Min Yoongi

Deux semaines ont passé depuis la rentrée et le festival avance à grand pas, il faut le préparer. Hélas, aujourd'hui Taehyung doit aider sa mère à faire les courses pour l'anniversaire de son petit frère, Jungkook il me semble. Un soupir traverse mes lèvres, je ne pourrai pas le voir aujourd'hui, rien que tous les deux. Le cahier des charges sur mon bureau, ma main l'attrape pour voir ce qu'il nous reste à faire. Tous les comptes sont bons, il ne manque plus que l'installation dans les salles qui aura lieu deux semaines avant et bien sûr les déguisements et le matériel. Pour les déguisements, le père de Taehyung a des relations, il connait quelques couturiers qui pourront nous dépanner. Il manque par contre énormément de matériel. Mon après-midi va se résumer à travailler et appeler les administrateurs du festival pour les guider sur certain plan. Rien que d'y penser, me donne la migraine.

•••

Penché au-dessus de mon devoir de sociologie, mon téléphone à côté, les messages des administrateurs défilent. Ils possèdent tous des objets ou du matériel qui manquent, ce qui m'avance beaucoup dans la préparation du festival. Maintenant, je peux me consacrer à l'organisation.

Il faut que je mette tout le monde à un poste; ceux qui seront à l'entrée pour distribuer les tracts, d'autres qui feront à manger dans les stands de nourriture, avec eux des groupes qui s'occuperont de la réserve, certains seront aux stands de jeux, les plus joyeux si possible et les derniers serviront le café ou dirigeront les visiteurs à travers le festival. Taehyung et moi, nous chargerons de coordonner tout ce petit monde et d'animer les grosses activités qui se dérouleront le soir comme le test de courage ou la maison fantôme.

Une délicieuse odeur de nourriture s'infiltre dans mes narines et provoque un gargouillement dans mon estomac. Ma mère appelle tout le monde à table même si aujourd'hui il n'y a que mon père, mes frères et Namjoon, le reste des membres est parti dans leur résidence secondaire pour voir des amis. Je dévale les escaliers, mon ventre crie famine. Il est actuellement vingt heures et j'ai passé ma journée enfermé dans ma chambre entre cet événement et mon travail de malheur. Un peu de compagnie va me faire le plus grand bien.

Arrivé dans la cuisine, toute la petite famille est attablée, le repas se déroule toujours bien, quoique mon père est un peu fatigué en ce moment. Je me demande bien ce qu'il a, il doit être préoccupé par un gros dossier qui lui prend du temps et des heures de sommeil. Jiyo, l'âme sœur de Jongyu est à table avec nous et discute en langue des signes avec mon grand frère. Le repas est moins animé lorsqu'il manque des personnes à l'appel mais l'atmosphère y est plus agréable, apaisante.

Le repas fini, je débarrasse la table et suis prêt à m'enfermer de nouveau dans ma chambre pour continuer ce que j'ai à faire mais Eumae en a décidé autrement. Il me chope par le col de mon tee-shirt avant que je puisse fuir et me trimbale jusqu'à sa chambre où se trouvent déjà Namjoon et Jongyu. Ces idiots ont tous le sourire aux lèvres, ce qui est contagieux apparemment puisqu'un sourire se forme sur les miennes.

« Allez viens parler un peu, t'as assez travaillé pour aujourd'hui frérot. » Me dit mon grand frère.

« Exactement ! Ça te dit une partie de play ? » Renchérit Eumae.

Leurs comportements enfantins me font rire, mes grands frères sont de sacrés personnages. Dans la famille nous avons tous des profils très différents mais je pense que ce qui m'étonnera toujours est la différence de caractère que nous avons entre frères. C'est aussi pour cela qu'il fait si bon vivre dans ma famille, avoir une telle diversité de personnalités, on ne peut pas s'ennuyer.

« Je vais tous vous battre cette fois ! » Affirme Namjoon, un grand sourire aux lèvres.

« Tu parles, si je rentre dans la partie jamais tu vas réussir à gagner ! » Lui balancé-je sur un ton arrogant.

« C'est ce qu'on va voir les mecs ! » Dit Jongyu en nous ébouriffant les cheveux.

Nous nous posons tous sur le petit canapé de la chambre d'Eumae, devant la télé, prenons les manettes et commençons notre bataille acharnée.

•••

« J'ai gagné pour la deuxième fois ! » M'exclamé-je.

« Bien joué frérot, t'es à égalité avec moi ! » Me dit Eumae, me tendant sa main pour qu'on se check.

Mon grand frère soupire épuisé par nos matchs serrés et Namjoon pleurniche sa défaite cuisante.

« Namjoon t'as perdu tout le temps donc tu vas chercher le pop-corn dans la cuisine. » Lui ordonne mon frère en rigolant.

Namjoon manque de le frapper pour sa taquinerie déplacée mais voulant sans doute lui aussi du pop-corn, il se lève et part le chercher.

Je m'étale de tout mon long dans le sofa, mes paupières se ferment, seules mes oreilles restent en éveil, écoutant attentivement les dires de mon frère.

« Excuse-toi quand même auprès de Namjoon, c'était maladroit la façon dont tu lui as dit. » Le réprimande le cadet.

« Oui, ok, je m'excuserai. » Râle l'aîné, n'aimant vraiment pas être réprimandé.

Même les yeux fermés, je peux distinguer le sourire satisfait d'Eumae et la mine bougonne de Jongyu. On se demande parfois qui est l'aîné des deux.

Notre frère cadet aime prendre soin des autres, est serviable contrairement à Jongyo plutôt rentre-dedans, maladroit, fier, qui pense avoir réponses à tout. Le monde de la finance lui convient bien dans un sens, ça va bientôt faire trois ans qu'il travaille dans les hautes sphères de la BM tout de même.

Eumae quant à lui, est dans sa dernière année d'études. Il va recevoir son diplôme à la fin de l'année. Il a souvent changé de voies et était indécis par rapport à son futur mais il a enfin trouvé quelque chose qui lui plait vraiment, un métier dangereux qui ne plaît pas à mon père mais auquel il n'a pu s'opposer, étant donné que lui-même pratique aussi une profession à risque. Il compte bien être à la tête de diverses entreprises qui se sont données pour mission d'aider les pays en guerre, les populations qui souffrent de famine, qui ont besoin de soins médicaux, d'une scolarisation.

C'est dangereux car les employeurs sont souvent l'objet de nombreuses attaques et nous n'avons d'ailleurs jamais compris par qui elles étaient commandées. Cela reste un mystère jusqu'à maintenant et pose problème dans le monde, aujourd'hui.

Le bruit de la porte se fermant et l'odeur sucrée du pop-corn m'indique que Namjoon est revenu. Mes yeux s'ouvrent et un sourire se dessine sur mes lèvres lorsqu'il arrive avec l'immense saladier. Il me renvoie mon sourire et évite soigneusement de croiser le regard de Jongyu. Il s'assoit ensuite à mes côtés et dépose le casse-croûte sur la table basse qu'a installé Eumae entre temps.

« Pardon Namjoon et merci pour le pop-corn. » Dit Jongyu à toute vitesse comme si s'excuser lui brûlait les lèvres.

Un sourire de vainqueur vient étirer les lèvres de Namjoon puis son regard accroche celui de mon frère. La petite moue de mon frère ne met pas longtemps à faire craquer mon cousin.

« Pas de problème ! Je les attendais tes excuses ! » Lui répond Namjoon taquin.

Mon frère grommelle dans sa barbe qui a d'ailleurs bien poussé. C'est très moche.

« Dis, tu comptes concurrencer le père Noël avec ta barbe ? » Lui dis-je avec un sourire narquois.

« Rah ça va ! Je comptais me la raser, c'était un défi débile donné par mes potes ! » Se défend-il, roulant des yeux.

« C'est vrai que c'est pas hyper seyant... » Renchérit Eumae.

« Je vous ai dit que j'allais me la couper ! Je sais que c'est moche merci ! » Commence à s'énerver mon frère, irrité par nos réflexions.

Namjoon gesticule ses bras en l'air pour attirer l'attention sur lui et apaiser les tensions.

« On s'en fout ! On ne se dispute pas pour ça, c'est idiot ! Moi, j'ai une question pour Yoon, dit, ça se passe comment avec Taehyung ? » Me demande-t-il, un sourire en coin.

Changement de sujet et d'atmosphère radical. Tous les regards se braquent sur moi, l'un curieux, l'autre pervers et le dernier : enjoué.

« Vous l'avez fait ? » Me demande cash Jongyu.

Un soupir m'échappe. « Non mais je rêve ... »

« Mais on s'en fout de ça ! Vous vous êtes vu plusieurs fois ? Vous vous êtes embrassés ? Tu lui as dit que tu l'aimais ? » Eumae me bombarde de questions.

« Non on n'a pas encore eu de rendez-vous seul tous les deux, sinon oui et oui. » Lui répondis-je sur un ton feignant l'ennui.

« Alala... vous avez de la chance d'avoir trouvé vos âmes sœurs... » Soupire-t-il dépité, ses prunelles noisettes claires rejoignent le sol.

Namjoon lui tapote l'épaule, un sourire compatissant aux lèvres.

« Tu vas la trouver, ne t'en fais pas ! Puis ça peut être n'importe qui ! La preuve avec Yoongi, son âme sœur est un vampire tout de même, c'est fou ! » L'encourage Namjoon, ce qui décroche un petit sourire amusé à mon cadet qui le regarde droit dans les yeux.

« Avec Jiyo, vous filez le parfait amour ? » Questionné-je Jongyu qui a cessé de parler.

Ses yeux se fondent dans les miens, essaient de scruter le sous-entendu de la question. Il arrive très bien à le comprendre.

« Non, parfois on se dispute. Tu auras forcément des hauts et des bas avec Taehyung. »

Bon, ça a le mérite d'être clair.

Il m'offre un sourire rassurant, en sentant mon anxiété. Le futur est tellement imprévisible, je me demande toujours ce qu'il me réserve; si ma vie sera pénible ou légère, les malheurs qui me tomberont dessus, tous ses obstacles qui se dresseront devant moi, toutes ses personnes qui souhaiteront me voir tomber pour que finalement j'arrive à me relever encore plus fort. Mes pensées n'ont pas le temps de s'égarer un peu plus longtemps sur cette question que Eumae me tapote gentiment l'épaule, me sort de ma rêverie.

« Ne t'inquiète pas Yoon quoiqu'il arrive nous sommes là pour toi. » Il m'offre un clin d'œil.

« Bah je l'aime quoi ... » Susurré-je tout bas, leurs réactions ne se font pas attendre.

Trois énormes tapes dans le dos me font couiner de douleur. Eumae me fait alors un câlin, Namjoon suit et Jongyu se rajoute. La fraternité qui se dégage de notre échange est chaleureux, une promesse est intimée, celle de toujours rester souder et de s'aimer. Mes paupières se closent, chaque partie de mon corps enregistre la chaleur de notre embrassade, ma mémoire ouvre la porte de mes souvenirs et y place cette sensation : ne jamais perdre à l'esprit ce qui nous unit.

Ma famille est ce que j'ai de plus cher et Taehyung en fait partie à présent.

•••

Mes pas me ramènent jusque dans ma chambre, ma main arpente les murs, mon corps est vidé de toute énergie. Ils m'ont épuisé. Mes prunelles se perdent sur la surface blanche des couloirs, mon esprit est plongé dans un état second, en dormance. Mes pensées sont focalisées sur la sensation que me procurait une bonne nuit de sommeil.

Pourtant, mon attention est détournée par cette lumière vive émanant du bureau de mon père. Mes yeux tombent sur l'horloge au fond du couloir, il est bientôt minuit et demie. Sans y réfléchir à deux fois, mon corps fait demi-tour et s'élance dans la cuisine. Ma main ouvre le placard de tisanes, chope une tasse et la remplit d'eau bouillante que Jiyo laisse généralement, si l'un des membres de la famille souhaite se faire une tisane pour calmer ses humeurs. La tisane infuse dans l'eau, y dépose cette couleur jaune qui me remémore la couleur atypique que prennent mes iris lorsque mon alpha prend le dessus dans ma personnalité.

La boisson préparée, je me redirige en quatrième vitesse vers le bureau. Je pousse la porte à l'aide de mon coude, mes mains étant prises. Le grincement de la porte et l'odeur de la tisane suffit à mon père pour savoir que quelqu'un est entré dans son espace privé et personne n'y entre sans permission, normalement.

Toujours dos à moi, la tête penchée au-dessus de toute cette paperasse et de son ordinateur, le dos tendu, courbaturé; sa voix grave résonne dans l'habitacle.

« Combien de fois Yoongi vais-je devoir te dire que je déteste quand on ne toque pas à la porte ? » Me réprimande-t-il.

« Autant de fois qu'il le faudra pour que je continue. » Le taquiné-je.

Cette réponse le fait se retourner vers moi, la pression de son regard ne me déstabilise plus depuis le temps. Je m'en moque, mon attention est toujours absorbée par cette pièce singulière. Mes prunelles passent sur les étagères ordonnées, où chaque dossier est rangé à sa place, toutes ses affaires de meurtres, de cambriolages, de viols qui sont à présent classées. Les murs sont d'une couleur assez sobre, gris; il n'y a qu'un mur chocolat face à la porte qui apporte un peu de chaleur à cette pièce, sinon des photos de famille, des dessins de mes frères et moi lorsque nous avions quatre ans. Histoire de ne pas plonger mon père dans la dépression avec toutes ses affaires morbides, lui rappeler que nous sommes là, derrière lui.

Je m'avance vers lui et dépose la tasse à ses côtés, ses yeux se posent dessus puis une main passe derrière mon dos pour ensuite se déposer à ma taille. Il y fait deux petites pressions, une sorte de câlin de la part de mon père, comme un remerciement, une marque de tendresse.

Mes pupilles glissent ainsi sur son visage, des cernes creusent ses yeux et son teint est blafard. Il est très fatigué. Sa main un peu tremblante attrape la tasse pour l'amener à ses lèvres, il en boit quelques gorgées en fermant les yeux. La sensation de chaleur doit l'aider à se détendre. Il la repose ensuite et retourne à son ordinateur.

« L'affaire est compliquée ? » Lui demandé-je inquiet de son état.

Un soupir traverse la barrière de ses lèvre, ses yeux fatigués continuent de scruter l'écran et ses doigts de taper péniblement sur les touches du clavier.

« Tu ne peux même pas imaginer ... Cette enquête est impossible. »

Mes yeux s'écarquillent de stupeur. C'est la première fois que j'entends ces mots sortir de la bouche de mon père. Lui qui ne perd jamais espoir, s'accroche toujours dans les dossiers les plus difficiles. Je suis abasourdi. Mon cœur est transpercé d'une grosse épine, voir son visage si anéanti me laisse un goût amer dans la bouche. J'aimerais l'aider mais en suis incapable.

« Elle est aussi compliquée que ça ? » Murmuré-je pour moi-même, bien sûr mon père m'entend.

« Oui elle est incroyablement complexe, des enquêteurs incapables me l'ont refilée après tant d'années. Aucune preuve tangible n'a été trouvée pour l'instant et il me faudrait un miracle pour la résoudre. »

Il passe une main sur son visage, essayant de rester éveillé. Mon cœur se comprime dans ma poitrine, le voir comme ça m'est insupportable.

« Ça parle de quoi ? » Me risqué-je, ma curiosité piquée.

« L'affaire est, en elle-même, extrêmement difficile et ne te regarde en aucun cas... » Ça, ça veut dire que je suis trop curieux. « Mais en ce moment, j'essaye de chercher un possible suspect parce qu'un homme qui arrive à faire une fuite dans le réseau d'informations du Gouvernement Mondial, n'est pas n'importe qui. Je peux te l'assurer. »

Je suis estomaqué par ce que je viens d'entendre.

« Quoi ? Quelqu'un a réussi à hacker le réseau du GM !? » M'exclamé-je sur le choc.

« Je ne sais pas encore exactement comment il s'y est pris justement, si c'est du hackage ou de la manipulation mais quoiqu'il en soit des dossiers de personnes qui travaillent au GM, ont été dérobés. »

Un énième soupir franchit ses lèvres suivi d'un bâillement disgracieux, pour moi s'en est trop.

« Ok bon l'affaire est inextricable, donc une bonne raison pour aller dans ta chambre et dormir ! »

Ma main agrippe la manche de sa chemise immaculée et la tire à moi, de façon à ce qu'il me suive. Mon père rouspète mais se laisse tout de même faire, étant sans doute trop épuisé pour discuter mon ordre. Ma force l'entraîne après moi dans les couloirs de la maison, ses pas sont semblables à ceux d'un éléphant, me démontrant une fois de plus son épuisement. Troisième porte à gauche de ce couloir, la chambre de mes parents. J'ouvre la porte sans aucune délicatesse et réveille ma mère en sursaut. Cette dernière se précipite vers nous lorsqu'elle voit l'épave qui pend au bout de mon bras. Elle vient de l'autre côté de mon père et m'aide à le transporter jusqu'au lit. A peine est-il allongé que ses paupières se ferment et que les ténèbres de la nuit l'emportent.

Ma mère se tourne ensuite vers moi, m'offre un sourire et dépose un baiser sur ma tempe, m'intimant d'aller me coucher.

Je me retourne alors, sans attendre, et sors retrouver mon lit douillet.

Mon père est exténué, j'espère qu'il trouvera le ou les coupables bientôt. D'ailleurs, je me demande bien à quoi ils peuvent ressembler ..?