7.
– Victoria ? attend !
Je pourrais reconnaitre cette voix entre mille. Et pour cause, je l'ai tellement entendue pour m'humilier, sa voix, son rire, tout ça est gravé à jamais dans ma mémoire. Je sais que c'est lui. C'est mon demi-frère, Nathan. Qu'est-ce qu'il fait là sur une commode et avec un mec ? Il est vrai que je l'ai entre-aperçu avec un groupe de garçon en début de soirée mais je ne l'ai pas revu depuis et je ne suis pas sûre qu'il ne m'est remarqué. Enfin jusqu'à maintenant.
Est-ce qu'il a trop bu ou est-ce qu'il est réellement homosexuel ? Franchement ça ne me gêne pas du tout, mais le fait de les surprendre dans une chambre me perturbe énormément. D'autant plus que c'est mon demi-frère, je connais son caractère, j'en ai d'ailleurs souvent fait les frais.
Dans le couloir il remet son tee-shirt, le seul vêtement qu'il semble avoir enlevé, il s'accroche à mon bras et me fait presque mal. Je dis bien : presque, parce que franchement, j'en ai vu d'autres.
– Lâche-moi Nathan.
Il faut que je trouve Léna et que l'on rentre. Nathan, lui me regarde avec des yeux apeurés. C'est assez amusant de le voir dans cette situation. C'est un peu la roue qui tourne, pour une fois. Et ça fait terriblement de bien de se retrouver en position de force. Pourtant je ne suis pas a l'aise à ce poste, je ne suis pas comme eux.
– Non ! gémit-il en me tenant fermement
– Lâche-moi ! réitérais-je.
– Victoria, je t'en supplie ne dit à personne ce que tu viens de voir...
Bien sûr que je ne dirais rien, mais j'ai envie de le faire mariner encore. Juste un peu. Je sais très bien a quel point elle est intolérante et savoir que son fils aîné est gay ne la calmera sûrement pas.
– Tiens, tiens ? Moi on m'humilie sans honte et sans remords ? Mais toi Nathan Wilson maintenant que t'es dans la merde tu me parles gentiment, me supplie même ? dis-je pleine d'amertume.
– Je risque gros Victoria... continue-t-il.
Je ne réponds rien et croise simplement les bras contre ma poitrine ayant l'air d'en demander plus.
– Victoria c'est pas rien ! Tu comprends pas je risque gros moi !
– Et moi chaque jour je risque ma vie en restant avec ta foutu mère ! criais-je à présent hors de moi.
– Toi on peut régler le problème. Maman et le lycée, tout ceux là ils n'acceptent pas ça... Que je sois gay ! Je risque de me faire taper ou même humilier. Victoria, ne le dit à personne s'il te plaît.
– Je m'en fiche de tout ça Nathan. Je veux que ça s'arrête. Qu'elle arrête.
Il me regarde et ne dis rien, pourquoi faut-il que tout ça m'arrive à moi ? Je n'ai rien demandé ! Je n'ai jamais supplié pour que l'on me frappe, m'abandonne, pour que ma mère meurt et a ce qu'elle me garde chez elle. J'aurais préféré une famille d'accueil. Une chaleureuse, où le week-end on sort marcher sur les bords de la mer, qu'on se fasse un pique-nique en famille. Au lieu de ça, je reste cloîtré dans une chambre hideuse.
– Qu'est-ce que t'y gagne a le dire ?
– Qu'est-ce que t'y gagné a l'aider ?
Je regarde mon demi-frère lui qui n'a jamais demandé à l'être et qui aurait très bien eu l'idée de m'aider dans ma solitude et mon mal-être. Ça ne l'a apparemment jamais perturbé puisqu'il l'aidait à me rendre encore plus mal. Je souffle, je suis plus intelligente que lui. Si je l'aide à garder son secret peut-être fera-t-il un effort pour moi, qui sait ?
– Victoria s'il te plaît.
Je le regarde longuement et serre légèrement les dents. J'en ai plus qu'assez de ne pas réussir à être plus forte qu'eux.
– Non, je ne dirais rien, finis-je par dire.
– Oh merci Victoria, dit-il en s'approchant comme pour me prendre dans ses bras.
Je recule, c'est trop frais, trop rapide, je ne supporterais pas son contact. Surtout pas de contact. Il hoche la tête et je vois ses yeux légèrement humides mais il sourit, comme soulagé ? C'est si terrible que ça d'être homosexuel ? Ce n'est pourtant pas dramatique, c'est légal même.
Je sais que nous sommes tous les deux inscrits dans le meilleur lycée d'Angleterre mais aussi le plus religieux. Une fois par mois tout les élèves se rejoignent dans la chapelle du lycée pour assister a une messe, même si nous n'avons aucune obligation d'y assister. Je regarde Nathan et je me demande si c'est une chance de savoir son secret ou non. Je sais à quel point on peut vouloir garder ce genre de chose, mais pour une fois c'est moi qui ai les cartes en main et c'est tellement jouissif. Même si je lui ai promis – et je vais respecter ma promesse – que je ne dirais rien.
Puis, il me pose la question.
– Au fait, pourquoi t'es là ?
– Mh...
Je suis nulle pour ce qui est de trouver des excuses, ce n'est pas dans mon domaine normalement, je suis plus portée chutes accidentelles et maladresse. Enfin, c'est ce que je fais croire. Puis, je n'ai pas d'excuse à donner, je suis là, c'est tout. La prochaine fois, j'en échafauderais une. Mais c'est plus la peine de mentir maintenant.
– Je cherchais Léna.
– J'ai entendu sa voix tout à l'heure elle est au fond, dans la salle de bain je crois.
Il me montre la direction et je le remercie vite fait avant de fuir essayant d'oublier ce qu'il vient de se passer. Puis avant que je n'abaisse la poignée, la porte s'ouvre sur une Léna un peu ronchon. Elle sourit néanmoins en me voyant.
– Ah ! Tori, excuse-moi de ne pas t'avoir prévenu, mais mon chemisier est foutu ! gémit-elle.
Je jette un coup d'œil au garçon qui sort de la salle de bain juste après elle et fronce des sourcils. Je fixe le chemisier de mon amie et pince des lèvres. Il est taché d'une traînée de liquide noir, du coca sans doute.
– Je t'ai déjà dis que j'ai pas fait exprès, soupire le garçon.
Léna roule des yeux.
– J'sais bien que tu l'as pas fait exprès mais arrête de t'excuser. C'est bon.
Elle soupire et Léna attrape ma main et me tire vers les escaliers pour redescendre.
– Viens, on rentre ? elle demande.
– Justement, je te cherchais pour ça, je glousse.
Nous redescendons chercher nos vestes, Léna en profite pour saluer quelques amies avant que nous ne sortions pour monter dans sa voiture. Une fille arrive en courant et tape a ma fenêtre me faisant légèrement sursauter. Léna ouvre la vitre et la fille se penche dessus.
– Eh, Léna tu peux me ramener s'il te plaît ?
– Bien sûr, monte Steyl.
– Oh, merci tu me sauves.
Steyl, s'installe derrière et commence à parler avec nous de la soirée. Je la connais, elle fait partie de mon groupe de volley-ball, c'est d'ailleurs notre capitaine. C'est une gentille fille bien que je ne lui ai pas souvent parler en dehors de nos entrainements.
– Ça va pas du tout, tu sais avec Martyn on s'aime bien, on s'taquine mais j'suis pas amoureuse tu vois ?
En conduisant Léna hoche la tête lui lance quelques regards à travers le rétroviseur intérieur. Pour ma part, je reste silencieuse. La soirée m'a achevée , retrouver Will, sympathiser avec des gens dont je ne reconnaîtrait sûrement jamais leurs visages une fois de retour au lycée, et jouer les filles intéressées par ce que les autres disaient n'a pas été de tout repos.
– Sauf que là il a vraiment bu ce soir et il m'a dit qu'il m'aimait, tu vois ? Et du coup je lui ai dit que c'était pas réciproque et il est parti dans le jardin avec ses potes. J'crois que j'ai merdé, il est triste.
– Merde, mais Martyn c'est un mec bien, tu sais. Vous êtes mignons ensemble.
– Je l'adore, il est top c'gars là. Mais c'est pas vraiment mon style de mec, il est trop mignon justement. Je préfère les mecs plus bourrus, eux je leurs trouve du charme.
– Ouais, mais l'année dernière t'étais quand même sur lui, avant qu'il s'intéresse à toi.
– Je sais mais... C'est compliqué.
Je fronce légèrement des sourcils, c'est fou ce que la nature et les préférences de chacun sont différentes. Pour ce qui est des sentiments et des révélations je ne suis pas la mieux placée pour en parler, je pense. Néanmoins j'interviens.
– C'est peut-être juste une personne entière, qui n'a pas peur de te montrer ce qu'elle ressent. Il faut être fort et déterminé pour ça. Les gens se livrent pas facilement. Si tu crois que c'est à cause de l'alcool, c'est idiot. Quand on veux garder un secret, même alcoolisé je suis sûre qu'on le tiens quand même.
J'ai peut-être un peu trop parlé. Non ? Si. Léna me lance un regard de biais. Elle sait de quoi je veux parler maintenant qu'elle est au courant. Et je n'ai pas eu besoin de quelconque degré d'alcool pour lui en faire part. Cependant, cela semble faire réfléchir Steyl derrière. Elle est penchée, ses coudes sur nos deux sièges et pince les lèvres.
– Ouais t'as raison, mais j'sais pas...
La discussion tourne pendant une dizaine de minutes avant que Léna ne gare sa voiture devant une petite maison blanche. Charmante, au passage. Steyl nous remercie et nous dit à lundi, bien qu'on soit déjà dimanche matin. Puis quand nous sommes sûres que la brune soit bien entrée chez elle, Léna démarre et elle me lance un petit sourire.
– C'est compliqué l'amour.
– C'est surtout inutile, on en retiens que de la souffrance.
– Non, je ne suis pas d'accord avec toi.
– Chaque années, des milliers de personnes se donne la mort après que leur conjoint le quitte, qu'il y ai une histoire de tromperie, qu'il y ai un divorce.
Léna secoue négativement la tête. Ma vision de l'amour doit sûrement être la pire au monde, mais je dis ce que je pense. L'amour m'a trop souvent déçue. L'amour de ma mère qui était inévitable, mais celui de mon père ? Et elle ? Pendant les premières années j'ai vraiment pensé qu'elle allait m'aimer, mais non. Elle semble réfléchir un moment avant de dire.
– C'est ce que tu essayes de te persuader. Que l'amour c'est mal et qu'il faut mieux le fuir rapidement. Mais un jour ça va te tomber dessus sans que tu t'en rendes compte et tu seras très heureuse.
– Jamais.
Je persiste a me convaincre que c'est vrai. Une fois arrivé chez Léna, nous montons dans sa chambre. On enfile rapidement nos pyjama avant de nous faufiler sous la couette. Allongée sur le flanc, je cherche maintenant le sommeil. Je n'ai aucune envie de retourner chez elle, demain.
– Alors, ta première soirée ? demande mon amie.
– Instructive, je dis après un silence.
– Ah, tu vois que c'est pas si horrible que ça.
Léna commence à me raconter quelques ragots lors de la soirée, comme le fait que Poppy ai apparement un copain maintenant. Je me cache bien de ne pas dire ce qu'il en est pour mon frère quand elle me parle de lui, me demandant si je l'ai vu. Malheureusement, oui je l'ai vu.
Je fini par bailler et on décide donc de se coucher parce qu'on est déjà dimanche matin, qu'il est cinq heures et demi passé et que je dois être chez moi dans les alentours de quinze heures. C'est vers douze heures que la porte de la chambre de mon amie s'ouvre et qu'une voix s'élève en nous réveillant toutes les deux.
– Les filles ? Le repas est prê... Oh ! Vous dormez encore ?
– On dormait, rectifie mon amie en se redressant.
– Je m'excuse ! dit sa mère avant de fermer la porte. Mais sachez que le repas est prêt, dit-elle derrière la porte avant de partir.
Je me redresse en me frottant les yeux, j'ai tellement bien dormi sur ce lit moelleux et incroyablement confortable, même si je manque clairement de sommeil au fond. Je regarde mon amie en souriant doucement. Elle n'a pas l'air de bien apprécier ce genre de réveil, pour moi c'est tout en douceur comparer à ce que j'ai déjà vécu avec Nathan et elle.
Je me lève rapidement du lit et m'étire lentement, ça non plus je ne le fais pas parce que j'ai mal partout, mais ça fait deux jours que je n'ai rien eu et je me sens bien. Léna finit par se lever tout comme moi.
Avant que l'on ne descendent dans le salon en pyjama, j'applique rapidement la poudre pour cacher la peau de mon oeil maintenant jaune, violette. En bas ses parents sont déjà à table, je suis honteuse de notre retard mais ça n'a pas l'air de les toucher, on dirait qu'ils sont habitués. Les parents commencent à faire la conversation, d'un ton détaché. Ça aussi, ça me fait tout drôle.
– Comment s'était hier ? demande son père.
– C'était chouette, ouais.
Ses parents me lancent un regard et j'avale rapidement la gorgée de pâte que j'étais en train de mastiquer avant de hocher la tête vivement pour appuyer les propos de mon amie. Ridicule Tori, mais cela a arraché un sourire à mon amie.
On parle de tout et de rien pendant la suite du repas, puis on aide à débarrasser avant de remonter dans la chambre de mon amie. Je refais mon sac, puis on sort à pied jusqu'à l'arrêt de bus. Elle a bien essayé de me convaincre de m'emmener jusque chez moi avec sa voiture mais j'ai refusé. Elle a déjà fait énormément depuis deux jours. Elle a insisté comme quoi ça lui faisais plaisir, mais non. Je ne peux pas.
On s'est finalement dit à demain, puisqu'on aura cours ensemble comme chaque lundi matin puis elle est parti et l'autobus est arrivée dix minutes plus tard environ. En m'asseyant à ma place habituelle : milieu et côté fenêtre j'ai beaucoup réfléchis à tout ce qui s'était passé depuis vendredi.
Première soirée, retrouvailles avec William, chercher Léna et voir son demi-frère avec un autre mec, faire un discours sur le fait qu'être amoureux c'est inutile et ça rend malheureux et faire une grasse matinée.
Ça fait beaucoup de chose. Trop de chose à lui cacher a elle, encore une fois
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