Les gens ont peur de la nuit.
Je dis ❝ les gens ❞ comme s'il s'agissait d'une ethnie étrangère mais je crois que quelque part un désir honteux me pousse à imiter leurs faits et gestes, à tenter de comprendre leurs moeurs irrationnelles, à vouloir, moi aussi, sourire à en avoir des crampes aux joues, à hurler à en perdre la voix, à courir à s'en brûler les cuisses.

Moi, j'aime bien la nuit.

Son voile ébène dissimulant ses milliers d'iris chatoyantes, sa bague tâchetée à la clarté blafarde, comme pour nous guérir de la solitude.

La nuit n'est pas impétueuse comme sa soeur, ne dévoile pas ostensiblement ses émotions, non, elle n'aime pas se dévoiler ; intriguante, mystérieuse, elle se contente de nous couver avec un amour maternel, elle veut nous comprendre ; mais nous nous contentons de la fuir avec une crainte démesurée, préférant la lueur éblouissante et limpide du domicile à la quiétude indéchiffrable de l'obscurité timorée. 

La nuit est si complexe ; et personne n'aime la complexité. La nuit est imprévue ; lorsque nous divaguons entre les rues embrumées et silencieuse, c'est la tête emplie de doutes et d'incertitudes. Ce n'est pas tant la nuit que l'on craint, ce sont les gens ; les objets ; les lieux si souvent côtoyés nous paraissent convalescents et semblent nous toiser avec dédain, éveillant par la même occasion des souvenirs peu plaisants enfouis au plus profond de notre âme, grognant dans des abîmes qu'on croyait trop éloignés pour un jour les recroiser.

Pourtant, la nuit n'est pas responsable de tant de mépris ; c'est la nature humaine qui a façonné cette image peu flatteuse, qui ne lui correspondait pas.

Mais il est trop tard pour réparer ces torts.