Prologue 👺
L'odeur des vieux livres, du bois de chêne des tables, des étagères et des chaises ; les ouvrages anciens aux contes les plus enfantins ; les rayons de Lune traversant les vitraux pour y déposer de belles couleurs sur ma peau. Ce vieux tableau provient de mon endroit favori, celui où je me retrouve chaque soir, depuis un an, pour m'évader et m'enivrer de ce parfum pareil à nul autre.
Les yeux clos, mon esprit se balade entre ces allées que j'ai mémorisées. Assis sur ma chaise, mon corps s'affaisse et s'efface devant une paperasse. Paperasse disposée soigneusement sur la table de cèdre, ni faite ni à faire. Tout cela ne m'intéresse pas. Il est bien plus jouissif de se laisser là, transporter.
Soudain, au loin, ce bruit si familier atteint mes oreilles. Le chariot rempli de babioles et de livres en tout genre se rapproche. Il arrive.
Il est dans l'allée, je le sens. Les yeux toujours fermés, son odeur enivrante mélangée à celle des livres vient titiller mes sens.
Mes paupières s'ouvrent.
Le jeune libraire à la gestuelle gracieuse dépose chaque bouquin à sa place. Ses cheveux bruns tirant sur le roux lui tombent devant les yeux et viennent épouser parfaitement ses traits fins. Un collier noir où pend un petit cadenas enserre son cou, il ouvre sur une chemise blanche légèrement déboutonnée et froissée. Mes prunelles se baladent sur sa silhouette élancée et finissent leur course sur son chariot bientôt vide pour cet emplacement. Il va passer à la prochaine rangée, s'éloigner et cette soirée s'achèvera.
Le dernier livre posé, il reprend son chariot d'une main délicate et à mon plus grand étonnement se dirige vers moi.
Mes pupilles s'agrandissent, laissent entrevoir l'affolement dans mon esprit. Tout ce temps, où je l'ai regardé de loin, intrigué ; il n'a jamais pris ce chemin. Habituellement, sa silhouette disparaît derrière les étagères tel un fantôme, irréel, mais aujourd'hui tout est différent.
Sa tête se relève et nos regards plongent l'un dans l'autre, se noient dans les trépas de notre âme. Le cliquetis du chariot s'arrête, nos respirations se coupent. Les flammes crépitantes des bougies sont les seules qui continuent de flotter dans l'espace-temps, détachant les formes de nos corps sur les hautes étagères.
C'est la première fois qu'il est aussi près. Une sensation électrique passe au bout de mes doigts et se déroule le long de ma colonne pour terminer aux bouts de mes orteils et à la racine de mes cheveux. Son parfum envahit de plus en plus mes sens tandis que ses yeux bruns clairs et vifs m'ensorcellent. Mes membres se tendent, prêts à bondir pour le marquer.
Le marquer ? Mon manque de retenue me surprend. Cependant, ma mémoire réussit à recoller les morceaux un à un.
Pendant un an, ce jeune homme m'a intrigué. Il entretenait cette distance avec le monde et ne laissait personne forcer ses barrières. Dans l'espoir qu'il me remarque, mes notes ont augmenté pour atteindre la première place de l'université. Toutes ces soirées où mes pensées ont dérivé sur lui, où mes fantasmes les plus honteux se sont exaucés sous mes draps ; ce petit libraire détesté de tous fait vibrer mon corps d'un désir insatiable. Tout cela parce que je suis devenu accroc à ses gestes précis lorsqu'il range les livres, à sa patience, à sa méticulosité, à son corps mince, à son air parfois rêveur ou concentré, à son odeur tentatrice ...
Malgré ma forte attirance envers lui, je n'ai jamais osé aller lui parler ni même l'approcher.
Cette personne que j'ai observée à la bibliothèque d'un œil distrait au-dessus de mes pages ; à la même heure, à la même place ; va devenir encore plus obsédante car maintenant qu'elle est toute proche, je sais. Je sais que je vais devoir passer à l'action, lui parler.
La force et le courage articulent ainsi mon corps. La détermination irradie de mon être. Je dois faire bouger les choses car ce jeune homme à quelques mètres de moi est mon âme sœur. Cependant, l'appréhension se loge dans un coin de ma tête à cette dangereuse constatation : il est un vampire et je suis un loup.
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