10| Séminaire (1/3) 👺
Petite précision : ils sont au printemps, donc pas de neige !
Kim Taehyung
Les roulettes des valises sur le parquet font une cacophonie d'enfer. Les élèves regagnent les chambres dans lesquelles ils ont été répartis. Cette demeure est immense. Ma chambre avec Yoongi est tout au fond de l'aile gauche, un peu à l'écart des autres. Un petit plan m'aide à me repérer, j'arrive à l'endroit plus vite que prévu et découvre notre chambre. Une pièce spacieuse et éclairée, composée de deux lits en bois, chacun collé au mur opposé. À droite, un secrétaire noir est inondé de lumière, la grande baie vitrée laisse pénétrer les rayons et les senteurs de la nature.
« Wow ... »
« Tu aimes ? » Demande une voix derrière moi.
Je ne me retourne pas vers lui, subjugué par la beauté de la pièce. Un sourire dans ma voix me trahit.
« Oui, c'est super... »
Je parcours des yeux les petits détails de cette chambre. Sur la rambarde de la baie vitrée, des motifs en bois y sont finement sculptés, une plante verte trône sur le secrétaire et apporte une touche de couleur. J'imagine très bien son sourire satisfait en me voyant aussi excité et l'entends s'éloigner. Mon corps se retourne aussitôt vers lui, interpellé par son action.
« Où vas-tu ? » Lui demandé-je d'une voix forte.
Il se tourne à son tour, une expression amusée anime ses traits. Mes sourcils se froncent, mon bonheur se suspend un temps.
« Je te rappelle qu'on a donné rendez-vous à tous les élèves dans le salon principal pour établir le programme. »
Mes yeux s'arrondissent, mes responsabilités me retombent dessus. Je me rappelle l'emploi du temps serré que nous avions convenu, ma conscience goûte à cette honte fugace. Je déglutis et me gratte l'arrière de la tête, gêné par la piètre impression que je lui offre.
« Oui euh... pardon ! »
Il pouffe avant de répliquer sur un ton taquin.
« Fais attention, ne sois pas trop subjugué par la chambre et son propriétaire... »
Un rictus étire la commissure de ses lèvres. J'écarquille les yeux en comprenant son sous-entendu et le regarde partir, d'une démarche assurée, sûrement fier de son coup. Je sens mes joues se réchauffer —encore !?— et décide de sauver les apparences.
« D'où tu sors ça toi ? » Crié-je pour qu'il m'entende bien.
« Je constate, c'est tout. » Me balance-t-il, levant sa main en l'air, sans se retourner.
Sa silhouette disparaît au tournant du couloir et je reste pétrifié. Comment peut-il dire des choses aussi embarrassantes? Je ne veux pas considérer cette question plus longtemps, je dois me concentrer sur ce voyage et repousser mes doutes. Mes pas suivent ainsi les siens et se pressent à travers les couloirs serpentins. Les longues fenêtres rendent la maison lumineuse, je repère alors le salon et me dépêche. Une immense salle, où des coussins plats recouvrent le sol, les tables de banquet poussées sur les côtés révèlent une cheminée imposante. Les étudiants sont déjà là, en train de discuter. Certains remarquent mon entrée et m'observent, se mettent à chuchoter. Intrigués ou hostiles, je ne saurais dire.
Yoongi frappe alors dans ses mains. Les murmures cessent et les étudiants s'assoient sur des coussins. Il prend la parole devant l'assemblée et annonce le programme.
Les étudiants prendront d'abord leur pique-nique, puis par groupe de six, ils iront visiter la ville avec des personnes qu'ils ne connaissent pas pour pouvoir faire de nouvelles rencontres. Ils reviendront en fin d'après-midi pour un grand jeu de piste dans la montagne que nous allons préparé et pour finir les garçons feront la cuisine pour tout le monde le soir, ainsi que demain matin. Les filles se doucheront pendant ce temps-là. Elles prendront le relais en cuisine demain soir.
« Le dîner est à 20h et nous avons quartier libre jusqu'à minuit. Tout est clair ? » Finit-il.
Des applaudissements et des sifflements fusent dans la salle. Les étudiants nous félicitent de l'organisation. Mon regard rencontre celui de Yoongi, des sourires naissent sur nos lèvres, fiers, et l'angoisse meurt dans mon esprit.
******
Mon bras se tend le plus haut possible et arrive à atteindre la branche sur laquelle je voulais positionner notre dernière balise. Je coche son emplacement sur le plan, un sourire de contentement orne mes lèvres. Tâche finie ! Je jette un rapide coup d'œil à mon portable. 16h00. Les étudiants doivent être déjà rentrés avec Yoongi. Je décide de trainer un peu, de marcher au milieu de la forêt, cacher des regards indiscrets.
Il n'y a que moi et la nature. Cette errance m'est plaisante. Mes pensées ne se bousculent plus, mes sens enveloppés par les parfums de la nature. Une légère brise s'engouffre dans mon tee-shirt et fait frémir les feuilles des arbres. Mes paupières se ferment, mes poumons savourant cet air pur. Mon corps se détend enfin, traversé par ces sensations délicates, naturelles, à l'écart de l'agitation de la ville. Mon voyage s'achève lorsqu'au bout du chemin, des cris de guerre troublent mes tympans.
J'aperçois au loin les groupes, cartes et boussoles en main. Une silhouette se détache de l'amas noir, elle brandit ses bras en l'air et, d'un geste sec, démarre la course. Le troupeau éclate, les étudiants se bousculent et s'élancent à travers la montagne. La foule se disperse petit à petit, et un corps brave les flots. Il me remarque enfin, ses yeux doux se posent sur moi et m'attirent à lui. Un irrévocable désir. Je me rapproche de Yoongi, le seul être qui emplit ce monde apaisant, plein d'images.
« On va s'amuser un peu ? » Me demande-t-il, sourire au coin des lèvres.
Sa question me surprend tout comme elle me réjouit.
« Où ça ? »
« Découvrir la ville, ça te dit ? »
J'hoche la tête avant de m'exclamer, le cœur en fête.
« Avec plaisir ! »
Un sourire rectangulaire doit sans doute déformer mon visage en cet instant, mais cela m'est bien égal... Yoongi le trouve beau.
******
Cette première journée touche à sa fin. Tout le monde est ravi. Beaucoup d'élèves viennent remercier Yoongi pour le jeu et ont hâte de participer aux activités de demain. Entendre leur enthousiasme est notre plus belle récompense. L'ambiance festive ranime la chaleur de mon corps, un bien-être, de la satisfaction, toutes ces sensations belles et plaisantes. Assis seul, j'observe les personnes attablées se parler entre elles, rire. De nouveaux groupes se forment, des amitiés naissent... Le but du séminaire est accompli, le constater me gonfle de joie.
Deux silhouettes me barrent soudain la route. Je sursaute, pris au dépourvu, et observe en silence les deux filles qui viennent de s'asseoir à ma table. Elles m'adressent toutes deux des sourires timides, une rougit un peu, sur la réserve. L'incompréhension escalade mon être, jamais personne n'est venu à ma rencontre. Que me veulent-elles ? L'une a les cheveux teints en blanc, un visage fin et des yeux de biche, tandis que l'autre est presque son contraire, une chevelure rouge flamboyante, un regard sur qui harmonise le reste de ses traits. Elle prend la parole, un sourire radieux fend son visage sérieux.
« Je suis Cho et voici Eun-Ae. » Dit-elle en montrant du dos de la main son amie.
« Nous voulions te remercier pour avoir organisé cette journée qui était super ... » Dit Eun-Ae d'une petite voix.
« On l'a déjà dit à Yoongi mais on voulait aussi te le dire puisque tu en as fait autant que lui. » Ajoute Cho.
Je les considère un moment, reste muet face à leurs remerciements. C'est tout nouveau, personne ne me voit d'habitude. Ils me craignent et me fuient. Pas elles. Leurs mots me touchent bien plus que je ne l'aurais cru. Je réponds à leur sourire sincère.
« Merci de me le dire ... Ça me fait très plaisir. » Leur avoué-je, hésitant encore.
Une mine étonnée détende leurs visages, elles aussi s'immobilisent, me jaugent un moment. Mon attitude leur échappe. Peut-être me voyaient-elles moins gentil, moins ouvert ? plus rude ? Elles se ressaisissent cependant vite et Cho débute une nouvelle discussion. Leurs yeux sourient, pétillent, cette petite étincelle abaisse mes barrières.
Le dîner continue en leur compagnie. La conversation amenée d'abord timidement, prend divers chemins et embûches, et devient plus naturelle lorsque Yoongi se joint à notre petit comité. Les anecdotes s'enchainent, nos rires les ponctuent, ces moments de partage se tissent dans ma mémoire au fil doré. On ne peut plus m'arrêter, les blagues, les histoires, tout y passe. Mon esprit s'abandonne à l'ambiance légère qui règne à table et cette chaleur dans mon ventre s'intensifie.
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J'émets un long soupir, épuisé par cette soirée riche en émotions, mes muscles endoloris ne demandent que le repos. Je suis obligé de négocier avec chaque partie de mon corps pour enfiler mon pyjama —effort titanesque—. Je me glisse dans le lit, la douceur des draps m'embrasse. Cette journée était géniale, la sortie de cet après-midi avec Yoongi en restera le meilleur moment. Cet alpha a une personnalité des plus insaisissables, son tempérament et ses goûts ne sont pas du tout comme je me les imaginais. Mon monde est entré en collision avec le sien, et cet agrégat de pensées me fascine, m'attire ...
Lorsqu'il parlait de rap, sa passion m'a transporté. Ses mots se buvaient comme la plus pure des sources. Il adore le bubble tea, il avait d'ailleurs oublié son argent et se morfondait devant les précieuses boissons. Quand je suis entré dans le magasin pour lui en acheter un, son sourire a été le plus beau des remerciements. Nous nous sommes ensuite arrêtés à des jeux d'arcades et avons joué sur différentes plateformes. Sa bouille concentrée était amusante.
Yoongi a exposé de nombreuses facettes de sa personnalité et elles m'ont tout plu. Seulement moi, je ne suis pas honnête. Ma poitrine me tiraille, un pieux la transperce et s'enroule de tous les côtés. Je lui laisse voir quelqu'un que je ne suis pas. Le chemin que j'empreinte est parsemé de mensonges noirs. Il fissure son masque pour me laisser entrevoir à l'intérieur tandis que, de mon côté, tout n'a été qu'illusion. Un mirage de l'âme auquel je crois.
La porte s'ouvre soudain en grand et m'arrache un sursaut. Son odeur électrisante plane dans l'air. Mes yeux se ferment instinctivement, feignant de dormir. Les bruits de pas s'arrêtent, je ne sais pas ce qu'il fait. Me regarde-t-il ? Mon corps s'embrase à cette pensée grotesque. Bien sûr que non ! Le bruit des draps m'arrête dans mes réflexions puériles, il s'est allongé dans son lit. J'essaie donc de dormir, néanmoins, un autre détail surgit à présent.
Je vais sentir son odeur toute la nuit ... Espérons que la fatigue m'aide à trouver le sommeil.
******
Mes yeux grands ouverts scrutent le cadran. 02h00. Deux heures se sont écoulées, et même somnoler me paraît impossible. Mes doigts serrent les draps, prêts à les déchirer. Ma raison essaie de retenir ces pulsions sauvages qui se bousculent en moi et gravissent mes limites un peu plus chaque seconde. Ma respiration devient de plus en plus saccadée, sentir cette odeur aussi longtemps me rend fou. Elle s'infiltre sous ma peau et colonise ma tête d'idées malsaines. Mon corps essaie de canaliser ces désirs terrifiants, pris de puissants spasmes.
Malgré tous ces efforts, la fatigue prend le dessus. Mes mains tremblent et mes doigts se détachent un à un des draps. Le manque se ressent dans ma gorge sèche... ce sang qui coule dans ses veines, sublimes rivières, fait frémir mes moindres pensées. Mes canines se mettent à me démanger comme deux brûlures faisant fondre ma bouche. Mon cou meurtri de petites décharges n'arrivent pas à réprimer mes pulsions. Humer cette odeur est une véritable torture à laquelle ma raison cède.
Je me relève, tout doucement, tel un prédateur nocturne épie sa proie. Cet être inoffensif, paisiblement endormi, ne se doutant point du danger qui le guette. Je suis debout en une fraction de secondes. Mes prunelles ténébreuses fixent ce cou si fin, mes canines s'allongent, prêtes à se planter dans sa chair tendre. J'avance dans le noir, guidé par ces envies meurtrières, et tends ma main vers sa nuque, prêt à étrangler ma victime, à la faire sombrer dans le néant.
Je me penche au-dessus de lui, cette peau laiteuse et intacte à un mètre de mes dents acérées. Je m'imprègne une dernière fois de son odeur hypnotisante, prêt à commettre l'irréparable, lorsque mon pied trébuche sur une chaussure laissée là. Je n'anticipe pas ma chute et me fracasse le front contre le bord du lit. Je m'écroule au sol en un vacarme effroyable, une douleur vive transperce mon crâne. La lumière s'allume subitement, Yoongi se réveille affolé et remarque ma présence au pied de son lit. Il s'accroupit de suite à ma hauteur en voyant mon piteux état.
« Tout va bien Tae ? Qu'est-ce que t'as fait ..? » Ses prunelles soucieuses me déconcertent.
« Je... mmh ... le front. » Arrivé-je à balbutier, incertain.
« Tu t'es cogné le front ? »
Je hoche la tête, sans souffler un mot, encore sous le choc. Yoongi reprend, inquiet de mon état.
« Mais pourquoi tu t'es levé ? Qu'est-ce que tu voulais faire ? »
« Mmh euh ... boire un petit peu... » Ma voix se tarit. « À la cuisine. »
« Ok, attends je vais te chercher ça. Ne bouge pas, je reviens. » Il m'offre un petit sourire et quitte la pièce.
Je reste assis au beau milieu de la chambre, un film défile sous mes yeux écarquillés. L'impact m'a fait reprendre mes esprits, mes idées sont remises en place et ma folie me revient de plein fouet. Je n'arrive pas à croire ce qui vient de se passer. Je voulais le mordre, le tuer pour son sang. N'ai-je donc aucun cœur ?
Ma tête se baisse vers le parquet. J'essaie de trouver une échappatoire à la culpabilité qui m'étouffe. Mes paupières se ferment fortement, une nausée remue soudain mes tripes. Ma main vient agripper mes côtes, soutiens ce poids au creux de ma poitrine. Je secoue la tête, perdu, angoissé, les ténèbres s'infiltrent en moi et semblent laisser des sillons d'horreurs sur ma peau. Ces visions de l'esprit me terrifient, je griffe mon torse, mes bras, mon cou, essaie d'enlever ces traces noires de mon corps jusqu'à m'en arracher des bouts de peau. Du sang s'écoule de mes plaies que je mets à frapper comme un fou. La honte et le dégout consument mon âme.
La porte s'ouvre soudain, Yoongi se précipite à mes côtés.
« Tae tout va b- mais qu'est-ce que tu fais ! »
Il s'assoit auprès de moi en trombe et dépose ce qu'il avait dans les bras à terre. Le sol tangue, mon corps chavire. Deux bras englobent alors mon visage et le relèvent. Mon esprit absorbé par des galaxies, je reste pétrifié.
« Taehyung je t'en prie, dis-moi ce qui ne va pas ? »
Une larme discrète glisse sur ma joue, muette et solitaire, ses pouces l'effacent comme si elle n'avait jamais existée. Son toucher délicat ébranle mon cœur où l'amertume se loge. Une montagne de remords s'abat sur moi, je lutte pour ne pas déverser une pluie torrentielle devant lui. Il est si gentil et moi... je me dégoute. Je bascule brusquement la tête en arrière pour qu'il me lâche, je ne veux pas qu'il voit ce monstre au fond de mes prunelles, ce serait trop pour moi.
Mes yeux vitreux fixent un point au hasard, la vie quitte mon corps démuni. Tout ce que j'ai essayé de construire est en train de s'écrouler, il fallait bien que ça arrive. Yoongi s'approche à nouveau mais je le repousse une seconde fois.
« P-pourquoi t-tu restes avec moi ? » Lui demandé-je.
Ma voix se brise, tout comme mon cœur dont les morceaux s'éparpillent dans l'antre de mes démons. Le silence s'étend et résonne en moi. Vide. Mon cœur se serre.
« Parce que tu es important pour moi. »
Ma tête se tourne brusquement vers lui, ses prunelles imperturbables me font faillir. Des perles salées se détachent des mes yeux et s'échouent sur le sol. Le temps s'arrête, seul Yoongi existe. Il s'approche lentement de moi, comme on le ferait à un petit animal terrorisé, et me tend une poche de sang. Je le scrute, ne comprends ni ses mots, ni ses actions, tout me semble irréel. Il réduit alors l'espace entre nous, pose la poche de sang sur mes genoux et dépose avec délicatesse une bouteille d'eau gelée sur mon front.
Le froid m'apaise et écarte pour de bon cette tempête infernale dans mon esprit.
« Si tu bois, tes plaies vont se refermer. La bouteille gelée c'est pour éviter que ça enfle ... Ce serait dommage d'abîmer une si belle personne. »
Un sourire chaleureux étire la commissure de ses lèvres. Ma respiration est courte. Ses paroles me transportent et m'emmènent dans un autre monde. Celui où tout me semble beau et lumineux.
Ses lèvres caressent mon front et mes émotions implosent dans ma tête. Je tiens son haut délicatement par peur qu'il ne se dérobe comme un songe.
« Merci Yoongi ... » Murmuré-je d'une voix tremblante.
De nous deux, tu es le plus incroyable.
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