Alexandre a une voix si rassurante qu'on voudrait tout lui confier. Seulement, en ce qui me concerne, je n'en savais pas assez, à moins d'inventer...ce dont je suis incapable.

Beau et bon, voilà comment je le caractériserais. Et puis un sourire plein de charme.

- Docteur Roche aimerait qu'on découvre qui vous êtes. Nous allons donc partir ensemble et fouiller vos souvenirs.

- Partir où ? je m'enquis.

- Amusé, Alexandre me répond : mais dans votre tête jolie demoiselle.

Son sourire plein de malice me ferait rougir si cette phrase ne me hantait pas. Je lâche alors ce qui me vient :

- Difficile, à part ma phrase "maudite", je n'ai aucun autre souvenir.

- Faux ! Votre date de naissance ! En avez-vous toujours la même certitude ?

- Ooui... je balbutie

- Y a-t-il d'autres détails qui vous reviennent ?

- Nnnon, je bégaie.

- Et cette phrase ?

- « Tu me fais hérisser le poil » ?

- Oui, c'est bien celle que vous entendez quand vous dormez ?

- En fait, je l'entends dès que je suis seule, que mes yeux soient ouverts ou fermés.

- Savez-vous ce que ça pourrait vouloir dire ?

- Que j'ai « fait hérisser le poil de quelqu'un » et que cette personne ne l'a pas apprécié...

Il éclate d'un rire contenu mais amusé. J'aimerais rire aussi mais c'est à peine si je lui souris. Mon regard se perd dans le vague. La phrase repart de plus belle: « tu me fais hérisser le poil » et me martèle la tête voulant l'exploser. Je me bouche les oreilles, il remarque ma détresse et relance calmement :

- Vous disiez que la voix semblait en colère.

- Oui, un homme accusateur, très en colère... Je ne sais pas ce que j'ai pu lui faire mais sa voix me terrorise.

- Autre chose ? Un regard ? Un visage ? Un numéro ?

- Un numéro, pourquoi ? je l'interroge.

- Vous aviez bien en tête votre date de naissance et pourquoi pas un numéro de téléphone, de sécurité sociale...

- Je ne sais pas. Il y a bien des chiffres dans ma tête mais je ne les explique pas.

- Je vais vous aider. Prenez. me dit-il en me tendant un petit calepin.

- Qu'est-ce ?

- Que voyez-vous ?

- C'est un bloc-notes ? Pourquoi ?

- Vous y noterez tout ce qui vous passera par la tête... des nombres, des noms, des lieux... tout, même les détails les plus insignifiants. Et nous en reparlerons demain... Ça nous aidera à y voir plus clair et donc à avancer.

- Et si je ne note que ma phrase fantôme ?

- Notez-la et notez le reste aussi.

- A vos ordres ! je m'écrie.

- Je vais même en noter un pour vous. conclut-il amusé.

- Lequel ?

- 2 76 10... A vous de me noter la suite. Qu'en pensez-vous ?

- Là, je n'en pense rien. Je suis plutôt médusée.

- Je ne suis aucunement là pour vous effrayer. Ce sont les premiers chiffres de votre numéro de sécurité sociale. Si vous trouvez la suite, nous saurons alors qui vous êtes.

- Ah, je vois. Je verrai alors ce que je pourrais en faire.

- Par ailleurs, cette phrase que vous entendez, il faudrait que vous appreniez à la domestiquer.

- Comment ça marche ? je m'exclame.

- Nous allons travailler dessus. Pour l'instant, je vous demande de tout notifier dans ce carnet. Vous répertorierez aussi ses fréquences et les conditions de son apparition.

- A vos ordres.

Je lui souris tout en faisant le salut militaire.

- Rompez soldat.

Un fou rire me prend qui ne le laisse vraisemblablement pas indifférent.

- Il est déjà midi. Je vais devoir vous laisser. A demain. dit-il avec ce sourire de pub pour dentifrice blancheur.

- A demain. Bonne journée.

Après l'éclat de rire, ma voix semblait si triste.

Ne voulant pas me laisser dans ces pensées mornes, il m'adresse un salut militaire avant de sortir. Il le fait suivre d'un clin d'œil.

Pourquoi ? je ne le sais pas...

Qui suis-je ?

À peine le beau psy sorti que cette question sur mon identité revient me hanter. Pourquoi vouloir me rappler qui je suis si c'est pour mieux me perdre ensuite dans ma rengaine maudite. Et puis à bien y réfléchir, je ne sais vraiment plus rien de rien... je sais encore moins ce dont j'ai envie. Une chose est certaine, ces séances avec mon psy sont beaucoup trop courtes à mon sens. Je comprends alors que je commence à m'attacher à cet homme qui plaît. Je devrais peut-être me méfier davantage sinon je risque d'en souffrir. Mais devrais-je déjà m'en inquiéter ?

Je ne sais pas.

Ça m'épuise tout ça...

Mais qui suis-je ?