7| Tâches 👺
Kim Taehyung
Mes articulations se dénouent et craquent bruyamment. Cette journée de cours est épuisante et elle est loin d'être terminée. Ce soir, les directeurs de gestion sont chargés de récupérer toutes les propositions des élèves pour le festival et choisir les meilleures d'entre elles en fonction : du coût, des bâtiments, des produits, de l'âge des visiteurs et de l'espace. La soirée s'annonce longue, néanmoins, passer du temps avec Yoongi me paraît beaucoup moins pénible qu'auparavant.
Le professeur me fait signe de venir au tableau pour présenter le planning quelques minutes avant la fin du cours. Je déglutis, la gorge sèche, et me rends sur l'estrade. A chacun de mes pas, mon estomac se noue un peu plus et mes mains deviennent moites. Des centaines de paires d'yeux suivent ma démarche. Je me place devant le bureau et tape dessus, les murmures se dispersent en un instant et me laissent la parole.
« J'ai une information très importante à faire passer et je ne la répéterai pas deux fois. » Commencé-je un peu trop autoritaire, je me retape vite sur un ton plus posé. « Vous déposerez toutes vos propositions pour le festival sur le bureau. Tout est à prendre. Demain, Yoongi et moi transmettrons aux coordinateurs celles que nous avons relevées. Vous serez donc mis au courant du programme dès demain après-midi. »
La sonnerie résonne pile à la fin de mon discours. Les étudiants passent devant moi sans me jeter un regard, ils déposent les uns après les autres leurs propositions, créant une pile vertigineuse. Bonjour, les heures supplémentaires...
J'attends les derniers papiers, impatient, et distingue alors quelques mots cruels discutés dans mon dos. Ma joie s'évanouit.
« T'as entendu ? Il l'a appelé « Yoongi » il se prend pour son pote ? » Dit une fille à son amie, sa langue claque contre son palais comme celle d'une vipère.
– Impossible, Yoongi est beaucoup trop bien pour lui... »
Mon cœur se sert en entendant cette réponse. Je les fixe d'un air grave, la colère masque la tristesse qui se diffuse dans ma poitrine comme un poison mortel. Elles remarquent aussitôt mon regard noir et déguerpissent de la salle, affolées. Leurs présences s'éloignent et mes épaules s'affaissent. Leurs remarques ont engourdi mon cœur. J'empoigne la pile de papiers, ma détermination envolée, et me dirige vers le bâtiment administratif d'un pas las. La brise fraiche me remet les idées en place mais elle ne panse pas mes plaies.
J'arrive devant la salle que m'a indiquée Yoongi, et fais coulisser la porte à l'aide de mon pied. Son odeur tournoie autour de moi et agit comme un remède à mes maux. On me pique alors une partie des prospectus, deux mains cotonneuses empoignent le haut du paquet et dévoilent un visage doux. Mon regard se perd dans le sien, se fait engloutir dans un ouragan d'émotions. Son sourire en coin étire la commissure de mes lèvres.
« Ravi de te revoir Tae. »
Son air taquin m'interpelle. Nous déposons les feuilles et je le regarde faire, à la fois intrigué et admiratif de cette confiance, ce charisme qui irradient de lui.
« Tae ? » L'interrogé-je, détendu.
« Ouais, j'aime bien ... »
Je ris en voyant sa mine espiègle, mon sourire rectangulaire s'agrandit. Je me sens bien avec lui.
« Moi aussi ! Bon on s'y met ? On a la masse de travail ! »
Je deviens vite gêné par le bien-être que me procure sa présence, ses actions. Un simple surnom et m'en voilà heureux. Faut que je me calme. Je m'installe ainsi à une chaise, raide comme un piquet, Yoongi fait de même, assis de l'autre côté de la table. Il avance un peu sa chaise, nos genoux se frôlent. Je me racle la gorge, notre proximité m'embarrasse. Je baisse les yeux sur nos genoux mais m'en détourne aussitôt. Arrête ! Heureusement pour moi, Yoongi ne réalise pas ma gêne et débute nos recherches en empoignant la première feuille d'un paquet. Je l'imite.
« Test de courage dans la forêt derrière l'école avec fantômes, zombies etc ... » Lit-il.
« Il veut pas qu'on fasse des fées, des trolls et des Gobelins aussi ? » Ironisé-je.
Il pouffe, « toi en fée, ce serait pas mal ... »
Je lui donne une petite tape sur la tête, sans pour autant relever les yeux de mon prospectus. Il ne l'a pas volée celle-là.
« Idiot. »
Ma remarque lui décoche un rire, cette chaleur agréable se diffuse à nouveau dans mon corps. J'aime la façon dont ses yeux se plissent et laissent entrevoir un autre monde, un sujet que je ne détiens pas. L'envie de le connaitre me traverse l'esprit, une pensée fugace, une idée que l'on me prête, à laquelle j'hésite et m'accroche.
Les heures défilent ainsi, notre fougue enflamme les débats et notre concentration s'émiette. Nous finissons trois piles de prospectus en deux heures, cette activité intense fait disjoncter mon cerveau. Ma raison se fait la malle, ma joie enfantine entre en scène.
« Regarde celle-là ! Pirates des Caraïbes ! » M'écrié-je.
Pris d'une soudaine pulsion, mon corps grimpe sur la table, le poing brandit en l'air.
« Je serais le capitaine Jack Sparrow ! » Crié-je à plein poumon, sautant de table en table. « J'aborderai chaque navire qui me feront face et dépouillerai les riches ! » Je pointe alors mon épée virtuelle vers Yoongi. « Regardez un petit bourgeois ! »
Je reviens vers lui à toute vitesse, escaladant les tables et les chaises. Yoongi explose de rire, un son mélodieux. Il se met à son tour entre deux tables avec habilité et brandit une épée invisible vers moi, se prenant au jeu.
« En garde ! »
Il affiche une fausse mine de défi qui me divertit. Il s'élance vers moi d'un seul coup et entame un duel endiablé où nos éclats de rire font écho à celles de nos lames imaginaires. Nous descendons alors des tables et entamons une bataille de pouces pour décider qui de nous deux dirigerait le Black Pearl. Cette sensation de légèreté, de bien-être, de liberté... depuis combien de temps ne l'avais-je pas ressentie ?
« Tu es beau quand tu souris ... » Murmure Yoongi.
Mon cœur rate un battement, sa phrase tourne dans ma tête. Je ralentis peu à peu mes mouvements jusqu'à m'arrêter face à lui. Mes yeux exorbités tentent de déceler une once de moquerie sur ce visage impassible. Il me désarme. A la fois heureux et troublé par ce compliment, je sens un sourire me démanger, tout comme mes joues s'enflammer et baisse de suite la tête pour les cacher.
« Tu rigoles j'espère ? J'ai un sourire rectangulaire c'est bizarre... » Dis-je gêné.
Il se rapproche encore de moi, sa main passe sous mon menton et dévoile une autre facette, vulnérable et émue. Il prend mon visage en coupe et écarte soudain la commissure de mes lèvres avec ses pouces, me faisant faire une grimace.
« Arrête de douter de toi... » Me dit-il, en examinant mes traits.
Jamais personne ne m'a dit une chose aussi clairement, un propos simple et concis, pourtant c'est comme si on m'avait remué le cerveau et imploser mes émotions dans mon estomac. Je reste paralysé, son toucher, sa chaleur et son sourire me transcendent. Il enlève ainsi ses mains et apaise le chaos délicieux qui se précipite en moi.
« Bon on s'y remet ? On a bientôt fini ! »
« J-je te suis ! » Balbutié-je décontenancé.
Je hoche la tête et saisis une autre feuille avec hésitation, encore bloqué sur ces mots précédents...
•••
Nous avons enfin fini, fier des idées que nous avons gardées : un cosplay café, un café français, des stands de nourriture divers, deux stands de tir à la carabine, une pêche au canard pour les enfants, un jeu de parcours, un test de courage le soir et bien d'autres choses encore. Yoongi étire son corps de tout son long sur la chaise, il relève légèrement le bas de son tee-shirt et laisse apparaître son abdomen. Je fais mine de n'avoir rien vu, ignorant ces pulsions qui me guettent.
« Au fait Tae, j'aimerais bien soumettre une idée au directeur ... » Dit soudain Yoongi.
Je relève mon regard sur lui, un sourcil arqué.
« Tu voudrais faire quoi ? »
Ses traits se tirent en une moue songeuse, un stylo coincé entre les lèvres. Mes pupilles louchent sur sa langue qui s'y emmêle, rose et tentatrice. Ma salive a du mal à circuler. Ses yeux s'accrochent alors aux miens, je réalise trop tard qu'il m'a surpris en train de fixer ses lèvres. Je déglutis doucement, un rictus amusé éclot sur sa bouche. Il se redresse et se rapproche de moi, les coudes posés sur le bureau. Son parfum s'engouffre dans mes narines, un énième frisson me parcourt l'échine.
« Tae ... Ça te dirait un séminaire à la montagne ? Histoire de rapprocher les personnes qui organisent le festival ? »
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