⠀⠀Je hurle la vie, ma respiration prend du galon et mes petits poings fermés restent contractés malgré le peu de force qu'il me reste. Je viens de passer du chaud du ventre de ma mère au froid de la salle d'accouchement en quelques secondes. Pendant que je fais preuve de vocalise, on me couvre d'un duvet beige d'une douceur incroyable. Rapidement je me retrouve contre la poitrine de celle qui vient de me donner la vie. Ma tête contre son torse féminin je peux sentir son cœur battre la chamade, aussitôt ses bras entourent mon corps pour me serrer doucement. Une larme roule sur sa joue et dévale son visage pour s'écrouler sur mon front. J'ai arrêté de pleurer. Un pouce rugueux, plus gros que celui que ma mère avait précédemment fait voyager sur ma joue voyage sur mon visage. Ce contact me fait frémir et des lèvres remplacèrent bientôt le pouce. Des lèvres sèches, froides, mais aimantes.

⠀⠀J'ai découvert ma maison plusieurs semaines plus tard. Je dormais la plupart du temps et je profitais de chaque moment passé avec ma mère. Elle me couvrait de baisers, de câlins, de petits mots agréables susurrés à mon oreille. Mon père était plus distant, mais il me faisait quelques bisous, parfois. Puis d'un jour à l'autre, ma mère ne m'embrassait plus, elle ne me câlinait plus, ne me parlait plus. Je l'appelais en pleurant mais une autre paire de mains me prenait, moins douces, plus moites et fermes. Je savais que ce n'était pas celles de ma mère, plus je hurlais, plus elle hurlait.

⠀⠀Dix-sept ans plus tard, je ne me souviens pas de tout. Mais je sais qu'elle n'est pas ma vraie mère, elle me l'a d'ailleurs bien fait savoir. Elle s'est mariée il y a deux ans de cela avec mon père, qui semble avoir oublié la mort de ma vraie mère. Ma génitrice m'avait, avec l'accord de mon père appelé Victoria, parce que c'était le prénom de ma grand-mère; que je n'ai jamais connue au passage. J'appris plus tard que mon père avait trompé ma mère et que Nathan serait donc mon demi-frère âgé de seulement quelques mois de plus que moi. Je n'ai jamais vraiment accepté cela. Elle ne m'a jamais acceptée non plus. Depuis dix-sept ans, elle me pourrit pas mal la vie et fait tout pour m'en dégoûter. Elle pense sûrement que je vais arrêter de subir et tirer un trait sur ma vie un jour ou l'autre. Elle aimerai tellement. Mais non, je suis bien décidée à lui tenir tête, mais c'est de plus en plus dur, et j'ai peur de finir par baisser les bras. Ce serait la laisser gagner. Et je ne veux pas que cela arrive !

⠀⠀Je pensais également pouvoir me débrouiller seule et régler mes problèmes rapidement et par mes propres moyens. Mes amis vont vouloir m'aider, me pousser à dire la vérité, malgré tout. Je vais tout faire pour me concentrer sur les cours, mais ils me troublent, ils veulent savoir. Puis il y a un garçon, un garçon aux sourires réconfortants, aux paroles douces et aux intentions bienveillantes. Mais je ne dirai rien. Cette histoire, c'est entre elle et moi.