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6. Regalia / La couronne (1/2)

Kristina plissa les yeux lorsqu'Alva tira les rideaux. Elles se regardèrent et, sans un mot, s'activèrent ; la princesse sortit lentement des draps et glissa les pieds dans les chaussons qu'Alva lui avait placés à portée d'orteils.

Le soleil se levant à peine, l'étage était encore plongé dans la pénombre. Alva pencha sa bougie pour en allumer d'autres, tandis que Kristina marchait vers ses armoires.

Le grand jour était arrivé.

Elle ne pouvait plus reculer.

Elle troqua ses sous-vêtements contre des propres, puis Alva toqua à la porte, en signalant ainsi aux autres dames de rentrer, ce qu'elles firent, soutenant à trois la lourde robe et son manteau de fourrure assorti. Des souliers blancs furent apportés par un laquais, qui repartit aussitôt à reculons.

Un corset simple fut pioché dans les coffres et Kristina se positionna, prête à avoir le souffle coupé. Elle rentra son ventre, peu gonflé au vu de ses jeûnes persistants, et pressa sa petite poitrine vers le centre afin d'en sublimer la forme. Ensuite, les camérières l'aidèrent à se glisser dans sa toilette ivoire. L'opération laissa au soleil le temps d'inonder la pièce de sa chaleureuse caresse.

Le tissu, si pur qu'il en réfléchissait les rayons, habillait l'héritière de toute la pureté et l'opulence qui étaient de mise pour une apparition publique. Les manches bouffantes s'arrêtaient au-dessus de ses coudes en quelques plis gracieux et son décolleté arrondi était orné de dentelle et d'un charmant nœud à la naissance du sillon entre ses seins.

Ses fines jambes alourdies par les multiples jupons, elle se rappela avec lassitude tous les escaliers qu'elle allait devoir emprunter. Fin vêtue, elle remercia ses servantes et les congédia.

Ensuite, elle s'assit en face du miroir au cadre d'or qui ornait le mur et Alva vint délicatement lui brosser les cheveux. Kristina contempla le creux violacé sous ses yeux rougis, la moue désabusée de ses lèvres. Les dernières semaines n'avaient pas été de tout repos, avec les retours progressifs de Charles et de nombreuses familles nobles. Les ailes du château étaient bondées d'invités et les couloirs par conséquent saturés d'hostilités.

Pour ne rien arranger, elle n'avait fait que multiplier les activités insipides, comme poser des heures durant face à un peintre à l'haleine fétide, pour un portrait somme toute peu flatteur, qui allait prendre place à côté de celui de son défunt père.

Elle n'avait hâte que d'une chose : en finir avec cette cérémonie de malheur.

Elle se dandina sur sa chaise, ne trouvant aucune position où sa tenue ne lui était pas inconfortable. Alva, qui n'avait pas l'habitude que sa maîtresse soit si muette, l'observa dans le reflet du verre. Tout en sculptant avec soin les boucles soyeuses de sa maîtresse, elle rompit le silence :

— Êtes-vous angoissée, Votre Altesse ?

Kristina baissa les yeux et déglutit :

— Je ne peux cesser de me demander qui me barrera l'allée jusqu'au trône, cette fois-ci...

Sa dame de compagnie lui serra les épaules affectueusement.

— Si vous pensez encore au Ryttare, n'ayez crainte.

La princesse voulut nier mais Alva avait raison. Comme chaque jour, elle pensait à lui. Comme chaque jour, elle revivait la scène, tentait d'y trouver une explication moins douloureuse que la vérité, à laquelle elle devait pourtant se résoudre : les gens n'étaient destinés qu'à la décevoir, tôt ou tard. Seulement, dans le cas du cavalier, il avait eu des raisons qu'elle estimait, plus le temps passait, légitimes. Il avait souffert et tenté de rendre aux coupables le malheur qu'ils avaient abattu sur son existence. Ce qu'elle ne pardonnait pas, en revanche, étaient les mensonges, alors qu'elle s'était pliée en quatre pour racheter de possibles erreurs commises par ses prédécesseurs. Elle s'était livrée à lui, montrée dans toute sa vulnérabilité, et lui, malgré cette intimité partagée, n'avait pas sourcillé à lui planter un couteau dans le dos. Pourquoi avait-il fallu qu'elle s'entiche si fortement de cet homme en particulier ? Qu'il l'obsède alors qu'il l'avait tant brisée ?

Et même si elle voulait, infiniment, croire en des sentiments partagés... Les semaines dernières avaient prouvé qu'il n'en était rien : il avait disparu, sans plus reprendre contact. Pas même une lettre, un couplet à sa destination dans les chansons des bardes du coin...

Pourtant, sachant pertinemment que ce n'était pas réciproque, elle n'avait cessé de penser à lui, de fantasmer leur étreinte, de revivre leurs instants volés.

Elle serra la main de sa dame d'honneur, qui continua :

⸻ Quoi qu'il ait souhaité, vous tuer ou placer un successeur catholique ou athée à la tête de ce pays, il a échoué. La Couronne vous revient et plus personne ne le contestera une fois qu'elle siégera à la place de votre diadème.

Kristina se força à prendre un air serein, providentiel. Alva grimaça puis pointa le rictus de la princesse d'un moulinet du poignet :

⸻ Effacez-moi ce faux sourire et restez authentique.

⸻ Si je ne fais pas semblant, la journée risque d'être soporifique.

⸻ Vous devriez vous amuser !

⸻ J'ai vérifié dans la liste de mes fonctions, je t'assure que cela n'en fait pas partie.

Alva se gratta la paupière, mi-amusée, mi-peinée.

Elles n'eurent pas le luxe de bavarder davantage ; d'autres serviteurs entrèrent et se mirent à grouiller dans la pièce, dans le but apparent d'en ranger le moindre recoin.

⸻ Que..., commença Kristina, avant de voir débouler la comtesse Catherine.

⸻ Christine ! Vous êtes réveillée, splendide !

Kristina inspira et ferma les yeux, tâchant d'occulter de ses perceptions la voix criarde de sa tante. Elle ne les rouvrit qu'une fois les cils badigeonnés de noir, les cernes cachés et le teint rehaussé par les couches de poudre. Ainsi coiffée, ses cheveux mi-longs tombant en cascade sur ses malingres épaules, elle se trouvait presque jolie.

Alva la fit pivoter, s'agenouilla et peignit ses lèvres d'un rouge de vigne.

⸻ Oh, non, cette couleur ne lui va pas !

⸻ Il est apparié au manteau royal, dit simplement Kristina. Je vous en prie Catherine, attendez-moi en bas.

La doyenne recula d'un pas et là s'arrêtèrent ses efforts.

Au terme de ce qui avait représenté bien deux heures de préparation, Kristina se leva. Solennellement, elle fit glisser les branches de son diadème dans ses cheveux et accueillit sur ses épaules la cape en fourrure blanche.

⸻ Prête ? chuchota Alva.

Pour toute réponse, Kristina inclina la tête et emboîta le pas à sa tante, sa traîne tenue par Alva et deux jeunes femmes de bonne famille. Rapidement, tout un cortège de gardes et de nobles se forma autour d'elle dans les couloirs. Les rétines agressées par les couleurs trop vives des différents costumes, l'héritière descendit jusque dans la Cour sans un mot.

Salvius la rejoignit, essoufflé, et marcha à ses côtés. Le conseilleur, à la barbe soigneusement taillée, avait opté pour un ensemble brun sobre qui lui seyait à merveille. Ses manchettes grises renvoyaient à sa chevelure, devenue avec les mois plus sel que poivre.

⸻ Vous êtes sublime, nota-t-il.

Il lui arracha un sourire franc, même un rougissement.

⸻ Je vous remercie, Salvius.

⸻ Les convives sont toutes installées dans l'église. Quand souhaitez-vous que les portes du château s'ouvrent pour le peuple ?

⸻ Directement après la cérémonie. Le buffet les attendra dans la salle de réception.

⸻ Entendu, Votre Altesse.

Il s'éclipsa.

La file, elle, continua jusqu'à l'entrée fermée de l'église du château, excentrée du palais. Les rites liminaires étaient loin d'être les plus divertissants lors d'un couronnement, mais Kristina avait grandi toutes ces années en rêvant du jour béni où lui seraient remis les insignes royaux. Elle y avait tant été préparée qu'à cet instant elle ne sut pas exactement si elle y aspirait encore.

Elle ne put douter davantage : les battants s'ouvrirent. Elle réajusta son manteau, releva le menton, noua ses mains comme on le lui avait appris et suivit les gardes, ses enjambées calées sur celles de ses prédécesseurs. La foule, d'abord bruyante, se tut à mesure que les yeux se posaient sur elle. La future souveraine de Suède.

Elle fut happée par le brasier impatient de l'assemblée comme par les flammes de l'enfer. Réfrénant son excitation et son appréhension mélangées, elle réduisit dignement la distance qui la séparait de l'autel, où un prêtre protestant en toge l'attendait.

Toute sa vie, tout lui avait été dicté : quand sourire, quand se taire, quelle tenue porter, quel mot employer, ce qui était convenable ou non de faire, en tant que femme et en tant qu'être. Mais si, adolescente, elle avait pu envier la place sur le trône en se disant que cela allait prendre fin, elle avait fini par comprendre qu'au contraire, elle était bien loin d'être au bout de ses peines. Elle allait gouverner une nation mais n'allait toujours pas pouvoir en faire de même avec sa propre vie.

Comme le voulait la tradition, son tuteur vint lui prendre le bras, scellant son sort...

Oxenstierna avait fait des efforts physiques considérables pour gommer sa laideur naturelle, mais il l'écœurait toujours. Ils n'avaient cessé de se crêper le chignon ces dernières semaines, l'un persuadé que l'autre eût commis des atrocités, ne cachant rien de l'animosité qu'ils éprouvaient réciproquement.

⸻ Avez-vous encore quelconque contestation à émettre ? piqua Kristina. Avant de ne plus avoir mot à dire ?

⸻ Ne croyez pas pouvoir vous passer de moi si vite, lui glissa le vieillard. Porter une couronne ne donne aucun pouvoir. C'est l'attitude de celui qui la porte qui en fait un objet puissant. Vous en prendrez conscience sans tarder.

Elle frémit à la menace insidieuse de son régent. Il lui fallait l'éloigner au plus vite, avant qu'il ne revienne avec un autre bâtard pour l'évincer du pouvoir.

⸻ Que Dieu me foudroie le jour où cela arrivera, siffla-t-elle en gardant la face, car cela signifiera que j'aurai sombré dans la folie !

Elle allongea le pas, s'émancipa symboliquement de son ancien conseiller, qui partit s'adosser à une des colonnes en pierre.

Elle salua d'un mouvement impersonnel de la tête l'homme de Dieu, au couvre-chef prudhommesque. Son regard aurait fait fuir n'importe quel monarque mais Kristina se mit à genoux au pied de l'estrade.

Les formalités du pouvoir n'ayant plus de secret pour elle, elle répéta les textes qu'on lui avait appris et prêta sermon au Konungaförsakran, qui garantissait les droits du Riksdag. Par cet engagement, elle promettait de collaborer avec les États et de les consulter sur toute question de politique étrangère.

Suite à cela, des représentants de l'Église lui ôtèrent sa cape pour recouvrir son corps accroupi d'un soyeux manteau de pourpre, égayé de lys dorés.

Sa tiare fut troquée contre l'inespérée couronne en soie d'argent, forgée d'or et de pierreries bleu lagon, dont les pics, menaçants, semblaient promettre la force et le courage à celui qui la porterait. C'était la couronne des héritiers.

Le prêtre tendit sa main ; glissant ses doigts dans sa paume ouverte, elle se releva en ayant l'impression d'être une toute nouvelle personne.

Et enfin, la voie fut libre vers son trône, qu'elle découvrait pour la première fois.

En argent, il avait été façonné spécialement pour cette occasion : posé sur un tapis rouge, il lui permettait une large assise, accentuée par l'écartement ridicule des quatre pieds et ses courts accoudoirs ivoirins. Un coussin épais, du même coloris que le reste du meuble, lui garantissait un confort qui contrastait avec la dureté esthétique du siège. Le dossier, droit, rigide, était surplombé de deux femmes sculptées dans le marbre qui tenaient de leurs bras l'appui-tête, une couronne de diamant culminant au sommet.

Elle s'assit, les doigts crispés sur le sceptre qui lui avait été remis, et ses sujets se levèrent pour l'acclamer.

En ce 20 octobre 1650, Kristina venait d'être sacrée « roi » de Suède.

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