Le thème : des extraits d'un journal intime décrivant trois périodes de la vie du héros ( 8 ans - 15 ans - 30 ans)

Bonjour,

est-ce que quelqu'un lit ces mots ? On m'a dit que je pensais trop, trop pour mon âge, on m'a proposé de me confier à un cahier.

"On", c'est surtout maman, et madame Blanchard, la spi de l'école, mais aussi Mélanie qui trouve que c'est trop cool un journal intime.

Je préfère penser qu'il y a quelqu'un qui lit ces mots. Je vais t'appeler Albert, cela ne te dérange pas ? Je trouverais ça beaucoup trop bizarre d'écrire à quelqu'un qui s'appellerait Cher Journal, ce n'est pas un prénom, Cher Journal, pas un prénom humain en tout cas.

Moi, c'est Candice. J'ai huit ans et la spi de l'école dit que je suis "crépoce".

Enfin, ce qui m'a décidé à t'écrire, Albert, c'est que les CM2 sont venues le voir tout à l'heure, et je voulais en parler à quelqu'un.

Il y avait Rachel, l'amoureuse de Timéo, Léa, celle qui met déjà du vernis, et Pauline, qui a un t-shirt de grande, où on voit le nombril.
Elles m'ont dit qu'elles savaient pas dans quelle catégorie me mettre. Comme j'ai pas compris, Rachel a levé les yeux au ciel et a expliqué qu'elle mettaient les gens de l'école dans des catégories, pour qu'on s'y retrouve, tu comprends ? Et que je posais problème, parce que je n'allait certainement pas dans la case "cool" ou mon amie Mélanie avait été admise, mais comme j'avais des chaussures avec des faux diamants et que j'étais allée à l'anniversaire de Margot je n'étais pas une "nullos", et que j'étais trop gentille pour la case "fayotte".

Je leur ai répondu que je m'en fichais bien, et que j'étais bien contente de ne pas entrer dans une de leur catégorie.
Alors Pauline a eu un petit rire, Rachel a levé les yeux au ciel à nouveau, a dit que je n'avais pas compris, je vais reprendre depuis le début Candice, a tout réexpliqué, tu comprends maintenant ?
Moi j'avais compris, et j'ai répété que c'était très bien comme ça.
Du coup Léa a fait une nouvelle case dans son cahier, à côté de "trop beau" et de "nullos", avec écrit "zarbi", et a mis mon nom dedans en lettres bâtons.

Tu sais, Albert, je crois bien que ça m'a rendue triste. Je ne sais pas pourquoi, mais j'avais envie de pleurer.

Mais Louise m'a fait un câlin, et on a rigolé, et on a joué ensemble à la corde à sauter. Elle est gentille Louise, c'est ma deuxième meilleure amie, parce que la première c'est Mélanie comme elle a le même bracelet que moi.

Tu sais quoi, Albert, je m'en fiche bien, après tout, de Rachel, Léa et Pauline. Elles, elles ont pas de corde à sauter. Ça doit être ennuyant de jouer aux grandes comme elles le font.

***

Salut...

C'est moi, c'est Candice.
Je t'ai pas donné de nouvelles depuis un moment, Albert. Tu dois m'en vouloir...
C'est que j'avais arrêté de te parler quand j'avais onze ans, je rentrais au collège et je faisais un peu gamine avec mon journal.
Enfin, en déménageant je t'ai retrouvé, et me voilà...
J'ai un peu changé, il paraît que c'est ça, l'adolescence. Je ne suis plus précoce je crois, en tout cas quand on est plus vieux ça se voit moins, et j'ai juste l'air d'une ado normale, avec les questions et tout. Je mange toujours les framboise en en mettant une sur chaque doigt, si ça te rassure.
Enfin bref, je suis heureuse de te retrouver, surtout que tu devineras pas ce qui s'est passé samedi.

Je suis allée à la soirée de Louise, qui est resté ma meilleure amie. Mélanie je la vois plus, au collège elle a voulu faire partie du groupe de Carla. Quand je la croise elle contracte ses lèvres bizarrement, je crois que c'est un sourire gêné.

Bref, j'étais à la soirée de Louise, du coup.
Déjà, c'était une soirée, ça devait forcément être bien. En plus c'était chez Louise, et chez Louise même un dîner belote avec ma grand-mère paraîtrait folichon.
Et il y avait Thomas, l'ami de Louise qu'elle connaît de son groupe de musique, celui qui est vraiment beau et qui m'a regardée au concert du lycée. Dit comme ça, c'est très frivole. En même temps, Albert, ça l'est vraiment, frivole, dès fois j'en rigole en me disant que je suis très bête et que je vaux pas mieux que Carla.
Bref. C'est la troisième fois que je t'écris bref depuis 5 minutes, tu as remarqué ?
Enfin, voilà, j'étais à la soirée et Thomas était là.

Et il s'est passé un truc génial.

Alors que je parlais avec Louise, Thomas s'est approché pour lui dire trois mots. Je me suis dit que je devais rester naturelle alors j'ai continuer à rigoler à la blague de mon amie.
Mais j'étais tellement naturelle que j'ai rigolé de façon ridicule, et surtout j'ai recraché mon coca par le nez. Louise et moi, on a hurlé de rire, mais Thomas est parti.
Plus tard dans la soirée, je l'ai recroisé. Il embrassait une fille, je crois qu'elle s'appelle Marine. Je vomissait intérieurement, ils avaient un air très niais, tout les deux.
Il m'a regardé et il a rigolé : "tiens c'est toi qui a recraché ton coca par le nez ! "
Je l'ai regardé dans les yeux, je l'ai regardé dans la bouche, je l'ai regardé à nouveau dans les yeux, j'ai dit:
"t'as de la salade entre les dents"
Et je suis partie.

Bref, je ne suis plus amoureuse.

***

Cher Albert, aujourd'hui Joseph m'a demandée en mariage, J'en ai le cœur qui plane encore.

Autant te dire tout de suite que ce fut un fiasco.

On était à la plage, avec Louise et son ami Siméon. Joseph avait l'air drôle. Je veux dire, Joseph a toujours l'air drôle, hilarant même, mais là au contraire il avait presque l'air sérieux, et c'est ça qui lui donnait l'air drôle. Tu suis ?
Puis il s'est mis à genou.
Enfin il est tombé dans le sable et s'est redressé à genoux pour conserver une attitude crédible. Il m'a regardé bizarrement et j'ai su que j'étais toute rouge.
Siméon, qui était comme toujours un peu soûl, m'a jeté à l'eau, parce que, tu comprends, j'avais l'air d'avoir chaud, hips.
Joseph a d'abord eu l'air contrarié mais il a vite éclaté de rire, donc je l'ai poussé à l'eau à mon tour. On était tout les deux, trempés dans le sable et l'écume, et il m'a dit... Il m'a dit un truc incroyable, si incroyable que s'il me regardait pas comme il me regardait j'aurais cru à une blague. Il a dit ce truc si fantastique, j'en tremble encore de vie :

"Veux-tu m'épouser ?"