18| Chant 👺
Kim Taehyung
Dimanche, le soleil est radieux. Il projette ses rayons sur la ville et y diffuse sa chaleur dans le cœur des gens. La lumière traverse les grandes fenêtres et illumine les parois anciennes de la bibliothèque. Ma main effleurée par les rayons, continue cette activité qui apaise mon être. Les livres sont posés un à un, chacun sa place, remettant de l'ordre dans le cours de mes pensées. Mon esprit s'égare par moment. Ces mains chaudes errent de nouveau sur ma peau, ces lèvres satinées épousent les frissons dans mon cou. Ces souvenirs fuguasses m'écartent de mon travail. Une chaleur se crée en bas de mon ventre et éveille en moi une frustration grandissante.
Un soupir de mécontentement fend le silence de la bâtisse calme. Jour férié.
Les livres restants sont enfin remis à leur place. Je m'apprête à partir ranger le charriot lorsque mon attention est captée par une ombre au bout de l'allée. Je tourne brusquement la tête et vois cette habituelle touffe noire couvrir de grosses lunettes rondes. Ses longs cils cachent ses prunelles sombres qui parcourent les lignes des Fleurs du Mal.
Je suis subjugué. Cette position, cette sensation, tout est comme au premier jour. La première fois où je l'ai vu ici, assis à la même table, avec le même livre. Ses iris se sont ainsi relevés dans les miens et mon cœur s'est fait capturer. Il s'est retrouvé entre ses mains, à sa merci. Il aurait pu le piétiner mais il n'a fait que le chérir. Suis-je important pour lui ? N'aie pas la prétention de l'affirmer Taehyung.
Un sourire en coin apparaît sur sa bouche et en sculpte un sur mon visage. Je me plante devant lui, les mains posées sur les hanches, et le regarde s'humecter les lèvres, m'observer d'un air rieur. Il se redresse sur sa chaise et gagne quelques centimètres. Il a beau être petit, son aura lui donne une prestance que personne ne peut contester. Je me racle la gorge et lui balance une remarque sarcastique.
« Monsieur, aujourd'hui c'est jour férié. »
Il pouffe devant ma petite comédie et pose une main sous son menton, faisant mine de réfléchir.
« J'en suis désolé mais je n'ai pu m'empêcher de venir voir le libraire. » Une lueur amusée traverse ses prunelles.
« N'importe quoi... »
Je lève les yeux, tout de même amusé par son ton aguicheur. Il se met soudain sur ses jambes et se poste devant moi. Ses mains se faufilent dans mon cou, un frisson remonte le long de mon échine. Il enlève alors mon collier, sans prévenir. Contrairement à la dernière fois, mon corps n'est pas plongé dans une longue léthargie. Je ne sens qu'une puissante décharge électrique parcourir mon corps entier et ma soif s'éveiller. Bordel.
« En fait, ma principale raison d'être ici, c'est pour que tu apprennes à te contrôler. » Me sourit-il.
Mes prunelles le fixent, encore éberlué par ses actions et les propos qu'elles portent. Il n'a pas peur de mon démon, il est même prêt à m'aider...
« T'es fou. » Murmuré-je.
« Non, je veux juste mieux te connaître. » Me répond-il en haussant des épaules.
Mon cœur se détache à nouveau et se retrouve entre ses mains. Il est le seul à avoir le contrôle. Yoongi se dirige vers la sortie de la bibliothèque. Je reste interdit quelques secondes avant de me précipiter vers lui.
« Tu vas où ? » Hurlé-je.
« Dehors ! » Me répond-il sur le même ton.
Ni une ni deux, je passe devant en quatrième vitesse et lui bloque la porte.
« Non, surtout pas dehors sans mon collier ! Il y a pleins de civils, c'est beaucoup trop dangereux ! » M'énervé-je un peu.
Il m'analyse, son côté joueur ne me rassure pas. Je n'arrive pas à cerner ses pensées. Que veut-il bien faire dehors de toute manière ? A-t-il seulement conscience du danger ? de ma force ? Yoongi observe mon visage dur, où les questions s'entassent. Il bat alors des cils, essayant de m'amadouer oui de me faire rire, je n'en sais rien, mais cela fonctionne. Je lâche un rire léger et m'écarte un court instant de mon but, Yoongi saisit l'opportunité.
« Ne t'inquiètes pas, si ça dérape je suis là. »
Je me ressaisis aussitôt et redresse mes barrières.
« Mais non, j'ai bien plus de force que toi sans mon collier. Tu crois pouvoir faire quoi ? » Répliqué-je, agacé par son entêtement.
« Qui te dit que je vais utiliser la force ? »
Son sourire en coin réapparait, me faisant imaginer beaucoup de choses... Sa main s'avance vers la poignée mais je l'intercepte. Mon corps se rapproche du sien, essaie de l'intimider par notre proximité.
« Tu comptes faire quoi alors ? » Murmuré-je, mes prunelles froides posées dans les siennes.
Je supposais que cette approche le déstabiliserait mais, de toute évidence je ne le connais encore pas assez, un rictus s'étale sur son visage et il comble l'espace entre nous. Son souffle chaud s'abat sur mes lèvres gelées, ma gorge devient sèche. Mon corps frémit.
« Je te dérouterais d'une manière qui te rendra fou ... » Sa voix basse m'ensorcelle.
Je suis paralysé, mon cerveau a court-circuité. Il se détache de moi, avec toujours le même sourire, et se faufile à l'extérieur. Le vent frais gifle ma peau et me sort de mes songes. Le froid me ramène définitivement sur Terre. Je vois Yoongi s'enfoncer dans la foule et disparaître petit à petit. Il est déterminé, je ne peux plus l'arrêter.
Je me mets alors à sa poursuite, et, de manière hasardeuse, attrape sa main à travers celles des passants. Il se tourne vers moi, les yeux ronds, et regarde nos mains entrelacées. Je n'ai jamais tenu la main de quelqu'un, je ne suis même pas très tactile. D'habitude on m'évite, alors je n'ai jamais exécuté le premier pas. Est-ce toujours si compliqué de tenir la main de quelqu'un ? Je détourne immédiatement le regard et pense à extraire ma main, mais Yoongi la serre et rigole. Mon attitude l'amuse.
« Allez viens, je t'emmène n'importe où tu voudras. » Dit-il, souriant.
Il reprend sa marche et m'emporte avec lui. J'observe son dos, sa silhouette qui se détache dans le ciel nuageux.
« Je pensais qu'on devait contrôler mon pouvoir ? » Dis-je, mon sourcil s'arque en interrogation.
« Oui, tu vas passer une journée en ma compagnie, sans ton collier. » M'explique-t-il.
« Je ne le sens pas... » Murmuré-je, en tirant la grimace.
« Fais-moi confiance. »
Il m'offre un clin d'œil, sa prise sur ma main s'intensifie. Nous nous mettons ainsi à courir à travers les rues de Séoul.
******
« ... MY TONGUE TECHNOLOGY. »
Yoongi termine la chanson, accompagné de la grosse caisse. Les applaudissements se déchainent, des passants se sont arrêtés au fur et à mesure de sa prestation et l'ont écouté avec passion. En effet, dans un parc non loin de la bibliothèque, se trouve un karaoké à ciel ouvert. Yoongi s'est empressé d'y participer dès qu'il l'a vu. Son talent pour le rap est indéniable. Il réussit à happer tout ceux qui l'écoutent.
« Ok, à ton tour maintenant Tae ! »
Assis sur le banc, mes prunelles le fixent, incrédule. Attends, il vient bien de me demander de faire ça en public ? Je secoue mes mains plusieurs fois en signe de négation et espère vraiment qu'il lâche l'affaire.
« Non, non, c'est bon. Je préfère t'écouter toi. »
Il attrape aussitôt mes mains et me tire une petite moue triste. Je tourne la tête sur le côté et me force à ne pas le regarder. Ne cède pas !
« Allez, s'il te plaît Tae... »
Son ton suppliant... J'essaie de résister quelques secondes mais, du coin de l'œil, je le vois accentuer sa moue. Argh!
« Je sais que chanter... » Marmonné-je, vaincu.
Un immense sourire se plaque sur sa bouche. Je suis faible. Yoongi m'observe avec une mine septique avant que son visage ne s'éclaire.
« Parfait. Si je chante, tu rap ! »
Je réfléchis un instant à sa proposition, un sourire fend mes lèvres. Cet accord me plait. Nous sélectionnons ainsi une chanson où chant et rap sont mélangés...
Alors, comment expliquez ..? C'est un désastre. Un merveilleux désastre.
Mon flow est inexistant. Je n'articule pas assez et gesticule dans tous les sens, essayant d'avoir l'air « cool » comme les rappeurs. J'ai donc abandonné les gestes pour enchaîner une flopée de dab à côté de Yoongi, complètement hilare. Ce dernier n'a pas à se moquer. La chanson que nous avons choisie est trop aiguë pour lui et sa voix ne passe aucune note. Seulement, à chacune de mes actions enfantines et de ses fausses notes sonne comme une douce mélodie.
Je me sens bien. Libre. Heureux.
La chanson finie. Nos éclats de rires se mêlent aux applaudissements des spectateurs joyeux qui ont assisté au massacre. Une jeune fille à travers la foule me crie alors de chanter Thinking out Loud d'Ed Sheeran car d'après elle, j'ai une « voix magnifique ». Je rougis un peu à ce compliment, et me racle la gorge pour reprendre contenance. Ce détail n'échappe pas à Yoongi, il s'amuse de me voir gêner ainsi et me dédie un sourire lumineux.
Il donne son accord à la blonde —sans prendre la peine de me consulter, évidemment— et court me chercher un micro qu'il accroche à mon oreille. Thinking out Loud commence à résonner dans la nature. Mon corps se laisse aller au son de la mélodie, les paroles d'amour les déguisent d'un par-dessus élégant. Je chante. Je me laisse aller à ces mots qui prennent sens dans mon esprit flou. Ils se bousculent et persistent dans ma tête, en ressortent quelques pensées farfelues... comme si ces sentiments étaient les miens.
Mon regard se verrouille à ces deux galaxies. Je ne peux plus m'en échapper. Les environs se font happer par les yeux de Yoongi, il devient ma seule vérité. À chaque phrase, la caresse de ses iris est de plus en plus délicieuse. Mon âme chante.
Le solo de guitare me transporte, mes hanches se mettent à bouger, me laissant emporter par le rythme lent de la musique. Yoongi descend son regard sur mon corps qui ondule, sublime le moment. Il erre sur mon torse, mes hanches, mes jambes... je ne sais quelle folie me prend en cet instant et décide de jouer de son intérêt. Je fais un tour sur moi-même et balance innocemment mes fesses. Ses prunelles avides se posent dessus. Un sourire étire mes lèvres, je me découvre fier de ce petit manège.
Nous nous retrouvons une nouvelle fois face à face. Ses prunelles s'ancrent aux miennes, ses dents mordent lentement sa lèvre inférieure. Le refrain réapparaît. La lueur de désir dans ses pupilles se transforme, elle aussi, en un sentiment bien plus fort qui ébranle les abysses de mon esprit. Cette émotion dans ses yeux, je l'ai déjà vue plusieurs fois mais impossible de mettre un nom dessus. À quoi penses-tu Yoongi ?
Je réduis ainsi l'espace qui nous sépare et essaie de sonder le fond de ses pensées.
« Tu chantes si bien ... » Chuchote-t-il.
Il accompagne sa réplique d'un sourire charmeur, je me mords la lèvre pour éviter de rire et lève une énième fois les yeux au ciel.
« Arrête ça. » Dis-je, en masquant le micro.
« Arrête quoi "ça" ? »
« Me draguer. » Mes yeux se détournent, embarrassé par mes propres mots.
Je continue à chanter tandis que Yoongi prend un malin plaisir à me taquiner.
« Te draguer ? Pourtant, j'ai l'impression de dire la vérité non ? »
Mes joues s'enflamment pour de bon, il est fier de lui. Merde !
« Q-quoi ..? » Foutu bégaiement !
« Rien. » M'affirme-t-il, son éternel sourire collé aux lèvres. « Accepte de danser avec moi plutôt. »
Il rapproche ainsi nos corps. Nos torses se touchent et son souffle chaud s'abat sur mon visage. Il pose une main sur ma hanche et rapproche nos bassins. Ce contact électrise mon corps. J'ai chaud. Il m'emporte dans la danse, ses pas guident les miens plus incertains. Mon monde tourne, suit notre ronde. Il n'y a plus que nous qui persistons, le reste n'est qu'illusion.
Ma voix déraille par moment, pris de court par sa main qui resserre ma taille ou son souffle qui passe sur mes lèvres. Yoongi me fait tournoyer sur moi-même, me provoque des rires. Nos prunelles se rejoignent immédiatement après ces courts écarts. La sensation qu'un lien invisible aimante nos regards et nos corps.
Je suis comblé. Seulement, ce n'est rien comparé au sentiment qui me traverse lorsque sur la note finale, Yoongi s'approche de mon oreille et me chuchote ces quelques mots. Une malédiction qui capture mon cœur.
« Ta voix est si belle Tae. J'aimerais l'entendre pendant des heures, parsemer mes nuits... écorcher mon âme. »
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