Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

57| Nouveau départ (1/3)

Je peux vous dire que de tous les chapitres que j'ai pus écrire depuis le début de RI, celui-ci m'a demandé vaaaaachement plus de temps. C'était compliqué. Désolée si vous avez dû attendre aussi longtemps !

Vraiment, défoulez-vous dans les commentaires !! N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez. Positif, négatif, je prends tout !

Ame_futuriste xx


Min Chonay

Habité par la foule, c'est elle qui m'entraîne. Je marche à travers ces âmes pressées, la capuche rabattue, les yeux rivés sur le bitume craquelé. L'allée piétonne se déroule sous mes pieds, striée d'hésitation et de bousculades. Costards, tailleurs, talons, uniformes. Toute une population se retrouve après les heures de travail. Les buildings, dont les publicités de façade dégoulinent jusqu'aux trottoirs, habillent l'horizon flamboyant. Dans le ciel, des teintes chaudes avoisinent le croissant de lune, annonçant ce début de soirée.

Je me laisse ainsi porter par les vagues de passants me laissant vaciller d'une rive à une autre. Mon identité masquée, personne ne retient mon passage. Comme un fantôme que l'on a trop tôt oublié. Insaisissable.

Un immeuble gigantesque se dresse devant moi. Je m'arrête. L'air gratifie mes poumons. J'attends devant, juste un instant. Les piétons me contournent et continuent leur route, râlent et rient, accélèrent et ralentissent. J'écoute le bruit de leur pas, animant la rumeur de la ville, et crains que celle-ci ne m'engloutisse. Je rêvasse. Puis, je rouvre les yeux, sans avoir pris conscience de les avoir fermés. Je me tourne alors vers un grand panneau numérique d'où échappe une annonce. Un titre. Toujours le même, depuis deux semaines maintenant.

« L'assaut de la base du GM à Séoul par le clan Min. »

Un titre à glacer le sang. Tant il paraît inconcevable et, pourtant, j'en suis l'unique responsable. Des personnes s'arrêtent pour regarder l'écran, elles débattent une nouvelle fois de ce qu'elles entendent. Tous attendent la vérité. Je baisse alors la tête, voile davantage mon visage et pénètre les entrailles d'un immeuble désaffecté. Les portes automatiques s'ouvrent sur mon passage grâce au badge dans ma poche. Les bruits de la ville s'engouffrent à ma suite et disparaissent dans les entortillements de l'immense bâtisse.

À l'intérieur, tout y est mort. L'odeur de renfermé me saisit. Les employés ont déserté l'entreprise depuis deux semaines déjà, la poussière s'entasse sur le comptoir en marbre, la crasse s'éparpille sur le sol.

J'enlève ma capuche et révèle aux ténèbres de ce lieu, les cernes noirs qui creusent à présent mes traits. Je m'avance au centre de la pièce, relève la tête vers le plafond et m'imprègne de l'atmosphère singulière de ce bâtiment. J'essaie d'imaginer l'effervescence qui y résidait, les centaines de pas qui résonnaient à travers cet hall gigantesque et répondaient aux touches des claviers. Mon soupir fend le silence austère. Je me remets ainsi à marcher et laisse mes pensées s'égarer dans l'obscurité.

Lorsque nous avons livré la bataille dans la base du gouvernement mondial, j'ai dû poursuivre l'inspecteur Jung pour qu'il ne s'enfuisse pas mais j'ai dû abandonner en chemin. Trop de personnes me recherchaient. Il devenait impossible de le poursuivre dans de telles conditions. J'ai fini par me cacher dans les tréfonds du GM, à l'abri des patrouilles. L'inspecteur Hyun m'a beaucoup aidé. Il me faisait changer de hangars chaque jour et a diffusé les vidéos de caméras de surveillance à la presse. Une demande personnelle de ma part, qui aujourd'hui peut jouer en notre faveur.

L'inspecteur Hyun s'est fait néanmoins capturer. J'ai dû ainsi m'évader par mes propres moyens. Pendant que je remontais à la surface, quelques discussions me sont également parvenues. Des informations que j'aurais voulues ne jamais connaître. Yoongi s'était fait tirer dessus par l'un des gardes et Jungkook avait été attrapé et mis en prison. Je ne faillis pas m'en relever.

C'est Hyunseok qui est venu me sortir de là. Cinq jours à croupir dans les cales du GM, il m'a secouru. Il m'a récupéré à la sortie et m'a ramené à la demeure. Il ne m'a pas tenu pour responsable de ce qui était arrivé à son fils. Il ne s'est jamais énervé, il ne m'a jamais prononcé le moindre regret. Ce comportement digne n'a fait que grignoter peu à peu ma conscience et les regrets se sont entassés.

Hyunseok m'a donné rendez-vous aujourd'hui dans son ancienne entreprise. Depuis le scandale, lui aussi a tout perdu.

J'arpente ainsi le premier étage, où tout au fond du couloir, une porte me guette. Un pressentiment guide mes actions, intimement persuadé de la direction à prendre. Je me poste devant cette porte et l'ouvre avec prudence.

Une grande salle se présente à moi. Les meubles sont dénués de dossiers ou d'ouvrages. La police a tout récupéré. Elle recherchait un quelconque indice qui pourrait les éclairer sur la situation, seulement, elle ne trouva rien. Je m'avance vers la bibliothèque au fond de la pièce, face à l'entrée. Mes doigts épousent son bois lustré, avant de toquer cinq fois sur une des parois creuses. Le sol se met à trembler sous mes pieds. Je me recule, surpris, et regarde le meuble s'ouvrir en un bruit tonitruant, révélant derrière un ascenseur. La porte de la bibliothèque se referme dès que je monte dedans.

Il se met à bouger, m'arrachant un sursaut, et descend en profondeur. Au bout d'une minute, les portes s'ouvrent devant moi. Une salle gigantesque s'étend sous mes yeux ébahis. Un second bureau, d'innombrables ordinateurs, des gadgets à chaque recoin, des armes à feu en vitrine, des photos épinglées à divers tableaux d'enquête, des évidences tout autour de moi. Hyunseok effectue ses recherches ici.

Mes prunelles miroitent sur les côtés, découvrent ce lieu mystérieux. On se croirait débarquer tout droit d'un film de science fiction. Hyunseok m'observe déambuler, guette la moindre de mes réactions. Mon masque froid tombe avec lui, le mensonge et les manières n'existent plus. Cet homme et moi avions bien plus en commun que je ne le pensais, je ne vois plus d'utilité à lui cacher mes doutes.

Mes doigts effleurent une arme à feu très rare, que peu de personnes ont en leur possession, exposée sur une commode.

« Sacrées armes... une véritable collection. » Murmuré-je.

« J'ai toujours été attirée par elles... » Me répond-il, le bruit d'un liquide fait écho à sa réponse. « ...pourtant je n'ai jamais aimé m'en servir. »

Je me tourne vers lui et le regarde remplir deux verres de soju. Je m'approche, les sourcils froncés, soudain intrigué par les pensées qui l'animent. Pourquoi Hyunseok m'a demandé de le rejoindre ici ? Nous n'avions pas besoin de nous retrouver en ce lieu pour développer nos idées mais il voulait que je découvre cet endroit. Pour être à égalité ? Découvrir nos secrets et s'attribuer une confiance mutuelle ? Cette hypothèse me forge un mince sourire puisqu'elle ne me parait point inconcevable.

Son regard profond accroche le mien, et du dos de sa main, il pousse la tasse de soju en ma direction. Je ne l'attrape pas, ne dévie pas mes yeux pour autant.

« Vous savez que le temps nous est compté n'est-ce pas ? » Lui dis-je avec sérieux.

Hyunseok qui s'apprêtait à boire, s'arrête, et la repose dans le creux de sa main. Son regard se heurte à mon esprit traversé de conflits. Il hoche simplement la tête avant de remettre la tasse sur son bureau, il se dédie à cette conversation qu'il comprend bien plus complexe.

« Oui. Si le gouvernement ne fait rien, c'est grâce au réseau. » Me répond-il sur le même ton.

Je commence à me déplacer dans la pièce, touche certains objets pour me distraire et repousser un peu plus chaque seconde.

« Ils ont peur de ce que nous pouvons faire mais ils ne vont pas tarder à bouger. » Commencé-je, plongé au cœur du sujet. « Deux semaines me paraissent être leur limite. Ils nous laissent cette « liberté » pour faire bouillir l'impatience de la population. Tout ceci est à leur avantage, ils nous font passer pour les criminels. »

Mes propos tracassent Hyunseok bien plus que je ne l'aurais pensé. Il a dû retourner le problème encore et encore dans sa tête, se sentir impuissant face à cette succession d'évènements imprévisibles. Il faut s'extraire des mains du réseau, dévoiler leurs magouilles au sein du gouvernement. Le fait d'être à la fois libre et emprisonné peut rendre fou. Ces enfoirés nous guettent et ils n'hésiteront pas à nous supprimer au moindre faux pas.

Mes prunelles calmes suivent le tapotement effréné de ses doigts sur le plan de travail. Hyunseok se montre vulnérable, impuissant face à ses doutes. Il s'agite, me jette quelques coups d'œil méfiants. De ses doutes affirmés, il essaie de braver une tempête. Le calme se fraie alors un chemin dans la houle lorsqu'il croise mon regard calme, assuré. Il reprend ainsi peu à peu ses esprits.

« Dîtes-moi votre plan si vous êtes si sûr de vous. » Finit-il par dire.

Son ton mi-amusé mi-agacé sculpte un léger rictus sur mes lèvres. Je continue ainsi sur ma lancée, prêt à dévoiler le fil de ma pensée.

« Jimin m'a dit de rallier l'opinion public à notre cause. » Songé-je. « J'ai pensé à divers moyens... et l'un me paraît être le bon. Trop simple en théorie, bien difficile en pratique. »

Je marque un arrêt, doute dans un moment pareil. Je ne devrais pourtant pas, ce plan, je l'ai revu mainte fois et mainte fois dans ses moindres détails. Il ne faut plus douter. Hyunseok perçoit mon moment d'égarement et m'incite d'un geste de la main à continuer.

« Je vous écoute. »

Son comportement m'apaise. Il me fait confiance.

« Il faut faire des vidéos et les diffuser. » Lui annoncé-je, à son grand étonnement. « Ce genre de technique est très à la mode et touchera une bonne part de la population. »

Hyunseok entrouvre la bouche, prêt à me contredire, mais je ne lui en laisse pas le temps. Mes pas s'arrêtent nets, tout mon corps pivote en sa direction. Il se retient d'énoncer sa pensée, voyant mon attitude déterminée.

« Je sais ce que vous allez me dire : ils s'attendent à ce genre de tactique... Une vidéo, ça paraît très simple et bien inutile contre eux, parce qu'ils peuvent la supprimer dès sa mise en ligne... Mais pas lorsque vous y implantez des virus. »

Son expression passe de l'étonnement à la méfiance. Il se redresse un peu plus et s'avance à son tour dans la pièce, dispersant ses humeurs tourmentées.

« Ça ne jouera pas en notre faveur... » Me dissuade-t-il.

« J'y ai pensé aussi mais il faut prendre des risques. Si le public est intéressé par le continu, la manière leur importera peu. »

Il pousse un soupir et passe une main nerveuse dans ses cheveux défaits. L'hésitation s'empare de lui ; il croise ses bras contre sa poitrine, se referme.

« Je n'en suis pas si sûr. Puis mes compétences ne peuvent pas être mises au service du piratage. Je ne suis pas un hacker. »

Je me rapproche de lui, quelques pas suffisent pour capter son attention. Je dois lui faire adhérer à mon plan, il est ma carte maîtresse. Je frappe du pied d'un coup sec et ébranle ses pensées muettes. Il soupire et croise mon regard, reflet de ma détermination implacable.

« Je sais tout cela... mais ici, si vous piratez ces vidéos, ce sera des millions de vies que vous sauverez. Ces virus viseront à désavantager le réseau, il n'y aura aucune incidence sur la population. »

Il prend appui sur un des meubles. Son regard posé dans le mien, ses pensées se heurtent à mes convictions et mes peurs. Son visage se déride au fil des secondes, il comprend alors l'étendu de ma requête, le cap que nous devons prendre. Si l'un de nous n'est pas de mise, tout est perdu. Hyunseok repasse une main dans ses cheveux avant d'acquiescer.

« Expliquez-moi tout. »

Mes muscles se détendent enfin, de l'air entre à nouveau dans mes poumons. Je réprime un sourire ravi et reprends mes quatre-cents pas sous les yeux amusés de mon acolyte.

« Il y aura trois vidéos. Deux personnes seront révélées dans chaque vidéo, avec des preuves à l'appui. » Expliqué-je.

« Vous voulez parler de celles du disque dur... du dossier 530 ? »

« Exact. » Affirmé-je. « Nous ne révélerons pas tout d'un coup. Il faut tenir le public en haleine, leur donner envie d'en connaître plus. »

Hyunseok se décolle de la table et s'avance vers moi, les sourcils froncés.

« Vous voulez les faire attendre ? N'est-ce pas un peu risqué ? Le gouvernement pourrait prendre des mesures plus sérieuses. »

« On dosera, pile ce qu'il faut. Il n'y aura pas non plus trop de jours entre les vidéos, tout doit se passer rapidement tout en les faisant patienter. Il faut déstabiliser l'ennemi. » Déclaré-je.

Hyunseok acquiesce simplement. Il marche à son tour dans la pièce. Nos pensées se côtoient et s'assemblent.

« Quels seraient vos virus ? »

J'entremêle mes mains, hésitant. Est-ce que Hyunseok en est seulement capable ? Cette question creuse un doute pesant dans mon estomac. Je débute cependant mes explications, le doute n'a pas sa place.

« Dans la première vidéo, le virus agirait lors de la suppression. Dès que la vidéo sera en ligne le gouvernement voudra la supprimer, c'est inévitable. Seulement, nous allons faire en sorte que chaque suppression permette sa duplication. »

Il se tourne en ma direction en entendant la fin de ma phrase. Les sourcils arqués, la bouche entrouverte, il ne s'attendait pas à une telle demande.

« Vous voulez que je la programme pour que sa suppression engendre sa diffusion en plusieurs fois... sur n'importe quel serveur ? »

« Je ne l'avais pas précisé... mais oui, sur n'importe quel serveur serait pour le mieux. »

Mon compagnon passe une main pensive sur sa barbe fine. Un éclair traverse ses prunelles intelligentes. Il réfléchit déjà à cette proposition, pense à la manière dont il procèdera pour coder la vidéo. Je n'ai même pas le temps d'appréhender qu'il prend sa décision.

« C'est faisable. Mais cela demandera du temps. Vous voudriez que la vidéo réapparaisse en combien de fois ? »

Un immense sourire se peint sur mes lèvres, l'adrénaline claque dans mes veines.

« Le plus que vous pouvez. »

« Je pourrais essayer en cinq fois. »

Je frappe dans mes mains comme pour sceller notre accord, décroche un post-it vierge de son bureau et griffonne la première partie de notre plan.

« Parfait. Une vidéo supprimée, cinq de retrouver. » Annoncé-je. « Ils ne se rendront pas tout de suite compte du virus. La vidéo va se propager naturellement grâce à la population, les différents pays vont ainsi essayer de la supprimer et le processus va se répéter encore et encore. »

Hyunseok hoche la tête plusieurs fois, de plus en plus convaincu par mon idée. Il m'observe coller le post-it sur une de ses étagères avant de m'interpeller.

« Il faut tourner la vidéo maintenant pour que j'ai le temps de la programmer. »

J'acquiesce et procède à un rapide examen de la salle. Là, dans un coin, un mur blanc où aucun meuble ne réside. J'enlève mon pull et dévoile un superbe costard qui apportera une touche sérieuse à la figure formelle que je compte interpréter. J'extraie alors de ma poche le disque dur que j'avais tenu contre moi pendant tout mon trajet jusqu'ici et lui tends.

« Avec cela, ce sera encore mieux. Faites-moi une vidéo qui tienne le public en haleine. »

Hyunseok m'offre un sourire entendu et attrape l'objet avec précaution. Devenant plus sûr de l'avancée de notre plan commun, il n'hésite pas à m'achever de quelques questions supplémentaires.

« Et pour les deux autres vidéos ? »

« Le public sera à l'affut de notre prochain contenu, tout comme le gouvernement. Il faut donc un virus plus puissant. » Commencé-je. « J'aimerais qu'à chaque fois qu'une personne clique sur la vidéo —quelque soit le serveur, quelque soit le pays— il faut que la vidéo se diffuse à travers tous les serveurs du pays où elle a été visionnée, comme un spam mais à puissance mondiale. Cette vidéo pourra être supprimée mais le monde aura le temps de la visionner bien assez tôt. »

Il me regarde incrédule, se demandant si j'ai perdu la tête, avant de soupirer. Hyunseok passe une main sur son visage et pince l'arrête de son nez. L'idée ne lui paraît pas concevable car trop longue à élaborer mais je ne suis pas là pour hésiter, je me dois de le pousser dans ses retranchements.

« Ce que vous me demandez est quasiment impossible. » Déclare-t-il.

« Quasiment. »

Hyunseok soupire une nouvelle fois. Il serre les poings avant de finalement relâcher un peu de pression. Il prend conscience de ma témérité, mon aura l'enserre, alors il ira jusqu'au bout.

« Il me faudrait avoir accès à tous les codes de tous les serveurs des pays du monde, ce qui est impossible. »

« Visez les grandes plateformes alors, je vous aiderai à coder. Le public, lui, se chargera de la propagation. » Répliqué-je.

Il secoue plusieurs fois la tête, peinant à croire ce que je lui demande de faire, cependant, la méfiance n'est plus actrice. Hyunseok se laisse convaincre.

« C'est faisable... mais je suis sûr que les forces spéciales peuvent retrouver l'adresse de mon ordinateur. »

« Programmez d'un endroit difficile d'accès. »

« C'est pas dans ce pays que je vais le trouver. » Soupire-t-il.

Sa remarque m'arrache un rire amusé, mon sourire s'accentue en lui soumettant une proposition qui ne lui plaira pas.

« Partez en mer. Déplacez-vous et revenez sur la rive quand vous aurez fini. »

Sa réaction n'attend pas. Il papillonne plusieurs fois des yeux, éberlué par ce qu'il vient d'entendre. Il me dévisage un instant, essaie de capter la moindre once de plaisanterie. Seulement, derrière mon air taquin, il perçoit bien mon sérieux. Se déplacer en bateau est une très bonne idée, il pourra changer aisément de serveur et il existe de nombreux équipements pour brouiller les pistes. Néanmoins, formuler une telle proposition reste effronté, ce que mon acolyte ne manque pas de me faire remarquer.

« Vous êtes plus insolent que je ne le pensais. » Me balance-t-il.

Il me jette un dernier regard en biais, un peu irrité, mais laisse finalement passer. Il baisse la tête, s'avouant vaincu.

« Et pour la troisième alors ? » Demande-t-il

« Aucun. »

Ma réplique directe lui fait relever la tête. Il fronce les sourcils, étonné par cette réponse.

« Comment ça ? »

« Pas de virus pour le troisième, on va miser sur la carte de l'honnêteté. » Dis-je rieur.

Hyunseok me dévisage un instant, l'air sceptique, presque accusateur. Il ne peut s'empêcher de m'asséner une remarque acerbe.

« Je ne crois plus trop en cette qualité avec vous... »

Ses paroles dénuées de tout filtres font rire. Je tapote son épaule comme si nous étions de vieux amis, avant de dérouler quelques explications.

« Ce sera la population notre virus. Tout le monde voudra connaître le contenu de la dernière vidéo. Le GM ne réagira plus immédiatement. Ils ne se casseront plus la tête à vouloir la supprimer, s'attendant à un énième virus. Ils se prépareront plutôt à nous attaquer publiquement. »

« Une déclaration publique ? » Me coupe-t-il.

« C'est certain. »

Hyunseok approuve d'un mouvement de tête, l'air ailleurs pendant un court instant. Je me retrouve aussi à penser, perdu dans mes songes. Ma conscience s'embrume d'un voile sombre, toutes mes peurs et mes doutes remontent d'un coup et me submergent. Le visage d'Eumae et de Yoongi traversent ma mémoire comme deux étoiles filantes. Je ne peux pas laisser le réseau gagner... Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour démolir leur pyramide.

« Nous n'avons plus le choix, nous devons rallier l'opinion publique de notre côté. Le réseau aura moins d'impact si nous y arrivons. »

Mon regard croise celui de Hyunseok, il m'observe déjà. Depuis combien de temps ? Aucune idée. Sa mine grave m'interpelle. Nous nous dévisageons un moment, le visage de Jungkook vient alors me hanter. Ils se ressemblent tellement... Pour cela aussi, nous ne pouvons pas abandonner. Je ferai sortir Jungkook de prison, quoi qu'il m'en coûte. Je le jure.

« Vous n'allez vraiment pas vous laissez faire hein ? » Dit-il soudain.

Sa voix rauque fait tressaillir mon cœur, pourtant, il est là, tout proche. Je peux le voir, néanmoins pour une raison inconnue, il me semble si loin en cet instant. Comme si ce corps n'était plus mien, je le dépossède de son âme pour mener à bien ce plan incensé.

« Jamais. »

« Tout cela m'a donné une idée. La touche finale. » M'annonce-t-il, un sourire en coin.

« Qui est ? »

« Faites-moi confiance. Vous ne serez pas déçu. »

Hyunseok saisit alors son verre de soju et me tend le mien. Je l'attrape cette fois et pose mon regard dans le sien. Sans nous lâcher une seule fois des yeux, nous brandissons nos verres avant d'en boire le contenu d'un commun accord.

À notre plan.

La sonnerie de mon téléphone retentit soudain et bouscule nos esprits tissés de coton. Le regard appuyé dans celui de l'autre, j'attends la dernière sonnerie avant de décrocher comme happé par ces deux astres de savoir. La voix détachée de mon neveu me parvient, quoiqu'un peu agacée.

« T'en mets du temps. »

Je ne réponds pas à sa provocation.

« Que veux-tu Jimin ? »

Un soupir, une respiration chevrotante. L'image d'une âme en déroute. Depuis que Jimin a appris pour Jungkook, il erre sans but. Parfois présent, parfois ailleurs. Tantôt irrité, tantôt abattu. Hyunseok et moi avons tout de suite compris la nature de leur relation mais aucun de nous deux n'a voulu en parler.

« Eumae a appelé. Il faut prendre leur billet d'avion. »

Je serre les poings et échange un regard décidé avec mon acolyte. Hyunseok comprend aussitôt le message et s'installe à son bureau, derrière son ordinateur.

« Je m'en occupe. » Dis-je avant de raccrocher.

J'enfourne mon cellulaire à l'intérieur de mon manteau et me prépare à partir. Hyunseok relève la tête en ma direction et attend mes instructions.

« Le Caire, Égypte. 2 billets. »

Il acquiesce et replonge le nez dans son ordinateur. Je retape ainsi mon costard et m'installe dans le coin blanc de la pièce pendant que Hyunseok prend les billets. Il va faire revenir Eumae à bord d'un avion privé, essayant d'être le plus discret possible. Je dois ainsi attendre, attaquer, espérer.


*******

Les journalistes sont toujours entassés devant le porche. J'ai l'impression d'en voir un peu plus chaque jour. Certains attendent toute la journée pour réussir à avoir ne serait-ce qu'un plan de nos visages, d'autres se relaient toutes les heures et les plus ennuyeux campent la nuit devant notre demeure. Un soupir m'échappe, toute cette situation nous draine. La maison n'est qu'une cage dorée. Nous avons l'impression d'être en sécurité à l'intérieur, protégés du danger extérieur. Seulement, derrière ses murs, le réseau ne tardera pas à bouger et briser cette illusion. Nous devons agir avant eux.

Je me faufile ainsi vers l'arrière de la maison, veillant à ce que personne ne me suive. Un portail secret m'amène à l'intérieur, tout près de mon bureau. C'est un passage que nous n'utilisons presque jamais, seulement dans des cas extrêmes. Ces derniers jours ne font pas exception.

À l'intérieur, le silence m'accueille. Je reprends ma respiration, essaie d'apaiser mes pensées verrouillées sur le plan que nous avons élaboré. Le cœur battant, mes doigts viennent effleurer un des cadres sur mon bureau. Une photo. Une photo de mes fils. Mes yeux se perdent sur leurs traits, ils les effleurent, les embrassent d'un regard tendre. Jongyu, avec un air fripon, tient fermement ses deux petits frères contre lui, Eumae rigole tandis que Yoongi essaie de se dégager de sa poigne. Je déglutis, expire un souffle tremblant.

Eumae va bientôt revenir... mais Yoongi... il ne s'est toujours pas réveillé. Son organisme a pris le relais, il est en « hibernation ». Son corps essaie de se réparer seul dans son sommeil, néanmoins, d'après les derniers examens médicaux, les risques de rechute sont très importants. Son âme est en suspension sur le fil de sa vie.

Je passe mes mains sur mon visage, essaie de relativiser malgré tout. Ne perds pas espoir.

Je dispose de quelques minutes de calme pour remettre mes idées en place. La nuit est tombée, le vent fait frémir les feuilles des arbres. La ville a l'air endormi, pourtant, il n'est pas tard. Cette atmosphère intime insuffle un peu de courage dans mon cœur. Un sentiment inexplicable qui vous agrippe lorsque vous demeurez seul avec vous-même. Mon regard s'échoue une dernière fois sur la photo, sur leurs sourires rayonnants...

N'hésite plus.

D'un pas décidé, je quitte mon bureau et me dirige vers le salon. Tous les membres du clan se trouvent dans leur chambre, il n'y a que Seoyeon et Taehyung qui se trouvent au chevet de Yoongi dans la salle à manger. Chaque âme se rattache à mon corps par un lien invisible. Leurs énergies et émotions s'insufflent en moi telles des rivières gelées et s'écoulent en mon sein. Toute leur tristesse dégringole en cascade.

Être chef du clan implique de grandes responsabilités. Depuis leur entraînement, chaque membre a établi un lien spécial avec mon âme. On donne son âme à celui en qui on a confiance, celui sur qui on peut se reposer. C'est une tradition du clan Min. Chaque chef dispose de l'énergie des autres. Il en ressent les vibrations et doit toujours veiller au bien-être de son clan... Cette demeure est peuplée d'individus brisés dont l'énergie est atténuée.

Je ne peux pas me laisser aller. Je dois les aider. C'est mon devoir.

En entrant dans le salon, la tête haute et le buste redressé, Seoyeon et Taehyung m'adressent un regard intrigué. Ils ont un pressentiment et ils ont raison. Je ferme les yeux et communique avec le clan par télépathie.

« Rassemblement dans le salon. »

Kura arrive dans la minute, elle m'interroge de ses grands yeux envoûtants, seulement, je ne lui laisse rien savoir. Elle soupire, puis s'assoit aux côtés de Seoyeon. J'attends ainsi en silence que la salle se remplisse. Jongyu déboule dans la pièce, suivi des autres membres. Jimin est le dernier à franchir la porte. Un regard vide, des pas hésitants. Je l'observe se mouvoir sans un bruit, tel un fantôme. Il s'assoit sur une chaise, sa silhouette se tasse et sa présence s'efface. Hoseok arrive auprès de lui et dépose une main tendre sur son épaule.

Je ne l'ai jamais vu ainsi. Savoir Jungkook en prison a plongé son âme dans un océan de noirceur. En ce moment, il possède l'énergie la plus faible de tout le clan, lui qui a d'habitude cette aura si écrasante, elle n'est devenue qu'un filet de poussière. Je retiens un soupir. Ça ne sert à rien de penser ainsi. D'un geste de la main, je leur indique à tous de s'asseoir là où ils veulent.

Tout le monde me regarde, debout devant eux. Il ne manque que Namjoon à l'appel, cependant, nous savons qu'il ne viendra pas.

Il s'est complètement renfermé sur lui-même. Sa phase « dépressive » est survenue juste après l'assaut. Cette phase, chez Namjoon, ne dure d'habitude pas longtemps mais le souvenir de Yoongi s'écroulant au sol le hante. Il se sent coupable de ce qui lui est arrivé. Il rejette la faute sur lui. Nous avons beau lui dire le contraire —que Yoongi savait les risques qu'il encourait—, Namjoon ne s'est pas calmé. Sa maladie ne l'a pas aidé à sortir du trou noir dans lequel il est aspiré. Ainsi, nous attendons que ça aille mieux et le soutenons de diverses manières.

Je me racle et repousse ce tracas dans ma mémoire. Face à ma famille, le plan se déroule à nouveau dans ma tête. Hyunseok est resté dans son entreprise, il doit mettre la vidéo en ligne à 19h. L'heure de manger, un jour de semaine, une heure parfaite.

Pendant de longues minutes, je leur fais part de notre plan. Certains visages expriment leur doute, d'autres réfléchissent à notre stratégie. Puis, il y a Jimin. Il ne dit rien, n'exprime rien mais il écoute.

Une question fuse, Seoyeon est la première à exprimer sa méfiance.

« Quelles vont être les personnes révélées dans la première vidéo ? »

« Nous allons révélé l'identité de monsieur Xiong et d'un avocat, qui était en étroite collaboration avec lui et le gouvernement. » Lui réponds-je.

Taehyung tressaille en entendant son nom. Sa mâchoire se contracte et ses poings se serrent à s'en craquer les os. Il appuie son regard noir dans le mien. Une flamme s'y embrase. Il attaque par une autre question.

« Qu'allez vous mettre dans cette première vidéo, hors mis le virus ? »

« Nous allons dévoiler toutes les informations que Seokjin avait rapporté sur les camps lorsqu'il avait fait son « service » et mettre en avant certains rapport qu'avait écrit ton père. Il connaissait le rôle de Monsieur Xiong dans le réseau. »

Ma réponse a l'effet d'une bombe dans l'esprit de Taehyung. Ses poings se mettent à trembler de rage, ses souvenirs sombres obscurcissent son regard. Son aura change du tout au tout, devient bien plus imposante. Tout le monde s'en rend compte et Jimin relève la tête dans sa direction. Un voile de méfiance recouvre la pièce.

Je ne perds cependant pas mon calme malgré son changement d'attitude. Je préfère qu'il soit au courant de tout, Hyunseok m'a chargé de tout lui expliquer et m'a bien spécifié d'être clair. Seoyeon prend la main de son fils, la caresse de son pouce, et m'indique de continuer d'un regard franc.

« Avec Hyunseok, nous avons récupéré toutes les photos des élèves qui devraient avoir fini leur service militaire mais qui ont dû rester pour diverses raisons. Nous voulons installer le doute dans le cœur des parents car nous sommes certains qu'ils demanderont des renseignements sur leurs enfants. S'ils ne savent pas où ils sont, le public prendra nos dires au sérieux. »

Seoyeon hoche la tête, convaincue cette fois-ci. Taehyung, lui, demeure silencieux mais sa colère gronde. Son démon alimente sa tristesse éternelle masquée par sa soif de vengeance.

« Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse ? » Me demande-t-il brutalement.

Seoyeon resserre sa poigne, lui dit de se calmer, mais Taehyung n'écoute pas. Je ne le lâche pas des yeux un seul instant, observe comment ses doigts raclent nerveusement le bord de sa chaise. Je me déplace ainsi vers mon sac pour en sortir trois énormes paquets de feuilles, tenus par des élastiques.

« J'aimerais que vous placardiez ces affiches sur tous les coins stratégiques de la ville. » Leur expliqué-je.

Je les tends vers eux, Hoseok, Taehyung et Jongyu en attrapent chacun un. Tout le monde se penche par-dessus l'épaule de l'autre et découvre les trois différentes affiches. Sur la première, une photo de Monsieur Xiong avec en-dessous, des mots-clés, des preuves mais également des liens internet où Hyunseok et moi avons répertorié tout ce qui était bon à savoir sur ces exactions. Sur la deuxième, le même procédé était établi mais avec un photos de l'avocat, et sur la troisième, toutes les photos avec les noms et prénoms des enfants « disparus ».

« Vous allez devoir vous déplacer en skate, à vélo, comme vous voulez... mais pas de voiture. La presse et le gouvernement pourraient nous repérer à cause des plaques d'immatriculation. » Annoncé-je. « Jimin, c'est pareil pour ta moto. »

Ils relèvent tous le nez des affiches, Jimin le premier. Il marmonne quelques injures, mécontent de cette nouvelle. Je ne peux m'empêcher de soupirer en le voyant ainsi. Ni lui, ni Taehyung n'arrivent à contrôler leurs émotions. Ils sont comme deux volcans menaçants dont il faut contenir la lave ardente avant qu'elle n'explose sur nous.

Jimin se lève ainsi et prend un petit tas de feuilles des trois paquets. Kura lui offre un sourire chaleureux qu'il remarque à peine, trop absent, coincé quelque part entre le rêve et la réalité.

J'échange un regard avec ma femme, l'attitude de notre neveu l'inquiète énormément mais nous ne pouvons hélas rien y faire. Jimin ne parle de ses tourments qu'à Hoseok. Il est son seul soutien moral. Ce dernier prend également des affiches, nous octroyant de son sourire lumineux, et suit Jimin qui s'apprête à sortir.

Le reste des membres font de même, les piles d'affiches descendent petit à petit jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien. Une tension réside dans la pièce, des émotions pénibles qui s'entrechoquent entre elles. Ils regardent tous les photos de ces jeunes hommes et ces jeunes femmes, se demandent sans doute où ils peuvent bien se trouver en ce moment. Traversent-ils le même calvaire qu'Eumae ? La peur fourmille dans mon ventre et encercle ma conscience. Je n'espère pas... Je n'ose même pas y repenser.

Mon attention se dirige vers Taehyung, il reste stoïque pendant quelques secondes, planté au milieu du salon. Ses prunelles rivées sur la photo de monsieur Xiong, ses doigts serrent le papier avec force. La haine lui broie l'âme. Il n'y a pourtant que ses mains aussi fermes que des crochets qui me laissent entrevoir la force de son démon.

Puis, il relève soudain la tête —comme s'il se rendait compte de quelque chose—, et inspecte tout autour de lui d'un regard froid.

« Namjoon ne vient pas ? » Demande-t-il.

Je ne saurais dire s'il y avait de l'agressivité dans sa voix mais Jimin l'entend bien de cette manière. Son instinct s'éveille. Il s'arrête d'un coup de marcher vers la sortie, Hoseok l'observe avec étonnement. Son corps se tourne en une fraction de seconde vers le jeune vampire, ses iris sombres le terrassent sur place.

« T'occupes pas de lui. »

Son ton cassant ne manque pas d'échauffer l'humeur de Taehyung. Celui-ci lui fait à présent face. Ses canines s'allongent et ses muscles se tendent. Une posture menaçante. Plus personne n'esquisse le moindre mouvement en sentant l'atmosphère s'alourdir.

« Il t'arrive quoi à toi ? » Crache-t-il.

Sa voix descend de deux octaves mais elle n'ébranle pas Jimin, qui s'avance de quelques pas. Hoseok lui attrape le bras pour le retenir. Les deux jeunes hommes se défient du regard. Malgré l'aura écrasante de Taehyung et sa force considérable, Jimin ne cille pas. Son énergie jusqu'alors disparue revient peu à peu écraser celle des autres.

Un élément attire alors mon attention. Je fais le vide autour de moi, la scène passe au second plan, et en plissant les yeux, j'arrive à distinguer avec étonnement cette ficelle d'énergie. Elle danse dans l'air et relie leurs deux corps extatiques. C'est infime mais bien présent. Un lien.

Un lien dont ils n'ont même pas conscience. C'est donc pour ça... Jimin et Taehyung sont reliés, leurs âmes sont compatibles...

Cette constatation me stupéfait mais je comprends mieux cette électricité qui peut jaillir entre les deux. Je n'avais vu ce lien qu'en présence d'Hoseok mais il s'avère que Taehyung dispose aussi d'un lien spécial avec mon neveu.

Je sors de mes pensées lorsque Jimin se défait de la prise de son ami d'un geste violent et se rapproche de Taehyung, un rire provocant franchit ses lèvres.

« Quoi ..? » Dit-il. « Namjoon est bipolaire au cas où t'es pas au courant ! Personne va l'emmerder en ce moment, compris ? »

Jimin est à fleur de peau, un rien l'énerve et Taehyung n'est pas prêt à supporter ses sautes d'humeur. Il s'avance lui aussi d'un pas. L'aura de son démon nous étouffe. Il devient difficile de respirer.

« Tu peux me l'apprendre autrement ! C'est pas marqué sur son front à ce que je sache ! »

Une veine apparaît sur le front de Jimin. Il est prêt à répliquer, à se jeter sur lui, mais je m'interpose juste à temps. Mon regard autoritaire transperce mon neveu qui se recule, déstabilisé par mon intervention. D'une main ferme, je repousse Taehyung en arrière pour laisser un peu de distance entre les deux. Ma stature imposante les dissuade de tenter quoique ce soit. Plus personne ne bouge.

« Ça suffit tous les deux ! Calmez-vous. » Leur dis-je d'une voix ferme et basse.

Ils continuent de se regarder par-dessus mon épaule, la respiration sifflante. La tension retombe au fil des secondes, les esprits s'apaisent. Je perçois même de la confusion dans leurs regards, se demandant pourquoi ils avaient eu une telle réaction.

Cela se comprend, tout le monde est à cran. Seulement, dans la situation où nous sommes, nous devons rester soudés. Je pense que tous deux le comprennent enfin et prennent le temps de se calmer chacun de leur côté. Taehyung me fixe pendant quelques secondes avant de baisser la tête. Ses muscles se relâchent, son aura sombre s'atténue.

« Désolé monsieur. »

J'accepte ses excuses, puis me tourne vers Jimin. Ses prunelles posées dans les miennes. Il soupire, passe une main malhabile dans ses cheveux avant de passer à côté de moi et se mettre face à Taehyung. Ce dernier le dévisage, méfiant, mais l'hostilité y a disparu. Jimin soupire une nouvelle fois, mal à l'aise, et murmure à peine.

« Pardon. »

Jimin quitte la pièce presque en courant, n'attendant même pas une réponse de la part de Taehyung. Le jeune vampire reste pétrifié, ne sachant pas quoi faire. Tout le monde semble stupéfait par son attitude. Hoseok est déboussolé, il s'excuse plusieurs fois en s'inclinant avant de partir à sa poursuite.

Le calme s'instaure à nouveau dans le salon mais n'arrive pas à apaiser les esprits tourmentés. Cette altercation entre Jimin et Taehyung les a tous troublés. Leurs pensées sont comme des échos qui de loin se confondent et se répondent dans une unité troublante. Ils se comprennent et se retrouvent prisonniers de cette même réalité : nous sommes traqués et il va falloir nous battre ensemble.

Je les interpelle une dernière fois, essayant de détourner leur attention de ce chaos intérieur.

« Je compte tous sur vous, soyez discret. »

Mon regard calme leur inspire confiance. Ils acquiescent, m'offrent des sourires maladroits et se dispersent à travers la maison. Ils sont épuisés. Dans les yeux de certains, l'espoir est à peine palpable... mais nous ne pouvons pas nous avouez vaincu. Pas comme ça. Si certains n'y croient pas, alors je vais devoir y croire deux fois plus...

J'y crois, alors je ne laisserai personne abandonner.


*******

Coincé sur mon siège, oppressé entre l'impatience et la panique, j'attends. Namjoon est à mes côtés. Nous attendons tous les deux depuis maintenant quinze minutes, à l'aéroport, dans une petite voiture noire. Nous avons emprunté la voiture d'Hoseok pour ne prendre aucun risque.

« Il ne devrait pas être sorti déjà ? »

Mon neveu observe inlassablement chaque personne, chaque bagage, chaque détail sur leurs vêtements. Son ton inquiet épaissit cette boule au creux de mon ventre mais mon attitude ne laisse rien paraître. Il a tenu à m'accompagner. Voir Eumae était devenu une urgence pour lui, une énième crainte à apaiser.

Sa jambe tressaute par intermittence, le bruit m'irrite mais, là encore, je ne dis rien. Il est stressé, se sent impuissant. Son aura change constamment de consistance, elle se tend et se tord, elle alourdit l'atmosphère déjà pesante du véhicule. De fines perles se déposent sur ses tempes, soulignent son regard cerné.

Postés à seulement quelques mètres d'une des portes, nous guettons le moindre mouvement à travers la foule. Toujours rien. Le tourisme a bien diminué depuis le scandale. Le gouvernement mondial a pris des mesures supplémentaires, ne permettant plus à n'importe qui de séjourner dans notre pays. C'est une des raisons principales pour lesquelles, ni Namjoon, ni moi n'allons récupérer Eumae dans l'aéroport. Si l'un de nous venait à être repéré, la police procèderait à un arrêt immédiat.

En dehors des murs de la demeure, nous sommes vulnérables. Comme des lions mis en cage, traqués dans la nature. La liberté illusoire de notre demeure est dangereuse. Eumae doit se faire discret et venir jusqu'à notre emplacement, avec son ami. Chaque seconde qui me sépare de lui me paraît insoutenable. Il me tarde tellement de le ravoir près de moi. Ma seule crainte est les journalistes. Ces vautours l'attendent de pied ferme quelque part dans l'aéroport. Ils ne manqueront pas de faire du bruit et même d'alerter la police s'il le faut.

Suite à la diffusion de notre première vidéo —encore disponible à ce jour—, le monde entier s'est empressé de trouver des informations sur les membres de la famille mais également sur les personnes qui nous accompagnaient lors de l'assaut. Le fait qu'Eumae soit parti quelques mois auparavant n'est pas passé inaperçu, tout comme l'incarcération de Jungkook.

Le réseau s'est d'ailleurs servi de son ancien casier judiciaire pour ternir la réputation de notre clan. Seulement, au-delà de notre image publique, c'est le cœur d'une famille qui a été piétiné. Hyunseok en a été le plus affecté.

Nous étions tous dans le salon lorsque le communiqué de presse de l'inspecteur Jung concernant Jungkook et ses exactions passées a été diffusé à la télévision. Hyunseok a tout fait pour ne pas perdre la face devant nous. Il a consolé Taehyung qui commençait à tout briser autour de lui, hurlait des insultes, vidait sa peine sur ses épaules creusées de pleurs. Hyunseok et Seoyeon ont tout fait pour le calmer. Sa mère a pleuré avec lui, mettant genoux à terre devant leur peine.

Hyunseok a pris alors soin d'eux. Il les a consolés, emmitouflés de chaleur, jusqu'à ce que leurs larmes ne soient plus qu'un souvenir. Il est ensuite parti s'isoler dans une des chambres de la maison et il a pleuré. Pleuré sans fin. Des rivières de larmes intarissables. Caché derrière la porte, sa douleur s'est immiscée dans ma poitrine et a effrité mon armure. La douleur d'un père, je la ressentais.

Entre chacun de ses sanglots grondait la révolte.

En effet, de nombreux parents se sont questionnés en voyant la photo de leur enfant dans la vidéo et sur les affiches placardées. Tous pour la même raison : leur enfant n'était pas rentré de leur service militaire à la date prévue. Les réseaux ont été inondés d'évidences, des photos, des lettres... Beaucoup de personnes se sont ainsi déplacées devant la maison de Monsieur Xiong, la presse s'est aussi mêlée à cette affaire. Face à cette agitation, l'accusé a gardé le silence. Ce comportement n'a fait qu'entasser les questions sur son seuil et la population n'attend alors plus qu'une chose : la deuxième vidéo.

Le monde entier a les yeux braqués sur nous.

Namjoon m'extirpe de mes pensées, il me tapote l'avant-bras et me demande l'eau d'un geste maladroit. Je lui tends la bouteille sans perdre une seconde. À peine l'a-t-il dans les mains qu'il s'abreuve à grandes gorgées. Il essaie de se calmer ainsi pendant une bonne minute, s'aspergeant très légèrement le visage avec. Je soupire discrètement en le voyant dans cet état, puis reporte mon attention vers la sortie. Les mains agrippées autour du volant, les secondes s'écoulent de nouveau à une lenteur exaspérante.

La foule de passants frémit.

Un bruissement léger comme si la brise les avait balayer d'un toucher distinct. Je fronce les sourcils et me redresse, aux aguets. Plusieurs têtes se tournent alors dans une même direction, des personnes arrêtent même leur activité pour voir ce qu'il se passe. Mon regard se fixe sur ce même point, au loin, là où naît le mouvement. Namjoon s'active, sa jambe prise de violents spasmes s'arrête nette. Une pression indescriptible s'abat sur mon corps me poussant à agir, mon instinct me hurle de démarrer.

Un fouet d'adrénaline jaillit alors dans mes veines. J'embraye sans y réfléchir à deux fois. Les roues crissent sur le bitume et épouvantent les passants. Je roule vers les portes de l'aéroport à toute allure, et les vois à travers les grandes baies vitrées, coursés par la presse acharnée. Mon fils essaie de courir le plus vite possible avec sa jambe folle, son ami l'aidant à garder l'équilibre. Ils se précipitent tous les deux à travers la foule.

J'aimerais pouvoir m'inquiéter de sa jambe mais mon cerveau ne répond plus. Tout semble si irréel en cet instant. Mon cœur pulse avec hargne dans mes tympans, les objets semblent ralentir comme si le temps figeait ses secondes au sein de ma poitrine.

Namjoon réagit au quart de tour à mes côtés. Il abaisse la fenêtre et hurle son prénom.

« EUMAE ! »

Ce cri implose en moi, résonne à mes oreilles. De fines gouttes perlent au bord de mes yeux. L'émotion m'attrape à la gorge. Je fais gronder le moteur et n'arrive pas à réaliser lorsque les portières claquent et les respirations hachées emplissent le véhicule. J'appuie sur l'accélérateur de toutes mes forces et file en-dehors de l'aéroport, loin des journalistes, loin de la police. La vitesse démentielle plaque nos corps contre les sièges.

Mon regard figé sur l'autoroute, il m'est impossible de jeter un œil dans le rétroviseur. Je n'ose vérifier s'ils sont là. Namjoon s'agite cependant à mes côtés et commence à poser mille et une questions pour apaiser ses frayeurs. Leurs voix me parviennent comme des bulles qui éclatent à la surface de l'eau, elles semblent étouffées, encore éloignées. Le dialogue est flou. Je reprends conscience au fur et à mesure du trajet, mon âme perdue dans des fonds abyssales remonte à la surface. Les réponses d'Eumae me parviennent alors. Le ton de sa voix détaché remue mon cœur d'un sentiment amer. Il m'a l'air absent.

Le rétroviseur me nargue, il serait si simple de jeter un coup d'œil dedans pour observer, me rassurer, mais cela m'est impossible, mon corps refuse de bouger. Ce surplus d'émotions annihilent mes membres. Je suis tétanisé. Namjoon entretient ainsi la conversation pendant le trajet.

Le garçon aux côtés de mon fils s'appelle Elios. C'est tout ce que nous avons réussi à savoir. Mon neveu a essayé d'en connaître un peu plus mais Eumae s'est montré froid et distant. Une facette de sa personnalité que je ne lui connaissais plus depuis longtemps... Et cela m'effraie. Namjoon tente une énième approche mais Eumae s'évade, féroce.

« Arrête de poser des questions. »

Sa voix grave dissuade mon neveu, un frisson hérisse mon échine en l'entendant aussi agressif. Namjoon se tourne alors vers la route et déglutit, un air morose revêt ses traits fatigués. Ma poitrine se serre.

La voiture continue de rouler en silence. Mon regard se perd. Au sein de cette atmosphère accablante, la réalité s'abat sur moi. Mon âme frissonne. Comme si, je réalisais enfin ce qui nous arrivait. Ma peur de le regarder, la peur de ne pas reconnaître ce visage, ces yeux et cette âme que j'ai tant choyés. La peur de ne pas reconnaître mon fils.

Ils ne m'ont pas rendu mon fils.

Ce jeune homme, assis sur la banquette arrière, a été blessé par la cruauté du monde. Cette pensée recouvre ma mémoire d'un voile de terreur. Je ne sens pratiquement plus mes mains sur le volant, ni mes pieds sur les pédales, un gouffre se creuse dans ma poitrine et m'engloutit tout entier. Namjoon m'interpelle, explose ma bulle.

« Chonay ? »

Il secoue gentiment mon épaule. Je le regarde, sans vraiment le faire, puis remarque que nous sommes arrivés. Depuis combien de temps ai-je garé la voiture ? Un vide profond et atterrant loge mon esprit. À peine posé-je un pied hors de la voiture, la pression de son regard m'immobilise. Les yeux rivés au sol, ses chaussures entrent dans mon champ de vision. Eumae se dresse face à moi, attend que je relève la tête.

Ma respiration tremblotante ébranle le vent frais de cette fin de soirée. Mon regard s'échoue sur sa jambe malade, enroulée dans des bandages. Il se tient à peine dessus. Que lui est-il arrivé ? Qu'est-ce qu'ils lui ont fait ..? Ma gorge devient sèche, je déglutis. Mes prunelles remontent sur sa taille, derrière ces habits trop larges. Il les remplissait avant de partir... Il est trop maigre... A-t-il mangé assez depuis ? Mon attention est alors attirée par ses poignets, sa peau lacérée et rougie par la corde. Mes yeux s'écarquillent, mon souffle se coupe. Je ne dis toujours rien, la peur me broie le ventre.

Mon cœur accélère au fur et à mesure que je remonte vers son visage. Son cou laisse apparaître des bandages, des blessures... Je détaille ainsi sa mâchoire où un pansement réside, puis un autre. Mon regard parcourt ses traits, sa pommette meurtrie, son arcade sourcilière rompue, ses yeux vides.

Je le fixe encore un instant, droit dans les yeux. J'essaie de discerner cette lumière qui y brillait.

Elle n'est plus.

Mes genoux faiblissent, pourtant, mon corps reste debout. Les mots se bloquent au fond de ma gorge. Je n'ose parler. Je ne sais que dire ou que faire. Eumae m'est semblable. Il continue de me regarder. À travers notre silence, j'entends les bombes exploser dans sa tête, les balles vriller sous ses yeux. Notre discussion se déroule à travers un regard. Un regard achevé par la guerre et le sang.

Mon fils est resté là-bas.

Eumae, comme s'il savait ce à quoi je pensais, laisse les larmes anéantir son visage creusé. Une pluie aussi silencieuse que nos paroles. Il laisse alors sa tête s'échouer sur mon épaule, un contact désespéré qui élargit cette faille dans mon cœur.

Mes mains tremblantes se glissent avec lenteur dans son dos où ressortent ses os. Je le serre contre moi avec force, ressens enfin sa chaleur. Ces délicates caresses me laissent retrouver l'espace d'un instant, l'enfant que j'ai bercé il y a vingt-cinq ans. Je ferme les yeux, délivre une larme sur ma joue.

« Où est Yoongi ? »

Sa question, dans un murmure, pulvérise mes dernières forces. Je prends une grande inspiration, la gorge nouée.

« Dans le salon ... »

Il hoche la tête au creux de mon épaule avant de s'écarter doucement de moi. Je le regarde une dernière fois et l'observe rentrer dans la maison, trainant derrière lui sa jambe cassée. Mon soupir fend le silence. J'essuie ma joie mouillée d'un revers de la main et entre à mon tour.

Je me dirige directement vers mon bureau. Ici, personne. Juste le silence.

Un cri déchirant fend ce calme dansant.

J'entends au loin, étouffé par les cloisons, les genoux d'Eumae flancher. Il s'effondre devant le lit de Yoongi. J'entends ses pleurs et sa haine contre le monde. Toutes ces insultes qu'il hurle. J'imagine déjà Jongyu prendre son petit frère dans ses bras, le protéger d'un danger qu'il ne connaît pas lui-même. Ma poitrine est inondée de tristesse, son énergie déchirante me foudroie d'un coup. Mes jambes vacillent.

Eumae s'effondre et m'entraîne dans sa chute. Mon être est traversé par un torrent de larmes, dépouillée de richesse.

La respiration tremblante, j'essaie de faire abstraction de la douleur lorsqu'on toque à ma porte. Je compte renvoyer la personne mais me retins aussitôt, en découvrant l'ami d'Eumae, Elios. Nous nous dévisageons un instant jusqu'à ce que je lui fasse signe d'entrer.

« C'est Hyunseok qui t'a dit de me retrouver ici je suppose ? » Demandé-je d'une voix cassée.

Il ne fait qu'hocher la tête et reste debout, mal à l'aise, ses bras portant un énorme sac blanc. Il est aussi maigre que mon fils, les mêmes joues terrassées, le même regard éteint. Son teint mate me paraît pourtant si pâle. J'essaie de faire preuve d'un peu d'hospitalité en le voyant aussi démuni, ma voix se fait plus douce et rassurante.

« Assis-toi, je t'en prie. » Lui dis-je en désignant un siège.

Il s'exécute presque immédiatement, les yeux rivés vers le sol. Je me racle la gorge avant de reprendre la parole, faisant attention à ne pas le brusquer.

« Je sais que tu viens d'arriver... et je m'excuse d'avance pour ce que je vais te demander. » Il relève la tête et me regarde. « ... la situation est urgente alors... »

Il hoche la tête encore une fois. Ses prunelles blessées m'enserrent le cœur. Il comprend mes intentions et me laisse poursuivre sans jamais s'interposer. Sa bravoure me touche.

« J'aimerais avoir toutes les photos, tous les documents et toutes les preuves sur le camp où tu as été expédié avec Eumae. »

Il ne dit toujours rien et ouvre son bagage. Je le regarde faire en silence. Il en extirpe alors tous un tas de choses qu'il dispose sur mon bureau, puis il sort en dernier une clé USB de sa poche. Un journal de bord, des documents de certains soldats, des objets volés, des photos... Combien de temps cela lui a pris pour rassembler tout ça ? Comment a-t-il fait pour ne pas se aire repérer ? Quels sacrifices a-t-il fait pour les avoir ? Tant de questions que je n'ose poser. Pour le moment, il doit se reposer.

« Merci. J'en ferai bon usage. »

Je le remercie droit dans les yeux, sincère, et allume dans ses prunelles une vieille étincelle. Il m'agrippe soudain le bras, ses doigts amaigris et tremblants puisent dans ses dernières forces pour me maintenir.

« S'il vous plait... Il faut que vous réussissiez. »

Ces mots tremblants tintent à mes oreilles et se répercutent en moi dans un écho. La vérité me gifle.

Putain, je ne peux pas échouer.

Ma main vient alors recouvrir la sienne et, dans le silence des âmes, mon regard établit une promesse.

Elios esquisse un léger sourire avant de faire retomber sa main le long de son corps. Hyunseok entre au même moment dans la pièce. Il s'avance vers moi à grandes enjambées, l'air grave.

« Chonay, on va tourner la deuxième vidéo. » Dit-il en installant tout le matériel nécessaire sur mon bureau.

J'acquiesce d'un mouvement de tête et me mets à bouger, mon corps embrasé d'une détermination ardente. Elios m'offre ainsi un dernier sourire encourageant avant de sortir. Mon attention se reporte sur Hyunseok qui me regarde, attendant mes instructions.

« C'est parfait, j'ai tout ce qu'il nous faut. »

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro