La surprise passée, nous profitons pleinement de cet anniversaire. Je suis très heureuse de constater qu'Alexandre plaît à tous. Son aisance naturelle attire à lui toutes les conversations. Pour ma part, j'essaie de profiter de la petite Thérèse. Elle a à peine quelques semaines mais est déjà très éveillée. Laura me demande des conseils sur l'organisation du baptême. Elle semble me faire réellement confiance. J'ai l'impression d'être en présence de la petite sœur que je n'ai jamais eue. C'est un rôle qui me plaît : Comme une mamma à l'italienne, j'aime contrôler mon monde. C'est d'ailleurs pour ça que je peux comprendre la réaction de la grand-mère d'Alexandre. Elle a toutefois profité de ma crédulité à un moment de grande faiblesse. J'avoue que je ne sais pas quoi penser d'elle mais je ne souhaite pas entrer dans son jeu. Être celle qui saura le mieux manipuler son petit-fils n'est pas pour moi. Il est assez grand pour savoir ce dont il a besoin et qui il choisit d'aimer. Jusqu'à présent il semble préférer mon amour et se désintéresser de l'avis de sa Mamma. Ce n'est pas moi qui vais me plaindre.

- Elle est vraiment gracieuse, souligne Alexandre en regardant Thérèse.

- Oui, elle l'est vraiment, je lui réponds avec le sourire.

- Ça ne te donnerait pas envie de pouponner ?

Voilà une question pleine de sous-entendus. À quoi pense-t-il avec cette question ? Est-il en train de nous imaginer parents ? Je ne relève pas mais continue ma conversation avec Laura. Alexandre quant à lui est interpellé par Max qui voudrait lui montrer ses derniers travaux sur la sociologie des personnages de Minecraft.

- Je n'ai pas pu m'empêcher d'entendre la question d'Alexandre, me fait remarquer Sébastien.

- Oui, je l'ai entendue aussi mais ce n'est pas le moment d'en parler, je l'interromps.

- Tu devrais quand même en parler avec lui. Ce n'est pas sain quand dans un couple chacun a des aspirations différentes.

- Jusque-là je ne m'en étais pas rendue compte mais je comprends mieux sa tristesse des derniers temps...

Le retour des garçons coupe court à la conversation. De toute façon j'étais mal à l'aise d'en parler avec Sébastien plutôt qu'avec Alexandre... c'était comme s'il sondait mon intérêt pour cette relation. Alexandre vient s'assoir à côté de moi tout en m'attirant sur ses genoux. Je ne suis pas très à l'aise avec l'idée mais je me laisse faire. Je lui dois bien ça après tout. Éléa en profite pour nous prendre en photo. La photo est très réussie avec moi sur les genoux d'Alexandre portant Thérèse dans les bras. Ça donne de nous l'image d'une jolie famille ce qui semble mettre Alexandre d'excellente humeur.

Le moment de souffler les bougies arrive. Tout le monde chante le fameux « Joyeux Anniversaire » en français, anglais et en italien. Je ne l'avais pas encore remarqué mais Alexandre a une très belle voix. Pour ma part c'est silence radio car je ne sais pas chanter. Je n'ai jamais eu le sens de la musicalité ce qui m'a toujours peiné. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir pris des cours de solfège et de chant. Mes parents avaient même pris l'habitude de me dire « si tu veux chanter attends qu'on ait besoin de neige... » Ça faisait rire tout le monde sauf moi bien sûr. Avec les années j'ai appris à me taire et aussi à ne pas danser car c'est toute la musique que mon cerveau ne comprend pas. Je ne sais d'ailleurs pas applaudir en rythme non plus et c'est pour ça qu'on ne me voit jamais applaudir. C'est affligeant d'être à ce point dépourvue de rythme, même avec les années on ne s'y fait pas.

Le gâteau de Laura est excellent, j'en prends un petit bout pour goûter mais j'aurais aimé en manger plus. Je lui demande tout de même sa recette car j'ose penser pouvoir bientôt mieux manger. Ça semble lui plaire et elle s'empresse de me la copier.

C'est l'heure de la remise des cadeaux. Max a demandé de l'argent car il aimerait se payer un scooter pour ne plus avoir à prendre les transports en commun. Il souffre de la promiscuité. Même si son autisme est moins visible qu'il n'a pu l'être, il reste très gêné par les bruits et par la présence de la foule. Je le comprends d'ailleurs tout à fait. Les bains de foules m'ont toujours angoissée. En plus de l'enveloppe, je lui tends une clé. Il est surpris car ne comprend pas ce que ça veut dire.

- Je le lui explique : « Papa et moi avons pensé que tu serais plus tranquille si tu vivais plutôt chez moi qu'ici avec les pleurs du bébé. »

- Oui j'aimerais beaucoup, me répond-il, mais qui va m'aider quand tu seras à nouveau à Paris ?

- Moi, gros bêta, lui rétorque Éléa amusée.

Max semble satisfait de la réponse. Depuis ma maladie, Éléa est devenue l'aide indispensable de son frère. Ils se comprennent sans même se parler. C'est elle qui m'a suggéré l'idée de proposer à Sébastien de les laisser prendre leur envol sans partir trop loin du nid pour autant...Elle a aussi besoin de changer d'air et se rapprocher de la ville et de sa fac. Ça fera aussi beaucoup de bien à Laura et à Sébastien de se découvrir autrement qu'en présence de jeunes adultes sous leur toit. Seul Alexandre semble ne pas trop apprécier cette idée, sans doute parce que je ne l'ai pas consulté avant. Et puis ce n'est pas comme si nous vivions ensemble... J'aurais aimé que mes enfants me rejoignent rapidement dans l'appartement. Malheureusement j'ai dû me résoudre à l'idée de les laisser préparer tranquillement leurs affaires pendant que moi j'arrangerai convenablement les chambres pour les recevoir. Cela me fait penser que je ne sais même pas à quoi elles ressemblent ; ce n'est donc pas une si mauvaise idée de décaler leur venue à vendredi prochain. Ça me laissera plus de temps pour acheter ce qui manque.

- Comment feront-ils pour subvenir à leurs besoins seuls ? s'inquiète leur père.

- J'ai prévu de leur allouer une somme de mille euros par mois chacun, je lui rétorque. De plus ils n'auront pas de loyer à payer, ni de charges.

- Et toi, comment feras-tu pour vivre décemment ? me demande Alexandre surpris.

- Roy New Tech m'a offert un poste à responsabilité, avec logement de fonction. Le salaire y est suffisamment conséquent pour que ces deux mille euros ne me posent pas de problème. Et puis mes frais sont très limités : à part mes tailleurs gris et un peu de nourriture j'ai très peu d'autres dépenses. J'ai signé juste avant de venir.

- Oh ! Félicitations maman, c'est génial, s'exclament en chœur mes enfants.

- Merci mes chéris. J'en suis ravie aussi.