Malgré le bruit environnant, Wendy distingue le tintement de la sonnette sans problème. Elle pose son verre, s'excuse auprès de Heidi et Bebe, puis se fraye un chemin vers la porte d'entrée, jouant des coudes avec divers invités. Rapidement, elle se remémore la liste des élèves, excluant ceux qui ne viennent pas et ceux qui sont déjà là, et parvient à la conclusion qu'il manque un élève. Cet élève.

Elle souffle, hésitante devant la porte. Un coup d'œil sur le côté et elle s'aperçoit que Tweek la regarde, crispé et tremblant. Il a sûrement compris. Wendy prend son courage à deux mains.

« Bienvenue ! » Salut-elle poliment en ouvrant.

C'est sans surprise qu'elle fait face à Craig Tucker. Pourtant, elle déglutie malgré tout, incapable de rester impassible. Réalise-t-elle qu'elle a la même réaction que les garçons, lorsqu'ils l'ont vu dans sa robe ?

Tweek se fige sur place. Le temps semble avoir cessé de fonctionner. Plus de musique, plus de bavardage. Seulement les battements effrénés de son cœur, qui semblent prêt à la tuer sur place. La gorge sèche, la tête vide, il a même cessé de respirer, les paumes de ses mains serrant nerveusement son café. Il a pourtant été prévenu. Il s'est préparé pour ce moment. Il a eu cinq ans. Cinq. Putains. D'années. Il a grandi, prit en maturité, gagné en confiance. Mais quand il croise le regard émeraude de son ex copain, tout s'effondre. Absolument tout.

Craig est bien la dernière personne à se soucier de son apparence. Il ne se coiffe jamais, laisse Ruby gérer ses vêtements, et les regards des autres l'importent peu. Ou plutôt, il ne les remarque pas. Il n'a pas conscience des vêtements qui mettent en valeur sa musculation, de ses cheveux rebelles qui s'accordent à ses yeux verts, de l'aura sauvage et attractive qu'il dégage. Il n'a pas remarqué le trouble de Kyle et Eric lorsqu'ils se sont croisés plus tôt. Cependant, il est bien obligé de remarqué le regard de tous les invités quand Wendy ouvre la porte. De remarquer le regard de Tweek dont le visage s'est décomposé.

« Salut. »

Aucune hésitation. Sa voix est restée calme, maitrisé. Son visage blasé. Il n'a pas cillé. Rien, absolument rien, ne trahit la panique terrible qui l'a envahi.

Les autres hésitent, ne savent pas comment réagir. Au même moment, la musique joue ses dernières notes avant que la prochaine se charge. Pendant quelques instants il y a un silence affreusement gênant, qui n'aide en rien Craig avec son malaise. Son regard revient vers Wendy et il reprend la parole, stressé, envieux de combler le vide :

« Pete vient en fin de compte. »

L'information met quelques secondes à arriver, et l'ébène ne loupe pas les regards stupéfaits des gothiques postés dans un coin de la salle. Peut-être n'aurait-il pas dû le dire ainsi. Quoiqu'il s'en fou en fait.

« Ah oui, d'accord ! se reprend Wendy tandis que la musique repart. Hum, tu veux poser ta veste, je te guide jusqu'à l'armoire ?

— Non, c'est bon. »

Il ne s'attarde pas, s'avance dans la salle. La plupart des invités sont retournés à leurs activités, mais Tucker n'est toujours pas détendu. Il s'évertue à ne pas regarder Tweek, fébrile à l'idée de croiser à nouveau son regard. Une main se pose sur son épaule, il tourne la tête. Kyle lui sourit :

« Hey, enfin arrivé !

— ... J'avais un truc à faire avant de venir. » répond Craig.

« Un truc » étant la crise d'angoisse qui l'a pris dans sa chambre d'hôtel, mais il est hors de question qu'il en parle. A la place il s'attarde sur le roux, remarque que celui-ci n'a plus son serre-tête, et cela l'étonne. Il pensait que ses cheveux formeraient encore une touffe incoiffable, mais en réalité ils sont joliment arrangés, mettant en valeur son visage.

« J'allais prendre à boire, tu veux venir ? » demande Kyle.

Craig se contente d'hausser les épaules, mais il est reconnaissant d'une telle invitation. Avoir quelqu'un à ses côtés lui donne un minimum de contenance, il suit donc son camarade jusqu'au buffet et attrape une bière, non sans ressentir certains regards sur sa personne.

Stan est bouleversé, incapable de croire à ce qu'il voit. Déjà, Tucker est venu. Et maintenant, il traine avec Kyle ? C'est une blague ? Son sang ne fait qu'un tour. Il veut s'approcher, lui dire sa façon de penser, mais Kenny le retient. Merde quoi ! Le blond aussi souhaite lui casser la gueule, alors pourquoi réagit-il ainsi ?

« Je te comprends Stan, mais c'est pas une bonne idée » s'excuse le McCormick, qui ne quitte pas non plus le nouveau venu des yeux.

Cette soirée est faite pour s'amuser, ce n'est pas le moment de régler ses comptes. Marsh serre les poings. Il regarde ailleurs et aperçoit le trio des gothiques, dont le scepticisme et la surprise sont des plus visibles. Ils doivent se poser la même question que tout ceux présent dans cette pièce : depuis quand Pete et Craig sont-ils en contact ? Stan ne se rappel pas de les avoir déjà vu ensemble auparavant !

Kenny, lui, s'en fou. Craig, Pete, les gothiques, ça lui passe bien au-dessus. Ce qui l'importe c'est plutôt Tweek, qui s'est précipité vers Token en tremblant. Le black l'a ensuite emmené dans une autre pièce, et le McCormick ne les a plus revus.

« Hey les gars ! interpelle Bebe en passant soudain près d'eux.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demande Stan en voulant se changer les idées.

— Vous auriez vu Wendy ? Ou bien vous avez vu une bassine ?

— Eu ... Non, pourquoi ?

— Red est complètement torchée, elle ne va pas tarder à vomir !

— Sérieusement ? s'étonne Kenny. Il n'est même pas 21 heures ! »

Il dit ça, mais il a déjà fait pire. En plus ils sont à South Park : tout ceux originaires d'ici font des conneries.

« Je vais l'emmener aux toilettes, ce sera plus simple. » propose Stan.

L'ébène sait pertinemment que Kenny veut rejoindre Tweek et que Bebe veut s'amuser, il ne va donc pas leur imposer ça. De plus, il ne souhaite pas chercher Wendy et à la flemme de fouiller l'endroit pour une vulgaire bassine.

La blonde le remercie chaleureusement et va chercher Red tandis que le McCormick hésite à partir. Stan sourit :

« T'inquiète pas pour moi, j'profiterai de la fête plus tard. De toute façon, j'ai plus envie de voir la gueule de Tucker. »

Son ami se laisse convaincre, et alors que Bebe revient avec la bourrée, le grand blond part à l'étage. Le Marsh soupir, soutient Red et quitte la pièce. Cette semaine s'annonce pas si bien finalement ...

___ ___ ___

« Gah ! Pourquoi ... Pourquoi il est là ? P ... Pourquoi Kyle ... ! Qu ... Qu'est-ce que K ... Kyle fait ... Gah ! Avec lui ?! »

C'est dans un état lamentable que Tweek se trouve quand Kenny entre dans la chambre. Il s'arrache les cheveux, au bord des larmes, pendant que Token lui frotte le dos pour le calmer, sans succès. Craig lui a retourné la tête, mais pas seulement. Il a aussi chamboulé son coeur. En le voyant, l'accro au café s'est tout prit en plein visage : la tristesse de leur dispute, la colère de leur séparation, la peur de leurs cris, la passion de leur amour ...

« J'peux pas lui faire face ! s'écrit-il. Je ...Gah ! Je peux pas ! »

Kenny se sent tressaillir. Il serre les dents. Il serre les poings. Il vient de faire un bond de cinq ans en arrière. Le visage de Tweek est similaire à ce jour-là. Ça le fou en rage. La voix de Tucker résonne dans son esprit :

« Arrête d'agir comme si on était vraiment ensemble ! J'en ai rien à foutre de toi ! » »

Des mots crachés à la figure du petit blond. Des mots acides, blessants, criés en plein milieu du couloir bondé de l'école.

Kenny craque. Il part en trombe, dévale les escaliers. Le cri de Token est ignoré, tout comme les pas précipités qui tentent de le rattraper. Bousculades, plaintes, interrogations. L'immortel en a rien à foutre des autres invités, il n'y en a qu'un qu'il veut.

Il le voit.

Craig n'a pas le temps de comprendre qu'il se prend déjà un poing. Le choque et la surprise le font reculer et heurter la table avec violence. Il s'y tient, manquant de peu de finir à terre, la mâchoire douloureuse.

« Kenny ! » s'exclame Kyle en panique, ne comprenant pas la soudaine attitude du blond.

Tweek et Token arrivent à leur tour, écarquillent les yeux face à la scène. En quelques secondes à peine, McCormick et Tucker sont devenus le centre d'attention. Même Stan a laissé Red pour revenir.

« Qu'est-ce que tu crois faire ... ? » lâche Craig en se redressant, la mine impassible mais la lèvre en sang.

Clyde déglutit, comme la plupart des invités. Cette étape, c'est « la colère froide », le moment où Tucker tente de contenir sa rage face à un événement imprévu.

« J'te remet à ta place, connard ! rétorque Kenny. C'est ce que tu mérites après la merde que t'a foutu ! »

Le regard de Craig se fait glacial. Il fait un pas :

« Et en quoi ça te regarde ?

— Tweek est mon pote. Je refuse qu'il souffre. »

L'ébène se fait hésitant, lance un coup d'œil au concerné et sent son cœur se serrer en voyant ses yeux rougis. Ses sourcils se froncent, et le coup part, bien plus puissant que celui du blond.

Kenny hoquète, s'écrase par terre avant de grimacer. Son nez le lance violemment, et pendant un instant il est persuadé qu'il est cassé. Au sol, complètement vulnérable, il est à la merci de Craig ! Kyle s'apprête à intervenir, tout comme Eric et Stanley ... sauf que plus rien ne se passe.

Le McCormick s'étonne, et il n'est pas le seul. Il lève les yeux vers son adversaire qui se contente de soupirer en mettant les mains dans ses poches. C'est à n'y rien comprendre. Autrefois, Tucker aurait été le premier à continuer la baston !

« C'est à Tweek de me frapper. Pas à toi » dit simplement l'ébène, plus calme.

Son regard s'est fragilisé. Il n'attend pas de réaction et sort simplement par la baie-vitrée qui mène au jardin. Tout le monde reste stupéfait. Tweek observe le dos de Craig, le voit s'allumer une cigarette dans la nuit, et frisonne.

C'est Token qui détourne son attention lorsqu'il se précipite sur Kenny :

« Merde, ton nez ! »

L'accro au café tourne la tête et pâlit. Effectivement, son ami a le nez bleuté à présent, et il saigne énormément ! Kenny fait un pauvre sourire, visiblement honteux.

« Ça va, vous en faites pas !

— Ta gueule. » dit froidement le black.

Les blonds déglutissent. Token est énervé. Il choppe le bras de Kenny et l'embarque à l'étage. Kyle les observe partir avec inquiétude. Il sait que le black saura s'occuper de ça, mais il aimerait quand même vérifier l'état de son ami. Cependant, il n'a pas l'occasion d'agir : Stan et Cartman se précipitent vers lui, terriblement soucieux :

« Kyle ! Tout va bien ? s'exclame le Marsh.

— Ah ... Oui, bien sûr. C'est les gars qui se sont battus, pas moi !

— T'aurai pu te prendre un coup perdu !! »

Stan a crié, fou de colère et de panique, et le roux retient un soupir, autant ému qu'exaspéré.

Kyle le sait pertinemment : son ami d'enfance a beau être épris de justice, il n'en reste pas moins quelqu'un de rancunier. Il n'a jamais pardonné l'attitude de Craig, encore moins l'attitude qu'il a eu envers lui et Eric. L'attitude qui a tout déclenché.

Le juif glisse son regard en direction de Tucker, toujours posté dehors. Lui-même a dû mal à oublier tout ce qui s'est passé. Les événements sont ancrés dans sa mémoire, se jouent dans son esprit tel un film de mauvaise qualité. Ils débutent pile cinq ans auparavant, lorsque Cartman avait hurlé ...

« PAUVRE FILS DE PUTE ! »

Le poing était parti violemment, venant s'écraser contre le visage de Eric qui avait été propulsé contre les casiers. Les hurlements des autres élèves avaient retenti, mais Craig n'y avait pas pris garde. Jamais il n'avait été dans un tel état de fureur !

« C'EST TOI LE FILS DE PUTE ! » hurla-t-il à son tour en se jetant sur le gros.

Il le cogna une nouvelle fois, puis une troisième fois, le visage décomposé par la rage ! Cartman poussa un cri, repoussa violemment son assaillant. L'insulte avait fait mouche, tout comme les coups : le brun pouvait insulter les autres de fils de putes, mais il était hors de question qu'on insulte sa propre mère ! Merde !

Il frappa Tucker à son tour, le fit tituber. Ce n'était pourtant pas la première fois qu'il lui balançait ce genre de choses ! Alors pourquoi l'impassible Craig réagissait-il ainsi aujourd'hui ? Eric n'en avait rien à foutre : il allait remettre ce merdeux à sa place !

A nouveau, ils se jetèrent l'un sur l'autre, se flanquant des coups sans que personne n'intervienne. Un attroupement c'était fait autour d'eux, ils entendaient les encouragements de leurs camarades, mais ça leur passaient clairement au-dessus. Tucker lui éclata le genou, le faisant hurler, et Cartman rétorqua en lui foutant un coup de boule ! L'ébène tomba à la renverse, et le gros en profita pour le plaquer au sol, pour le cogner une nouvelle fois. Sauf que Craig se défendit hargneusement, lui mordit le poignet jusqu'au sang !

« Putain, arrêter ça !! » s'écria Kyle.

Le roux venait de pénétrer l'enceinte de combat, après s'être frayé un chemin au travers de l'attroupement. Son visage se décomposa en voyant la violence avec laquelle se battait ses deux « amis », et il manqua de vaciller en voyant le sang qui perlait de plusieurs de leurs blessures ! Mais il se reprit, inspira, se précipita vers les deux autres pour les séparer.

Mauvaise idée.

Tucker frappa Cartman en plein dans le ventre et le vira sur le côté. Il se redressa vivement, brandit son poing, sauf que Kyle lui saisit la main. Craig ne le regarda même pas : il dégagea son bras rageusement. Le roux hoqueta. Une douleur affreuse lui traversa le visage avant qu'il ne s'écroule dans un cri, les mains posées sur son œil blessé, au bord des larmes.

Ce n'est que le soir même qu'ils avaient appris la terrible nouvelle : les parents de Craig étaient morts quelques jours plus tôt. Ils avaient percuté un camion alors qu'ils rentraient de week-end. Voilà pourquoi l'ébène avait terriblement mal pris le « fils de pute », pourtant anodin de la part de Cartman. Mais comment les autres élèves auraient-ils pu le deviner ? Leurs parents ne leur avaient rien dit, et Craig ... Craig était resté comme d'habitude, impassible et blasé. Du moins, jusqu'à ce qu'il éclate face à Éric. Ceci avait causé sa descente aux enfers et avait mené à la situation à laquelle ils sont aujourd'hui confrontés.

« ... Je vais aller voir Craig. » annonce Kyle.

Stan perd ses couleurs. Il attrape l'épaule de son ami, le retourne assez brusquement vers lui :

« Tu plaisantes là ?!

— Stan ?

— Tu t'approches plus de lui ! T'es malade ou quoi ? Ce mec t'a déjà fait du mal ! Il peut très bien recommencer !

— Qu ... Hey, calme toi, tu veux ?! Il va rien me faire ! »

Le ton est monté, et le roux grimace en sentant la poigne se resserrer sur son épaule. Son cœur commence à s'emballer de peur : il a déjà vu Stan en colère, mais celui-ci ne lui a encore jamais fait de mal ! Qu'est-ce qui s'est passé entre eux ? Qu'est-ce qui a changé depuis ces dernières années ? Cartman les sépare brusquement :

« Oh les taffioles, on se calme ! »

Le brun se place devant Kyle et lance un regard noir au Marsh. Ce dernier perd son expression colérique pour laisser place à la honte. Il détourne le regard tandis que le juif regarde son protecteur :

« Eric, je gérais très bien la situation ...

— Tu plaisantes ? On connaît les juifs : des faiblards incapable de se défendre.

— Oh putain, la ferme ... »

Mais le roux a beau grogner ceci, il est quand même reconnaissant. Jamais il n'aurait pu se défendre face à Stan, quand bien même il ne pense pas que celui-ci l'aurait frappé ... n'est-ce pas ?

___ ___ ___

La nuit est complètement tombée, plongeant South Park dans une atmosphère morbide et inquiétante qui, il faut dire, l'excite grandement. Aucune voiture, seulement lui sur la route, à rouler à toute allure accompagné du vent glacé et des étoiles dorées. Son regard se pose sur la maison. D'un habile mouvement il se glisse dans un espace libre, retire son casque, souffle. L'air frais lui caresse la peau. Il quitte sa moto, remet correctement son étui de guitare sur son épaule. Si Craig a été ému en revenant ici, ce n'est pas le cas du nouvel arrivant qui retire ses gants tout en s'approchant de l'entrée, laissant apparaître le tatouage squelettique qu'il porte maintenant à la main gauche.

Des cris.

Le jeune homme hausse un sourcil. Visiblement, une bagarre vient de se déclencher. Blasé, le motard soupir : « Putain de conformistes »

__

La sonnerie retenti pour la énième fois de la soirée. Sauf qu'à cet instant, l'absence de musique permet à tout le monde de l'entendre. L'attention se détourne de Craig, qui est toujours dehors, pour se porter vers l'entrée. Prise au dépourvue, Wendy n'a pas tout de suite la présence d'esprit d'agir. Elle échange un regard avec ses camarades, sceptique, en se demandant qui ça peut être, puis soudain elle se souvient : « Pete vient en fin de compte »

Pete Thelman, le dernier des gothiques. Elle rejoint vite la porte, sous les regards curieux des autres, et l'ouvre. Ses yeux s'écarquillent, son souffle se coupe et, bon dieu, elle n'est pas la seule ! Lorsque Craig est apparu, tout le monde a été électrisé par sa beauté, son aura ... Mais là ! Là ! C'est un pur ravage, un coup de foudre !

Pete Thelman est reconnaissable entre mille avec ses cheveux bicolores et son expression impassible. Il porte un chemisier blanc orné d'une pierre rouge, un pantalon sombre caché par ses bottes en cuire remontant jusqu'aux genoux, ainsi qu'un long manteau carmin et noir. Une boucle d'oreille en forme de crois inversée, de l'eye-liner, des lentilles dorés ... Les autres gothiques sont stupéfaits. Même eux ne parviennent pas à se donner un tel effet !

« B ... Bonsoir ! Salut Wendy bouche-bée.

— Bonsoir. » répondit-il.

Sa voix en fait frémit plusieurs. Elle est toujours aussi belle, suave, fascinante. Pourtant, il a toujours paru en avoir honte. Sûrement parce qu'elle ne colle pas avec l'image qu'il souhaite donner de lui.

Pete remet sa mèche en place – ce tic ne l'a apparemment par quitté – avant que son regard ne parcourt la salle. A la surprise générale, il ne s'attarde pas sur les autres gothiques et observe Craig qu'il a remarqué derrière la baie-vitrée. Thelman ne met pas longtemps à faire le lien entre l'ébène, les cris précédents et les boissons renversées près du buffet. Il soupir bruyamment, clairement exaspéré.

« Il a frappé qui ? demande-t-il.

— Ah, eu ... Kenny. » répond maladroitement l'hôte.

Pete traverse la pièce, son casque sous le bras. Tucker ne l'a pas remarqué, dos à la salle, mais il entend la vitre s'ouvrir, alors il se retourne ... et se prend le fameux casque en pleine tête !

« Putain de merde, Diva de mes deux ! s'écrie Craig.

— Ruby t'a dit de faire un effort ! Pourquoi tu fais encore la gueule ?

— Parce que je viens de m'en prendre plein la gueule justement ! J'espère que ton casque s'est explosé !

— T'aura intérêt à me le rembourser !

— Quoi ?! »

Autant dire que voir deux des gars les plus impassibles de South Park s'emporter ainsi, ça surprend. Mais genre, beaucoup ! Tweek n'en revient pas : son ex n'a jamais eu d'échange aussi virulent par le passé ! Les gothiques aussi peinent à y croire : la bouche grande ouverte, les yeux écarquillés, ils ne reconnaissent plus leur ancien camarade !

Pete reprend son calme, mais l'exaspération se lit parfaitement dans son regard. Il retourne à l'intérieur d'une démarche souple et assurée, paraît tel un prince obscur, intimidant et provocant. Craig écrase sa cigarette et lui emboite le pas, tout en vérifiant que le casque – qu'il a récupéré – n'est pas abîmé. Celui aux cheveux rouges s'adresse à Wendy :

« Je peux poser mes affaires où ?

— Dans l'armoire à l'étage. Je vais t'y conduire ! » propose la jeune fille.

Il hoche simplement la tête et la suit. Tucker ne dit rien, même si la gêne le reprend. Il était bien dehors ! Pourquoi revenir ? Mais bon, il serait ridicule s'il retournait dehors, alors il va seulement poser le casque sur une table et cherche à boire du regard. Kyle décide de le rejoindre, ignorant les regards des autres, et plus particulièrement celui de Stan. Craig lui lance un coup d'œil, le roux observe sa lèvre.

« C'est bien ouvert, commente le plus petit.

— Ouai. McCormick a gagné en force.

— Toi aussi apparemment. »

L'ébène préfère ne rien ajouter, et Kyle soupir. Il lui saisit le poignet et l'entraîne dans la cuisine, à l'abri des regards indiscrets. Surpris, Craig le laisse faire. Cependant, pendant un court instant, il capte le regard de Tweek. Son regard inquiet. Celui lui fait l'effet d'un raz-de-marée.

« Eh, ça va ? s'enquit le juif quand il le voit prendre appuie contre le plan de travail. Tu as l'air plus pâle.

— ... Ça va. »

Ça ne va pas. Il a l'estomac retourné. Le regard de Tweek ne quitte pas son esprit, il le transperce encore, semble l'analyser. Il est identique à autrefois, similaire à quand ils étaient enfants. Quand le petit blond était sans cesse inquiet, quand Craig devait le rassurer, quand ils se cessaient de se protéger l'un et l'autre, quand ils jouaient ensembles, quand ils étaient liés plus que jamais ...

« ... Kyle, tu me détestes ? » lâche Tucker.

Le roux hausse un sourcil, quelque peu pris au dépourvu. Il va chercher de la glace tandis qu'il répond :

« Je ne resterais pas avec toi si c'était le cas. »

Logique, c'est vrai.

« Tu es bien le seul, souffle l'ébène.

— Non Craig. Personne ne te déteste, mais beaucoup t'en veulent. C'est normal. Mais je suis sûr que ça va s'arranger ! »

Kyle revient, s'approche pour lui poser délicatement un glaçon sur la lèvre. L'autre frémit, le laisse faire tout en le regardant :

« S'arranger ? Comment tu le sais ?

— Tu as des regrets, non ? Tu vas aller t'excuser ? Je ne vois pas pourquoi ça ne s'arrangerait pas après ça. Et puis ... tu as changé, Craig. Dans le bon sens. Je suis sûr que tout le monde l'a remarqué ! »

Le roux lui fait un sourire, à la fois encourageant et rassurant, ce qui embarrasse Craig. Il détourne le regard. Kyle ne s'en formalise pas, il ajoute simplement :

« Tu devrais parler à Tweek. Il a l'air assez chamboulé. »

Tucker hésite. Mais a-t-il vraiment le choix ? Son camarade a raison : il doit mettre les choses au claire ce soir. Mais son ex acceptera-t-il de lui parler ?

___ ___ ___

Butters s'est fait tout petit lorsque Kenny a frappé Craig. Le petit blond n'a jamais été adepte de violence, et même s'il admire l'immortel, il ne comprend pas pourquoi celui-ci a réagi ainsi. Tucker était pourtant sage ce soir ! Il n'y avait pas de quoi se battre !

« Eh taffiole ! Encore à te morfondre ? »

Le blond relève les yeux vers Cartman qui vient tout juste de le rejoindre. Il fait la moue :

« Je suis inquiet pour Kenny.

— Ouai, Tucker l'a bien amoché.

— Eu ... Oui, mais je me demande surtout pourquoi Kenny a cherché la bagarre. »

Le brun hausse les épaules, pas plus avancé :

« Qui sait ? C'est qu'un sale pauvre qui a besoin de se défouler, c'est tout. »

Butters fronce les sourcils. Il aime bien Eric, mais ses insultes ont commencé à le révolter depuis ces dernières années. Cependant il n'en dit rien. Déjà parce qu'il n'ose pas, mais aussi parce qu'il a remarqué les efforts de Cartman pour s'améliorer ! Ainsi, il se contente de soupirer, puis retrouve son petit sourire timide :

« Sinon, comment tu trouves la soirée ?

— A chier. Les trois quarts des gens font la tronche, c'est insupportable ! »

En disant cela, le plus grand jette un coup d'œil inquiet à Wendy. Certes, lui et la jeune fille sont plutôt en mauvais terme. Sauf qu'au fond ils s'aiment bien, et elle s'est donnée du mal pour préparer cette soirée ! Alors Éric aimerait bien que les autres y mettent du leur !

« On pourrait faire un jeu ! » propose innocemment Leopold.

Cartman le regarde, s'apprête à rétorquer que c'est une idée de merde, sauf que ... ce n'en est pas une. C'est même pas con du tout en fait !

« T'es un génie Butters ! » s'exclame Eric.

Il lui ébouriffe les cheveux avant de partir en vitesse. Le blond reste béat, et ses joues prennent une jolie couleur carmin.

___ ___ ___

Pete est redescendu au rez-de-chaussée. La musique est repartie, mettant une certaine ambiance dans la pièce, mais ce n'est pas pour autant que les invités s'amusent. Le gothique lève les yeux au ciel : ces conformistes sont facilement déstabilisés ! Une bagarre, et c'est terminé.

D'ailleurs, où est Craig ? Pas là apparemment, ni dehors. Sans doute dans la cuisine ! Le rouge entreprend de s'y rendre, se glissant parmi la foule, mais on lui barre subitement le passage. Il lutte pour garder son air impassible : face à lui se tient son ancien groupe, composé de Henrietta, Firkle et – évidemment – Michael. Ils ont changé. Quelqu'un d'extérieur à eux ne pourrait pas l'affirmer, mais Pete n'est pas n'importe qui. Il les a suffisamment côtoyés pour noter les subtiles différences : ils sourient davantage, sont plus détendus, paraissent plus ouverts ... Les années leur ont été bénéfique, c'est certain. Surtout à Michael.

Pete déglutit. Depuis quand son ancien leader est-il aussi beau ? Oh, depuis un moment, c'est sûr. Mais il l'est devenu encore plus en quatre ans. Beau, viril, mystérieux. Un pur gothique, d'une classe inégalable, au regard envoutant, à l'aura intimidante. Pete l'a toujours admiré : c'était son model autrefois.

« Pete, ça fait longtemps. »

Même sa voix le rend dingue. Tout en Michael l'a toujours rendu dingue. Il aurait tout donné pour lui, pour lui ressembler, pour le satisfaire. Mais arrive le moment où il faut cesser de se berner d'illusions :

« Effectivement. » répond-t-il.

Pete n'a pas l'intention de développer ou de poursuivre la conversation. En soi, ce comportement n'est pas très différent de celui qu'il avait enfant. Sauf que ce comportement était destiné aux conformistes, pas à eux.

« Depuis quand tu traines avec Tucker ? » interroge Firkle dont les sourcils se sont froncés.

Le rouge hausse les épaules. Il n'a pas envie de parler. Cela agace le plus jeune qui commence à s'énerver :

« On ne sait pas vu depuis quatre ans. Tu pourrais faire un effort ! »

Pete le regarde et paraît s'agacer :

« Pourquoi ? On a plus rien à voir ensemble. »

Puis il se détourne d'eux et se dirige vers Craig qu'il a enfin repéré, laissant derrière lui trois gothiques stupéfaits.

« Alors, tu t'es calmé ? » demande le rouge lorsqu'il rejoint l'ébène.

L'autre grogne et attrape une bière sans lui jeter un regard. Il semble soucieux, et Pete est sceptique :

« Qu'est-ce que t'a encore ?
_ Comment ça encore ?

_ Je te vois faire la gueule depuis que je suis arrivé. C'est plutôt mon rôle habituellement. »

Craig ne dit rien pendant quelques minutes. Il prend une gorgée de bière, souffle, puis jette un coup d'œil derrière lui. Thelman suit son regard et aperçoit alors Tweek Tweek, assit sur l'un des canapés avec Kevin et Clyde. Long soupir :

« Tu veux parler à ton ex mais t'ose pas de peur de sa réaction ? C'est tellement conformiste.
_ La ferme. Comment ça c'est passé pour toi d'ailleurs ? Michael et les deux autres avaient l'air choqué de ta venue.
_ Ça s'est passé comme je le pensais. »

Tucker l'observe. Il n'a pas à demandé plus de détails : il sait déjà comment ça a tourné. Ainsi, il décide simplement de changer de sujet tout en s'accoudant nonchalamment à la table :

« Donc, le concert à été annulé ?
_ Mm. Engueulade entre Abigaël et Maxime. »

Craig s'étonne :

« Sérieusement ?
_ Tu t'attendais à ce que je sois impliqué ?
_ Ouai. Comme d'habitude.
_ Ben je le suis.
_ ... T'a couché avec Abi et Max l'a découvert ?
_ J'ai couché avec Max et Abi l'a découvert. »

Silence, les deux garçons regardent les autres invités s'agiter. L'ébène finit par demander :

« Bon coup ?
_ J'ai connu mieux.
_ T'est viré du groupe ?
_ Aucune idée. »

Ils se jettent un coup d'œil et finissent par trinquer, un sourire amusé aux lèvres :

« A cette soirée merdique.
_ Yep. »

La musique s'interrompt subitement. Tous hausse un sourcil et se tourne vers les enceintes, pour apercevoir Wendy et Cartman qui semblent particulièrement fiers de leur effet :

« Bonsoir tout le monde ! commence Wendy. Je vois que l'ambiance n'est pas au beau fixe alors j'ai décidé d'y remédier ! En mémoire à notre enfance, je vous propose de faire une action/vérité ! »

Des cris fussent, certains sont joyeux et d'autres outrés. Éric intervient :

« T'façons c'est la soirée de Wendy donc vous avez pas à l'ouvrir les cons ! »

Beaucoup aimerait lui répondre, mais pour une fois il n'a pas tord : c'est à l'hôte de décider du programme. Toute fière, Wendy déclare donc :

« Installez vous confortablement, nous allons commencé ! Et interdiction de refuser ! Sauf pour ceux qui sont déjà KO évidemment ! »

Kenny et Token reviennent dans la pièce à ce moment là. Ils ne sont pas contre ce jeu et rejoignent Tweek et Clyde dans la canapé tandis que Kevin s'éclipse de la soirée.

Stan part rejoindre les gothiques dans le second canapé, sous le regard inquiet de Kyle qui ne va pourtant pas le rejoindre. Le roux préfère s'approcher de Cartman tout en restant à proximité de Craig. Ce dernier ne bouge pas du buffet avec Pete.

Butters les rejoint pour prendre un jus de fruit puis, ne sachant trop où s'installer, il reste à côté de Tucker et attend le début du jeu. Les derniers invités s'installent, Wendy s'assoit avec Heidi et Bébé. Le jeu va commencer, et certains savent déjà quelles questions ils vont poser.