20.
En rentrant de mon petit séjour chez Léna, j'ai pris soin de prendre une douche mais de ne pas mettre de savon trop odorant, j'ai remis de vieilles affaires aussi, tous juste lavés. J'ai attaché mes cheveux maintenant doux. Retour en enfer. Retour au ménage du dimanche matin pendant que les autres dorment.
J'ai l'impression d'être Cendrillon parfois et encore, elle n'était qu'humiliée pas frappée. Parfois penser à ça me fait rire, d'autres fois pas du tout. Je n'en peux plus de cette vie. La mienne ne rime à rien, elle est ponctuée de rêves et d'échecs. Quelques réussites bien sûr, mais la plupart ne sont plus assez importantes à mes yeux. À peine ai-je posé un pied dans la maison que je m'étale par terre sans aucune discrétion. Je grimace quand ma tête cogne le sol, je n'avais pas prévu une telle entrée en matière. Je ne m'attendais pas non plus à des « Bienvenue » accompagné de ballons.
C'est sans surprise que je remarque ses yeux sur moi. Elle est énervée et je suis une fois de plus sa cible, seulement elle aurait pu me laisser au moins retirer mes chaussures. Je ne sais même pas pourquoi je ne m'y attendait pas.
– Tu as bien profité j'espère, parce que c'était la dernière fois ! me crache-t-elle.
Je hoche la tête lentement en regardant le sol. Je n'ai pas peur, mais avec elle, je dois lui prouver sa supériorité par rapport à moi. Je me lève et attrape mon sac qui est tombé lui aussi quelques mètres plus loin. Je m'apprête à aller le chercher quand mes pieds se prennent à nouveau dans les siens et que je m'étale à nouveau lamentablement au sol dans un grognement de douleur. Je soupire en restant au sol, elle n'a pas l'air de vouloir en rester là. Et je le sais, rien que dans le regard haineux qu'elle me lance je peux y ressentir de la satisfaction. La satisfaction de me voir au sol. À ses pieds.
– Tu crois que tu es en train de gagner hein ? Mais tu es bien naïve ! Tu ne gagneras jamais, tu n'es rien, tu ne sers à rien à part me pourrir la vie, grogne-elle avec violence.
Je hausse un sourcil en la regardant, mauvaise idée d'ailleurs. Son pied se lève, prend de l'élan et s'élance dans ma direction, j'ai juste le temps de cacher mon visage de mes mains que son membre me tape de plein fouet. C'est moi qui lui pourri la vie nous sommes tous d'accord avec cela ? Non, pas moi. Mais je n'ai plus envie de me taire, je n'ai plus envie d'être victime de ses excès de violence qui ont besoin d'être extériorisés. Alors dans un élan de rébellion je me redresse lentement pour qu'elle voit que je suis prête à recevoir n'importe quel coup. C'est à son tour de hausser un sourcil.
– Je vais faire mes devoirs, annonçais-je en me tournant à nouveau.
– Pas si vite ! Ton père a bien voulu que tu y ailles, mais pas moi ! Tu as eu de la chance cette fois, mais c'était ta dernière. Tu ne retourneras plus jamais chez Léna. Pour dormir, pour des devoirs rien. Je veux que les choses soient claires !
– Elles le sont, affirmais-je d'un ton neutre.
Je monte rapidement dans ma chambre, un sourire léger aux lèvres, je m'attendais à bien pire ! Finalement je m'en sors vivante, une nouvelle fois. Mais je ne sais pas pourquoi mais j'ai un mauvais pré-sentiment sur la suite. La première phase de ma rébellion est engagée et à été réussi avec brio.
Peu importe pour l'instant, je suis assise à mon bureau devant un commentaire littéraire à rendre pour la rentrée de demain. Il ne me faudra qu'une petite heure pour le terminer et je vais enchaîner sur quelques révisions, j'avais déjà fait presque les trois quarts de mes devoirs avant de partir chez Léna. Je travaille bien pendant au moins deux heures jusqu'à ce que j'entende la porte vibrer à cause un violent coup dedans. Je sursaute avant de me lever rapidement près de mon bureau et ma chaise.
– Viens en bas ! cri-elle
Je souffle longuement quand j'entends ses pas lourds descendre les escaliers qui craquent sous son poids. J'éteins ma lampe de bureau et ferme mes cahiers avant de descendre à mon tour dans le salon où la table n'est pas encore mise. Elle est dans la cuisine en train de parler avec Nathan. Mon père lui est toujours dans le canapé en train de lire les informations sur le journal qu'il n'a pas eu le temps de regarder ce matin.
– Bonsoir Victoria, comment étaient tes vacances ? demande-t-il en fermant son quotidien et en me regardant avec un sourire chaleureux.
– C'était bien, merci, je dis simplement surpris qu'il s'intéresse un minimum à moi.
– Vous avez fait quoi ?
– Hm... pleins de choses, je dis très mal à l'aise de son regard sur moi.
Je n'ai pas l'habitude qu'il prête attention à moi et d'un coup ça me fait bizarre. Je ne sais pas pourquoi d'un coup ça lui prend, mais j'en profite un peu. Je lui souris faiblement car je n'arrive pas à négliger le fait qu'il s'intéresse un peu à moi. Je n'arrive pas à passer au-dessus de ça aujourd'hui, habituellement je l'aurais laissé de côté pour ne pas m'attirer les foudres de sa nouvelle femme. Celle qui me déteste, me haïs même. Celle qui me fait vivre l'enfer.
Je lui sers un dernier faible sourire et il hoche de la tête. Je recule et pars dans la cuisine chercher les assiettes, quand j'entre dans la pièce, Nathan et elle se taisent immédiatement en me regardant. Ils me regardent d'un mauvais œil, enfin surtout elle. Je ne m'occupe pas d'eux et attrape les couverts et les assiettes et repars dans le salon. Nathan arrive quelques secondes après avec les verres et les bouteilles d'eau et de sirops. Je reste silencieuse et lors du repas aussi, les conversation vont pourtant bon-train, mais je ne veux pas parler.
À la fin du repas je m'occupe de débarrasser la table, je n'ai pas pipé mot depuis la minuscule discussion que j'ai eu avec mon père. Dans la cuisine elle prépare l'eau chaude pour du thé. Je m'attèle à la vaisselle en gardant un œil rivé sur elle au cas où, je remarque qu'elle en fait de même, mais le sourire malicieux qui est collé à ses lèvres me fait froid dans le dos. Je ne dis rien et ne tourne pas le regard car c'est ce qu'elle voudrait et je n'ai pas envie de me battre ce soir.
Je continue la vaisselle plus que méfiante et fronce légèrement les sourcils en la voyant partir avec les tasses vides et la boîte de thé. Je reporte toute mon attention au bac de l'évier pour ne pas me couper, une fois m'a largement suffi, merci bien. Quand elle revient je frotte frénétiquement le plat de lasagne. Puis une douleur m'assaye, une sensation de froid puis de brûlure.
Je pousse un hurlement de douleur comme jamais je n'ai poussé depuis ma naissance et je tombe au sol de souffrance. Ma cuisse ! Ma cuisse, je ne la sens plus, je continue de hurler toute la torture que je ressens. Je pleure sans aucune retenue les mains autour ma cuisse en train de brûler sous l'eau bouillante qu'elle m'a jeté dessus. Mon père et Nathan accourent dans la cuisine et me regarde avec des yeux ronds. Elle pose sa main sur sa bouche et prend un air désolée qui ne fonctionne qu'avec eux.
– Je n'ai pas fait exprès je vous le jure ! La bouilloire m'a échappé, elle gémit.
– On doit l'emmener à l'hôpital
Par terre je me tords de douleur, je pleure, je hurle à la mort, je fais tout ce qui est possible pour ne pas supporter une telle souffrance. Puis quelqu'un me porte mais je suis incapable de me concentrer sur autre chose que le tiraillement que la brûlure m'impose à ce moment précis. Puis tout va très vite, je suis emmenée dans la voiture et ensuite j'atterris aux urgences puis dans un lit d'hôpital qui me découpe mon pantalon pour pouvoir me le retiré sans aggravé ma souffrance. Je suis à bout de forces, j'ai mal à la mâchoire tellement je la serre depuis ce qu'elle m'a fait.
Je suis transportée rapidement en salle d'opération où ils retire la peau brûlée que j'ai sur la cuisse pour ne laissé qu'une peau fragile et rose, brûlée. Une peau que je ne récupérerais jamais. Je ne sais pas si elle savait ce qu'elle faisait, si elle savait où ça nous aurait menées. Je la soupçonne de ne pas avoir voulu que cela aille si loin, mais je ne la connais pas et au fond elle est peut-être capable de me faire endurer de telles choses, rien que la fois où elle m'a enfermé dans la cave, la fois où elle m'a frappé jusqu'à l'évanouissement ou celle où elle m'a coupée volontairement dans l'évier de la cuisine et que le produit vaisselle m'avait fait atrocement mal. De retour dans ma chambre d'hôpital provisoire, je souffle alors qu'un médecin vient me voir.
– Bonsoir Victoria, dit-il doucement.
– Bonsoir... dis-je méfiante.
– Dis-moi que s'est-t-il passé ?
Je hausse les épaules en le regardant, avant de détourner le regard. Est-ce que je dois réellement avouer tout ce que je supporte ? D'un côté je n'en peux plus de cette vie horrible et de l'autre je ne veux pas que mon père soit malheureux, sa vie semble être parfaite de son point de vue. Et je ne veux pas briser cela, je m'en voudrais encore plus. Je ne suis sûrement pas la cause de son bonheur, mais je ne veux pas être celle qui le détruit une seconde fois.
Je l'imagine anéantie et meurtrie après la mort de ma mère et donc de la femme qu'il aimait temps. Il en a trouvé une autre, qui ne me satisfait pas personnellement mais je n'ai pas mon mot à dire dans son couple. C'est sa vie et je comprends tout à fait. Le médecin me lance toujours ce regard plein de questions sans réponses.
– La bouilloire lui a échappé des mains et l'eau est arrivée sur ma cuisse, rien de plus, je dis un peu froidement en le regardant dans les yeux pour me donner une contenance, et de la sincérité au passage.
– Hm, et... commence-t-il.
– Je pourrais continuer le sport ? demandais-je précipitamment.
– Victoria, vous vous êtes ébouillantée et brûlée au deuxième degré, me dit-il avec une mine désolée.
– Qu'est-ce que ça veut dire ? demandais-je
– Cela veut dire que tu es en arrêt pour deux semaines, minimum ! ajoute-t-il.
Je prends une longue seconde d'inspiration et je vois déjà que cela ne présage rien de bon. Je n'ai pas envie d'être arrêté, le sport compte beaucoup pour moi. C'est la seule chose qui me permettait encore de m'évader, de penser à autre chose et en être privée me rend triste. Je passe une main sur mon visage et soupire une nouvelle fois et baisse la tête lentement vers ma cuisse, elle est recouverte d'un bandage et ne me fait plus mal grâce aux anti-douleurs que l'ont m'a injecté pour l'opération.
– Et tu devras faire attention, les vêtements vont sûrement te faire mal, le mieux est que tu restes la première semaine chez toi.
J'écarquille les yeux et redresse la tête trop rapidement. Non, je ne veux pas rester à la maison, elle rentre la première le soir et si je me retrouve ne serait-ce qu'une seule fois seule avec elle... J'ai peur. Je l'avoue, j'aimerais pouvoir dire le contraire, mais c'est vrai, j'ai de plus en plus peur d'elle. Quelle idiote je fais, je passe tout de suite pour quelqu'un qui à quelque chose à se reprocher. Je me mords la lèvre face à son regard interrogateur tandis que je dis d'un ton qui se veut convainquant.
– J'ai des examens blancs très important. Je ne peux pas me permettre de les loupés !
– Hm, d'accord, je vais te prescrire des antidouleurs et de la crème à mettre toutes les deux heures sur ta cuisse dès que ta peau sera cicatrisé, ne néglige pas cela surtout, me met-il en garde.
– Je peux sortir quand ? demandais-je après avoir hoché la tête.
– D'ici deux jours, nous avons encore des soins à te faire, ça va être douloureux.
Si seulement vous saviez tout ce qu'il y a de douloureux dans ma vie... Retirer la peau morte de ma cuisse était moindre suite aux autres douleurs que j'ai enduré dans ma courte vie. Alors j'imagine que j'aurais moins de mal à supporter la douleur d'un ou deux soins. Je hoche la tête et il part mais avant qu'il ne quitte la pièce je dois lui demander une dernière chose.
– Monsieur ?
– Oui Victoria ? demande-t-il en se retournant.
– Est-ce qu'il est possible que personne ne vienne me voir ? J'aimerais être seule un peu.
Il fronce les sourcils et me regarde longuement. Je sais que j'en ai trop dit et que cela va encore se retourner contre moi, mais je n'ai vraiment pas envie de voir des gens, ni elle, ni mon père. Je déglutis et reprends en me mordant légèrement la lèvre.
– Enfin, sauf si Léna vient... dis-je avec un petit sourire pour assurer que tout allait bien.
– Victoria, s'il se passe quelque chose avec tes parents, tu dois nous en parler.
– Il ne se passe rien, répondis-je en fronçant des sourcils.
Justement, il ne se passe rien de normal chez mes parents, et comme il ne reste que mon père en tant que « vrai » parent, alors oui, c'est clair qu'il ne se passe rien. Je hoche la tête en le regardant dans les yeux et il en fait de même avant de partir.
Les heures passent et je souffle quand je me retrouve enfin seule, ma cuisse est maintenant une véritable torture, sur la surface de ma brûlure, je n'ai plus de peau, c'est une sorte de sous-peau rose qui cicatrice. Et dire que ça ne repoussera jamais... Je m'allonge correctement en essayant d'éviter de trop ressentir la douleur. Puis je ferme les yeux et j'arrive enfin à m'endormir.
* * *
Deux jours plus tard dans l'après-midi, je suis toujours à l'hôpital. Pour mon plus grand malheur, j'ai loupé deux jours d'école et demain je serais encore ici. Mon séjour s'est allongé et mon retour est prévu pour jeudi, je n'ai prévenu personne et puis je ne vois pas comment j'aurais pu, je n'ai pas de portable et même s'ils m'ont proposés le téléphone, je ne connais pas le numéro de Léna. Pendant ces deux jours d'hôpital j'ai dessiné, on m'a offert un petit carnet et un crayon, je reste assise ou allongée toute la journée sur mon lit. Quelqu'un frappe à ma porte alors que je regardais la télé.
– Bonjour Victoria, dit le médecin.
– Bonjour, dis-je un toujours un peu méfiante.
– Quelqu'un voudrait venir te voir, tu accepterais ?
– Qui est-ce ? demandais-je septique.
– Il se prénomme Troy.
– Non.
Il hoche la tête alors et repart dans les couloirs après m'avoir demandé si je n'avais besoin de rien. Puis quelques minutes plus tard j'entends crier mon prénom dans le couloir et fronce les sourcils. Je reconnais cette voix, j'allais répondre quelque chose mais la porte s'ouvre et Troy est dans l'encadrement de la porte, les autres médecins essayent de le reculer. Je suis surprise de le voir ici. Je regarde les médecins.
– Laissez-le.
Il n'en faut pas plus pour qu'il le lâche et le brun s'avance et me prends dans ses bras. Je ferme les yeux et pose ma tête sur son épaule en soufflant. Il n'aurait jamais du faire ça. Il n'aurait jamais du venir ici. Je ne voulais voir personne. Il murmure alors dans mon cou.
– Qu'est-ce qu'il t'est encore arrivée, j'ai eu tellement peur...
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