Reine des glaces
Pourquoi sommes nous si faibles. Pourquoi ne sommes nous pas fait de pierre, comme les murs de nos maisons, de métal comme les robots, d'eau comme les océans, de bois comme les arbres.
Non, nous sommes fragiles, à la moindre difficulté nous oublions, à la moindre contrariété nous abandonnons, au moindre sentiment, la Terre arrête de tourner. Nous sommes faibles. Notre chair nous rend faibles. Notre cerveau nous rend faibles. Notre cœur nous rend faibles.
Moi, je n'ai pas de cœur, tel est mon dicton. Mais est-ce réellement vrai ? Je n'ai pas d'émotions. Je suis de glace. Impassible quelque soit la situation. Alors pourquoi toi, pourquoi toi tu arrives à faire bouger ma peau ?
Quand je te vois, j'ai envie de sourire. Alors que je ne me suis pas accordée ce droit. Quand tu me dis bonjour j'ai envie de te répondre. Quand tu ris j'ai envie de rire. Quand tu passes à côté de moi j'ai le cœur qui bat. Quand tu es triste j'ai envie de te consoler. J'ai envie de te serrer dans mes bras.
Tu me fais ressentir des choses. Mais je n'ai pas le droit ! Alors quand tu souris je détourne le regard. Quand tu me dis bonjour je pince les lèvres. Quand tu ris je ricane, méprisante. Quand tu passes à côté de moi, je regarde mes amies. Si d'amies on peut les considérer. Quand tu es triste je fais mine de ne pas le remarquer.
Je t'ignore. Comme si je ne te connaissais pas. Alors que c'est tout le contraire. Je me souviens de cette période où je m'octroyais le droit d'être joyeuse. On était jeune, on était heureux. Je souriais quand je voyais qu'il faisait beau, je soupirais quand il pleuvait. Je riais quand tu me faisais tourner dans le parc, sur les fleurs, je pleurais quand tu ne pouvais pas venir. J'avais l'impression que mon cœur allait éclater quand je te voyais.
On était beaux, on était amoureux. Et toi, tu m'as abandonnée. Tu es parti. Où ? Je ne l'ai jamais su. Juste avant, tu as préféré une autre à moi. Et puis tu es revenu comme une fleur, quelques centimètres plus grand, quelques octaves plus grave. Et moi, j'étais devenue la reine des glaces.
Qui crois-tu être pour me faire ressentir des émotions au juste ? Tu ne pouvais pas rester loin, le plus loin possible comme tu le faisais, sans revenir bousculer ma vie. J'étais devenue insensible, ça t'as bouleversé. Je le sais. Je t'ai vu. J'ai vu tes yeux s'agrandirent, j'ai vu ta lèvre trembler imperceptiblement, j'ai vu le sourire dépité sur tes lèvres, j'ai entendu le soupire t'échapper.
Et oui. J'avais grandi mais mes vêtements s'étaient raccourcis. Mon visage était devenu impénétrable, en partie à cause de l'épaisse couche de maquillage qui le recouvrait. Et surtout, mon cœur était réduit en miette. Et un cœur réduit en miette, c'est dangereux. Pourtant, contrairement aux autres, je t'ai vu, toi, me regarder comme la pire créature sur Terre. Et ça m'a fait du bien. Les autres, ils étaient à mes pieds, comme des chiens au pied de leur maître. J'étais devenue la reine, et eux mes serviteurs. Alors que moi je cherchais un empereur et une impératrice. J'étais lassée. J'étais prête à partir, à laisser ma couronne.
Mais si tu savais comme je t'ai haï quand je t'ai vu. La haine n'est même pas un mot assez fort. Il n'y a pas de mots dans la langue française pour décrire mon émotion à ce moment là.
Si bien que mon armure est tombée. Une seconde, une infime seconde. Mais tu l'as vu. Tu as vu mes yeux briller. Ma lèvre se retrousser. Mes sourcils se froncer. Ma main agiter nerveusement mes cheveux. Mais tu n'as pas vu le futur en revanche. Tu n'as pas vu ce qui allait se passer. Sinon tu ne recevrais pas cette lettre, et tu le sais. Parce que ce jour là, ça a été le début de la fin. Tu es l'étincelle qui a allumé la mèche. Je suis la bombe. La mèche c'est simplement le monde.
Adieu. Je voulais l'écrire à toi. Parce que tu es le seul à vraiment me connaître. Et moi je pars. Volontairement. Chez les anges. J'abandonne mon masque de glace. J'abandonne Elise. Et je redeviens moi, la petite Lise.
Je retourne rejoindre Papa et Maman. Si tu savais comme j'ai hâte. Ma famille d'accueil n'en ai pas une. C'est un toit, rien de plus.
Je crois que je t'aime à nouveau. Mais soit heureux, c'est tout ce que je te demande. Que ce soit avec Félicie ou avec une autre. Et surtout, ne viens pas me pleurer sur ma tombe. Ça serait trop bizarre. Surtout que je n'en veux pas. Une bombe, ça ne finit pas six pieds sous terre au dernière nouvelle. Moi, je veux être des cendres, le reste de la mèche, le reste de ce qui m'a détruit. Peut être que je suis un phoenix ignoré et que je renaîtrai de mes cendres, qui sait ?
Adieu Marin, adieu.
Tes cendres préférées,
Lise
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