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22| Protection 👺

Kim Taehyung

Je me réveille le torse luisant, la respiration haletante et un membre en feu. Mon rêve était chaud, bien plus que tous les autres. Demain, c'est la reprise des cours et je suis vraiment inquiet de ce qui peut se produire. Je tourne la tête et lis l'heure sur le cadran. Je n'ai pas le temps de décoder les chiffres que la voix de mon charmant petit frère hurle d'en bas.

« Taehyung à table ! »

Je grogne avant de lui donner une réponse sur le même ton.

« Deux secondes, je vais me doucher ! »

Je chope une serviette et file dans la cabine. Une fois fini, une effluve de noix de coco enrobe mon corps, mes muscles sont détendus. Je descends et rejoins la famille Jeon, attablée autour de verres de sang et de steaks crus. Je m'écroule sur la place qui m'est attribuée, en face de Jungkook et à droite de Seoyeon. Une femme délicate, au tempérament de feu. Ses longs cheveux bruns tombent en cascade sur ses épaules nues. Son visage gracieux ne lui prête jamais un mauvais langage.

Le repas a l'air de bien se dérouler malgré mon désintérêt total pour la conversation. Mes pensées dérivent sur un certain alpha bien trop parfait, sur mes sentiments, à ce qui pourrait arriver demain lorsque je le retrouverai et bien sûr, la plus grande question : Yoongi est-il mon âme sœur ou non ? Une boule de stress s'installe dans mon ventre et me coupe l'appétit. Qu'est-ce que je vais faire s'il est mon âme sœur, s'il ne l'est pas ?

C'est Hyunseok, présidant à la table, qui me ramène avec eux en me posant une question à laquelle j'aurais préférée ne jamais répondre –si l'on m'en avait donné le choix.

« Et toi Taehyung, les loups-garous ? Tu en côtoies souvent dans ton école, tu devrais te faire une idée plus précise par rapport à nous ... Alors, quel est ton point de vue par rapport à eux ? »

Mes yeux se perdent dans la profondeur des siens, un regard qui fige votre âme. Hyunseok est impressionnant. Je ne me laisse pas happer par la tension à table et essaie de trouver par quel bout prendre cette question. C'est un sujet sensible pour monsieur Jeon.

« Et bien... »

Les mots s'éteignent dans la noirceur de mes pensées, tout devient confus. Cette discussion est une véritable chimère. J'envoie un signal de détresse à Jungkook qui décide de prendre la parole.

« Je pense qu'il y a des loups bons ou mauvais comme pour les vampires et les humains. » Répond Jungkook d'un ton neutre, sans réelle position.

Les prunelles acérées de Hyunseok mitraillent son fils qui déglutit et reporte son attention sur le plat. Il pose ensuite son regard acéré sur moi et attend une réponse. Une qui aille dans son sens. Malheureusement pour lui ou pour moi, l'image de mon alpha aux cheveux d'ébène revient peupler mon esprit. Je commence dangereusement à dériver sur mes vraies pensées, mes ressenties.

« Les omégas sont assez timides... les bêtas, très honnêtes et serviables. Il ont beaucoup de franc parler... tandis que les alphas sont... » Je perçois les traits de son visage, « Beaux et fiers et aussi très appréciés. Je pense que cela vient du fait qu'ils sont... » ses sourcils froncés, ses grosses lunettes, son sourire... « sérieux et essaient d'être les meilleurs possibles pour ne pas décevoir les personnes auxquelles ils tiennent. »

Un silence gênant envahit la pièce après mon monologue plus qu'élogieux sur les loups-garous. Je me rends peu à peu compte de l'impact de mes mots. Je me tortille sur la chaise, embarrassé, et échappe au regard accusateur de Hyunseok. Et merde. Ce dernier a un air dur, il se tourne brusquement vers madame Jeon et la teint de reproches.

« Tu vois ! Je t'avais dit que c'était une mauvaise idée qu'il aille dans une université mixte ! Tu as entendu ce qu'il a dit ? »

Il jette avec rage sa serviette sur la table, des verres basculent et se brisent au sol. Il s'en va de la pièce et laisse derrière lui un silence atterrant. Seoyeon ne perd pas une seconde et court après lui, tentant de le raisonner. Des cris s'élèvent alors au loin dans la maison et refroidissent l'atmosphère.

Ok, repas catastrophique.

Les prunelles de Jungkook rencontrent les miennes. Il m'intime de rester calme et me demande d'une œillade de débarrasser la table avec lui, ce que je fais naturellement. Nous déposons les assiettes, verres et couverts dans le lave-vaisselle, sans piper mot, Jungkook s'en va ainsi et laisse place à quelqu'un d'autre.

Je me tourne vers cette personne et croise son regard doux. Seoyeon. Des centaines de questions habitent mes pensées mais aucune ne s'échappe. Je les retiens, la scrute, la supplie de parler.

« Que veux-tu savoir Taehyung ? »

Un sourire timide se forme au coin de mes lèvres. Je soupire et me lance à corps perdu dans un sujet abandonné, que personne n'ose jamais abordé ici.

« Pourquoi Monsieur Jeon n'aime pas les loups ? Il est pourtant très tolérants sur plein d'autres choses ... » Chuchoté-je mal à l'aise.

Madame Jeon émet un léger soupir, ses lèvres s'étirent en un demi-sourire fade et triste.

« À cause du passé... » Me répond-elle, tout aussi bas.

« Explique-moi. »

Des doutes sinistres encombrent sa tête torturée, elle se décide à me donner des explications jamais avouées.

« Tu le sais, son démon est puissant. Lorsqu'il était à l'université, on lui avait mis le même genre de collier que toi pour le canaliser puisque à l'époque et toujours maintenant, la loi qui nous passe sous silence était toujours en place ... Le problème est qu'il était devenu trop faible pour se défendre. À son école quelques loups se moquaient de lui. »

« Comment ça ? » Demandé-je, peiné.

« Oh tu sais, ce que des ados font à d'autres... » Me dit-elle, évasive. « Il a juste peur pour toi Taehyung. Il tient beaucoup à toi... »

Cette histoire m'était inconnue, comme tout ce qui concerne monsieur Jeon en fin de compte. L'idée qu'il ait pu souffrir me brûle la poitrine. Cet homme si fort m'a aidé à traverser les pires tempêtes, m'a toujours soutenu dans mes moments de faiblesse. Il est mon gouvernail. Le savoir en peine m'affecte.

« Taehyung, nous ferions n'importe quoi pour toi tu sais ... Alors à l'avenir, n'aie pas peur de nous dire les choses. Nous t'aimons et te protégerons au péril de notre vie pour qu'il ne t'arrive plus rien. »

Ses paroles s'écoulent dans ma poitrine. Elles me submergent, m'enveloppent d'espoir. Elle caresse alors lentement ma joue, son toucher maternel me comble de merveilles.

« Nous sommes fiers de toi, Taehyung. Tu es une de nos plus grandes fiertés. »

Ma vue se brouille mais je ne pleure pas. Je m'incline devant elle avant de me dérober. Je me retrouve à l'entrée du bureau de monsieur Jeon. La porte ouverture laisse apparaitre cette pièce aux dimensions immenses. Les murs chairs datant de la construction de la demeure se heurte au bureau de verre, trônant au centre. Derrière, debout au milieu de son balcon, Hyunseok balaie son agacement dans un coin de sa tête, une cigarette entre les doigts.

Mon pied se dépose sur le parquet, sans un bruit. Mes pas le frôlent à peine, se fondent dans les tictac du pendule. Je ne me trouve qu'à un mètre de lui. Sa silhouette sombre et imposante s'insère dans le tableau de cette nuit. Une nuit calme et douce. Si de ce tableau, la lune est la reine, son ombre en est le roi.

« Je suis désolé. »

Je ne m'attendais pas à ce qu'il parle, même si ce n'est pas étonnant. Hyunseok est très puissant. Une fourmi, il l'aurait entendu à la seconde où elle franchit le seuil de la maison. Il se retourne et me fait face.

Je m'enracine, planté devant lui. Ses mains se posent délicatement sur mes épaules et un sourire étire sa bouche. Un sourire tendre et coupable.

« Je m'excuse. » Me dit-il, les yeux fuyants. « Je ne devrais pas te comparer à moi, tu as le droit de bien aimer les loups. Après tout, je ne suis plus un enfant, il faut que je sache faire la part des choses. » Finit-il sur un ton posé et rassurant.

Je me courbe plusieurs fois pour le remercier, me sentant faillir, la gorge nouée.

« Moi, je te remercie pour tout ce que tu fais pour moi, pour ta bienveillance. »

« Pour ça, il n'y a pas de quoi Taehyung. Tu es mon fils après tout. »

Les larmes remontent et franchissent les palissades. Je me mords la lèvre, vaine tentative de les retenir. Elles dégringolent mes joues et allègent ma peine. Monsieur Jeon me tend un mouchoir, avant de m'amener contre lui pour une brève accolade réconfortant mon cœur déboussolé.

******

La soirée s'est bien finie. Assis sur le toit de la maison, les jambes repliées contre mon torse, je me perds dans les étoiles. Le firmament me libère ses secrets du monde. Un sourire se dessine sur mes lèvres en repensant à mes discussions de ce soir. Seoyeon... Hyunseok. Des traits familiers se peignent ainsi dans le ciel constellé et gonfle mon cœur de joie.

« Yoongi... »

Son prénom se détache à peine de mes lèvres, il se fait emporter par le vent et se mêle aux ténèbres de la nuit. Le calme m'encercle, là où la solitude n'a pas de place. Cette sensation, cela fait longtemps qu'elle ne s'est pas infiltrée dans mon cœur. Il fait si bon d'être rassuré par le silence.

La brise fraiche me fait frissonner, elle apporte avec elle une odeur familière.

« Tu en as parlé à mon père ? »

Jungkook s'assoit à mes côtés, les yeux dans les étoiles.

« De quoi ? » Demandé-je, tout bas.

« Pour Yoongi. »

Je soupire, comprenant le fond de sa pensée.

« Tu sais que si vous êtes âmes sœurs ... ça va être compliqué ? À tout point de vue. »

Ses mots éveillent une certaine mélancolie, l'impression d'être à nouveau trahi par ce monde. Le ciel devient trouble tout comme mon cœur qui n'y voit plus clair.

« Je sais. » Soufflé-je.

« Tu as peur ? »

Il tourne son visage vers moi et contemple le chagrin qui assiège mon âme. Je me sens si faible.

« J'ai peur de le perdre. »

Ma phrase est laissée là, entre nous et le ciel, la vérité ne redescend pas tout de suite. Elle ne s'abat pas encore sur nos êtres tourmentés. Seulement, Jungkook pose une main bien froide sur mon épaule et brise l'illusion. La vérité s'écroule.

« Notre relation sera interdite c'est ça ? »

Le silence est comblé par le bruissement des feuilles, titillées par le vent. Je me laisse aller, oublie un instant ma question. Sa fatalité. La réponse de mon frère encercle mon cœur d'un sentiment amer.

« Oui, je pense que votre relation sera interdite. »

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