pas en arrière au prix d'un effort surhumain, et lorsque Sam s'enfuit à toutes jambes, je le suivis en me retournant à chaque instant pour surveiller la bête. Elle nous regarda nous éloigner, puis comme si elle nous avait laissé un peu d'avance pour que nous gardions espoir, elle décida de nous poursuivre. Je poussais un long cri strident en la voyant s'approcher à toute allure de ses deux proies et tentai la ruse plutôt que la vitesse.
- Cours en changeant de direction autant de fois que tu le peux ! hurlais-je à Sam en essayant de ne pas céder à la panique.
Des larmes coulaient abondamment le long de mes joues, brouillant ma vision. Je suivais Sam à la trace, nous ne devions pas nous éloigner. Mais tout à coup, alors que j'avais cligné des yeux pour chasser mes larmes, je ne le vis plus. Il avait disparu. Je ne tentais pas de l'appeler, pour ne pas attirer le monstre plus facilement vers nous, alors je l'attendis en me cachant derrière un gros arbre.
Reprenant mon souffle, adossé contre le tronc, j'aperçus une ombre qui se faufilait vers moi. Il me rejoignit derrière mon arbre et nous échangeâmes quelques mots soulagés :
- Où étais-tu ?
- J'ai tenté de le semer comme tu me l'as dit en me cachant derrière les gros arbres, mais cette chose peut les déraciner à sa guise, ce n'est peut être pas une bonne idée de rester en dessous.
J'avais envie de baisser les bras, de me blottir contre Sam et d'attendre de m'endormir pour faire un joli rêve et ne pas voir la mort me tomber dessus. Mais un nouveau tremblement me fit revenir à la réalité.
Je ne pouvais pas mourir, pas maintenant. Et en tout cas, pas sans me battre. Nous repartîmes en oubliant la douleur et la peur. Mes jambes me faisaient souffrir mais j'essayais de ne pas y penser. Je serais bientôt à bout de souffle, et il ne fallait pas que nous nous dirigions vers le campement, pas question d'y conduire la bête.
- Où allons nous ! demandais-je haletante.
- Tais toi et cours !
Je suivis son conseil et me mis à faire des slaloms entre les arbres. Ceux-ci ralentissaient le monstre, nous serions bientôt en sécurité. Relâchant mon attention, je ne fis pas attention à l'énorme racine qui sortait de terre droit devant moi. Elle me frappa en plein tibia en je m'écroulais par terre en hurlant de douleur. Sam était à quelques mètres de moi et je tendis ma main pour qu'il la saisisse et me relève. Il m'observait avec des yeux tristes et leva la tête soudainement en direction de la bête qui se rapprochait à une vitesse phénoménale. Il ne m'adressa même pas un regard et partit dans la direction opposée à la mienne, me laissant seule avec ce monstre.
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