3| Festival 👺
Kim Taehyung
Je fixe l'aiguille de l'horloge qui semble ralentir à mesure que le temps passe. Assis au dernier rang, aucun regard n'est posé sur moi, aucune odeur alléchante ne vient me narguer. Mon corps est ainsi détendu et ma conscience plus tranquille. Je me mets à ranger mes affaires d'anglais, impatient, mais le professeur trouve le moment importun —à seulement quelques minutes de la fin du cours— pour faire une annonce. Je peste dans mon coin, contraint d'écouter.
« Comme vous le savez, chaque année se déroule le festival de l'université où des personnes de l'extérieur et des futurs étudiants viennent ! »
Il se faufile entre les rangés pour distribuer des tracts et continue son discours.
« Le directeur a donc demandé à ce que tous les élèves souhaitant participer à l'organisation du festival s'inscrivent aujourd'hui. » Il retourne à son bureau une fois fini et lit la moitié du tract. « Vous serez en charge du plus gros mais cela vous fera une bonne expérience professionnelle. Ce sera à inscrire dans votre CV ! J'attends donc les prénoms de ceux qui veulent se présenter... Il y aura cependant une sélection par le directeur en fonction de qui est apte ou non. »
Son sourire suffisant m'agace, je suis sûr qu'il a certains élèves en tête en disant cela. Cet élitisme me paraît bien réducteur... Ce n'est pas parce que tu es bon en anglais que tu vas être capable de gérer un groupe d'élèves ! Sa façon de penser est risible.
« De plus il y aura des postes plus ou moins hauts placés, donc de plus grandes responsabilités. Sachez que le poste le plus important est celui de « directeur de gestion », seuls les meilleurs élèves ou les plus méritants y accèderont. Enfin, vous aurez les résultats dès demain. Quand la sonnerie retentira, vous pourrez venir vous inscrire. »
Je lève les yeux en entendant cela, la sonnerie se déclenche pile à la fin de sa tirade. Les trois quarts des étudiants se précipitent de ranger leurs affaires pour s'inscrire. J'émets un léger soupir devant cette compétition puérile et finis d'ordonner mes cahiers tranquillement. Je détiens enfin les fils du temps jusqu'à ma prochaine heure, je ne suis pas pressé. Les élèves et le professeur sont déjà partis lorsque je mets mon sac sur les épaules.
Je me dirige à mon tour vers la sortie, à nouveau détendu et seul, lorsque j'entends les pas de quelqu'un se diriger vers la salle. Un sentiment étrange m'empêche d'avancer, je m'arrête donc et le vois entrer. Fier et calme. Son odeur me saisit, elle envahit mon espace et réveille en moi des pulsions inconnues. Mes prunelles parcourent sa silhouette fine et suivent sa démarche assurée jusqu'au bureau, là, il signe la feuille. Il se retourne ensuite vers moi, un sourire narquois aux lèvres, et s'appuie avec ses coudes sur le bureau. Ses deux pupilles sombres posées sur moi me retournent l'estomac.
L'incompréhension gagne mon être. Qu'est-ce qu'il me veut à la fin ? Et pourquoi je réagis comme ça ? Je reste un instant à le fixer droit dans les yeux, attendant sans doute des réponses à mes questions dérisoires, mais préfère m'en détourner. La vérité peut attendre. Je cours presque vers la sortie, seulement à chacun de mes pas, son regard brûlant me fait ralentir un peu plus. Je finis par m'arrêter avant de franchir la porte. Une pression dont je ne connais pas de nom retombe sur mes épaules abattues, je respire une, deux fois et me retourne. Il me scrute de ses yeux pétillants de malice, son sourire creuse une boule dans mon estomac, il m'indique alors la feuille d'un simple regard. Il veut que je signe.
« Pourquoi ? » Demandé-je d'une voix sombre.
Le même sourire orne sa bouche fine.
« Pour voir de quoi tu es capable. » Me répond-il sûr de lui.
Ses yeux profonds happent mes pensées, sans réfléchir, je marche jusqu'au bureau d'un pas déterminé. Différents sentiments se bousculent en moi, l'exaspération domine en maître. Ce défi est complètement absurde mais ne pas le relever l'est d'autant plus. Je m'incline ainsi légèrement en avant pour noter mon prénom sur une des grandes feuilles gribouillée. Tandis que la plume appuie sur le papier pour y dessiner mon nom, une décharge électrique ébranle soudain mon corps. Mes poils s'hérissent et mon sixième sens s'active. Putain, il me mate les fesses !
Mon corps s'enflamme à ce constat. Je gribouille avec peine les dernières lettres de mon prénom, les joues en feu, et me retourne vers lui, canines saillantes. Un sourire au coin des lèvres, ma réaction l'amuse. Je le foudroie d'un regard glacial, à la fois énervé par son culot et troublé par les réactions de mon corps. Désirer un vampire, il se passe quoi dans sa tête à celui-là ? Son petit jeu m'agace. Son rictus retombe soudain en voyant mon comportement défensif, il s'apprête à dire quelque chose mais je ne lui en laisse pas le temps. Je déguerpis pour de bon.
Ma maison est le seul endroit où j'ai envie d'être à présent.
Je cours à travers les rues de Séoul pour échapper à ces sensations, les grattes-ciel me surplombent de toute leur hauteur et barrent le ciel. J'essaie de quitter ces quartiers étouffants de la capitale où les citoyens s'entassent, et passe à travers un petit parc que j'affectionnais particulièrement étant petit. Mes pas ralentissent et mon esprit se laisse transporter par des souvenirs rieurs. J'y allais souvent avec mon petit frère, nous nous cachions dans un gros tube en diagonale sur l'aire de jeu. Notre mère faisait toujours semblant de nous chercher pendant quelques minutes avant de nous faire peur. Un peu plus loin, au coin de la rue, cette échoppe de confiseries « la doucerie » y offre les meilleures guimauves. J'ai toujours adoré ce nom.
Le ciel flamboyant émerge alors des bâtiments en béton et les quartiers résidentiels s'étendent sous mes pieds. J'aperçois ma maison au bout de quelques minutes. Un infime sourire étire mes lèvres. À peine ai-je franchi la porte que je file dans ma chambre et m'écroule dans le lit. La douceur des draps m'enveloppe, ma tête se cale dans l'oreiller et étouffe un soupir d'aise. Je sens la fatigue m'étreindre aussitôt et mon esprit quitter ses pensées folles. Tant pis pour le dîner...
« Taehyung cours ...
Regarde-moi ...
Vis. »
Le réveil strident m'extirpe de mon sommeil. Je grogne comme un ours et me lève avec difficulté, mes yeux mi-clos observent ces murs blancs dénués de décoration. Une chambre vide pour un homme vide. Je suis tenté de me rendormir mais pars faire ma toilette, des frissons me parcourent l'échine lorsque mes orteils entrent en contact avec le parquet froid. Dans la douche, la température de l'eau est au moins à 40 degrés. En-dessous, je risque l'hypothermie. Je m'habille rapidement avant de descendre à la cuisine, chemise, jean... banal.
Je salue Jungkook avec flegme, ce dernier grogne. Sa capuche rabattue sur la tête, son épaisse mèche décoiffée lui tombe devant les yeux et lui donne un air sombre. Il savoure un steak cru dans la salle à manger, son corps à moitié avachi sur la table. Lui et moi ne sommes pas du matin, c'est une certitude. J'ouvre le frigo pour en extirper deux poches de sang et m'affale sur la chaise en face de lui. J'engloutis le sang avec appétit, un sourire étirant mes lèvres. Ça fait du b...
« Souris pas comme ça dès le matin, tu vas me filer la gerbe. »
Sympa, merci sale mioche.
Je lui décoche une pichenette agressive sur le front, il couine et lâche enfin sa viande.
« Respecte-moi un peu plus microbe. » Le taquiné-je.
« Qu- ... »
Je n'écoute pas sa réplique sanglante et quitte le salon pour chercher mon sac. Si je me grouille pas, je vais être en retard. Je redescends vite prendre ma veste en jean, mes chaussures et pars en courant jusqu'à l'université. Le soir, je peux prendre tout mon temps, mais le matin est une autre paire de manches. Je mets toujours mon réveil le plus tard possible pour dormir plus longtemps, sacrée mauvaise habitude. J'arrive ainsi au portail la langue pendante et les muscles en miette, dès huit heures du matin. Je remarque alors un troupeau d'étudiants vers les panneaux d'affichage, certains repartent la mine dépitée tandis que d'autres sautent de joie.
Je discerne alors deux tableaux : celui avec les postes pour le festival et celui des recalés. Quelques personnes me remarquent et s'écartent, la crainte se dilue dans leurs prunelles ; cependant, d'autres me dévisagent avec dégout ou encore plus surprenant, avec jalousie. Qu'est-ce qu'ils ont tous ? Cette attention me rend nerveux, j'agis de façon irréfléchie et les effraie.
« Vous voulez quoi !? »
La plupart des élèves baissent la tête et partent en direction des bâtiments. Leur réaction m'agace, des réactions évidentes et blessantes. Une partie de moi se fissure un peu plus à chaque rejet, chaque déception envers les autres, envers ce monde pourri. Tout m'insupporte et m'afflige. Un grand brun, assez costaud, me sort de mes pensées. Il me répond sur un ton agressif, son aura d'alpha soumet quelques omégas alentours.
« Tu veux quoi Kim !? Déjà que t'as eu le plus haut poste, tu ne veux pas non plus nous frapper pendant que t'y es ? Pff, je suis sûr que tu l'as eu avec d'un moyen de pression. Tu n'as pas le même mérite que Min ! »
Il montre les crocs et je fais de même. Ma raison danse et tournoie, et s'effondre dans les ombres de ma tête. Mes poings se serrent, la haine et la tristesse se muent dans mon cœur et se consolident aux creux de ma main. J'en ai marre de tout ça.
« Répète ce que t'as dit pour voir ? » Répliqué-je, hors de moi.
Une petite humaine s'interpose tout de suite entre nous, le corps tremblant. Mon regard croise le sien, apeuré, mon reflet en elle étouffe le noir de mon âme.
« A-arrêtez... J-je pense que t-tu as quand même du mérite Taehyung... »
« Mais de quoi vous parlez ? »Dis-je exaspéré, mon cou commence à me tirailler.
La brune me pointe alors le centre du tableau d'un doigt fébrile. Mes sourcils se froncent, n'y comprenant rien. Je suis le bout de son doigt pour y lire un poste inscrit en gras, et deux prénoms marqués en dessous. Deux prénoms qui n'auraient jamais dû se trouver côte à côte. Mes paupières papillonnent mais l'inscription reste la même, imprégnée sur le papier, noir sur blanc.
Directeurs de gestion:
Kim Taehyung
Min Yoongi
Oh putain...
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