20.Les deux garçons de ma vie...
Hugo et moi, nous nous voyons tous les soirs vers dix-sept heures. Je marche vers le centre ville où il habite, juste derrière la cathédrale, rue des frères .
Il prends une douche et nous sortons. Marylou m'a donné la permission de minuit. Mais dès septembre c'est fini ! A-t-elle décrété, tu entres en première alors, le bac d'abord!
J'ai ri : "Mais toi tu ne l'as pas le bac! "
Raison de plus a-t-elle rétorqué, il faut au moins qu'il y en ait deux sur trois, à cause des statistiques familiales qui vont chuter.
J'ai pouffé de rire, elle aussi.
Elle n'a pas encore accepté de rencontrer Hugo, mais je sens qu'elle commence à y songer. En tout cas, elle m'a demandé pardon de ne pas m'avoir divulgué l'info de l'annonce dès le premier jour. Car si je n'avais pas allumé le poste ce soir là, je serais encore bredouille à l'heure qu'il est, entrain de me perdre en suppositions. Peut-être même n'aurais-je pas revu Hugo de tout l'été et fatalement à la rentrée, nous aurions fini par nous croiser car m'a-t-il assuré << J'aurais fait toutes les sorties du lycée...>>.
Un tel dévouement prouve qu'il m'aime. Ou alors l'amour n'existe pas.
Mais tout le monde sait que l'amour existe. Et moi la première puisque je le vis aujourd'hui.
Grâce à lui, je passe un été de rêve. Pourtant on ne fait rien d'exceptionnel.
On parle théâtre, on boit des pots sur les terrasses, on canote sur le lac de l'Orangerie, on marche main dans la main au hasard des rues. Je découvre un Strasbourg nouveau. Même le parc de l'orangerie m'apparaît sous un autre visage.
Plus romantique, plus fou, plus mystérieux.
Hugo m'a appris qui est Julia : sa cousine. Elle habite en Australie et il ne l'a pas vu depuis trois ans. Elle a seize ans comme moi et est aussi blonde que je suis brune.
Apparemment, ce sont les brunes qu'il préfèrent...
Je distingue une deuxième mélodie. Aah le téléphone... Juste pendant que j'écoutais l'hymne à la joie de Beethoven, quand je suis contente, c'est toujours vers la musique classique que je me tourne.
Je décroche le téléphone. Au premier son de sa voix, je sais que c'est Bob.
Bob: J'aimerais réunir les membres de la troupe qui ne sont pas en vacances ou qui sont déjà revenus. J'ai quelque chose à vous annoncer... Je n'ai pas envie d'attendre la rentrée..
Je l'écoute attentivement. Il me fournit quelques anecdotes sur son périple dans les Andes. Je rigole à quelques unes de ses blagues.
Je serais Antigone, je le veux. Je ferais tout pour avoir ce rôle. D'ailleurs je l'ai déjà. Bob m'extirpe de mes pensées.
Bob: Il ne s'agît pas d'Antigone. J'ai décidé de ne pas mettre cette pièce en scène. Ce sera pour plus tard peut-être ...
Moi: Ce sera quoi alors? Boris Vian?
Il rit et enchaîne d'un ton moqueur .
Bob: Tu le sauras ce soir petite curieuse... Au fait, tu n'es pas obligée de venir seule... Même les non comédiens sont les bienvenus. On boira le pot de l'amitié pour fêter ce bel été.
J'approuve ce qu'il dit. Il raccroche non sans m'avoir dit à ce soir.
Pendant ce temps je sens que je vais me torturer les méninges jusqu'à ce soir pour essayer de découvrir ce que ce sacré Bob est en train de mijoter.
En attendant, je pourrais appeler Hugo pour l'inviter à m'accompagner a cette soirée. Je risque de tomber sur sa messagerie. À onze heures du matin, il doit être à la piscine avec ses gamins du centre de vacances mais je tente le coup.
Heureusement, il décroche à la quatrième sonnerie. Moi qui voulais raccrocher. J'entends des cris et des rires en arrière-fond.
L'an prochain, je ferai le BAFA, afin de pouvoir travailler avec lui en été.
Nous nous occuperons des enfants ensemble.
Il est d'accord pour ce soir.
Hugo: Je suis content que tu me le propose mumure-t-il, même si je ne fais pas de théâtre, j'ai envie de partager un peu ta vie... Et c'est au théâtre qu'on s'est rencontrés.
Il a raison, moi aussi j'aimerais partager avec lui sa passion pour l'écriture, mais je suis incapable d'écrire une phrase qui tienne débout. C'est Lamentable.
J'entends encore la sonnerie du téléphone. Il y a des jours comme ça, mais ça me plaît. Au moins, ça prouve qu'on pense à moi!
C'est Sophie que Bob vient d'appeler et qui me demande ce que je pense de cette réunion surprise.
Moi: En tout cas, je te l'apprends en scoop, on ne jouera pas Antigone
Sophie: Tant mieux! Déclare-t-elle, je n'aime pas trop, morbide, tous ces morts...
Moi: Je te signale quand même que c'est une tragédie...
Sophie: Justement! Moi je voudrais une comédie pour changer un peu ... une pièce de Feydeau ou d'Oscar Wilde, il a écrit des trucs marrants qui passent bien sur scène...
Une comédie... Pourquoi pas? Depuis que je suis amoureuse, je suis prête à tout. Même prête à penser qu'il n'y a pas que des tragédies dans la vie.
Que la vie peut-être douce et tendre comme de la soie sauvage...
Nous parlons un peu puis elle raccroche.
Encore le téléphone qui sonne!
Décidément, aujourd'hui on m'aime beaucoup.
C'est ma tante en larmes.. De joie me dit-elle.
Tante Zoé: J'ai quelque chose à t'annoncer.
Elle m'annonce, non sans pleurer.
J'en perds la voix une fraction de seconde puis m'exclame:
Moi : Mais c'est génial ! Je vais enfin avoir un cousin, un petit frère!
Elle rit a travers ses pleurs.
Tante Zoé : À part vous deux, mes chéries, je n'ai encore informé personne! Tu te rends compte? Un premier enfant à quarante ans!! Ce n'est rien qu'un Miracle de Dieu! Et pour une fois la science n'y est pour rien, puisque le bébé s'annonce tout a fait naturellement.
Je promets de garder la nouvelle secrète pendant quelques temps encore. Tante Zoé n'est pas complètement rassurée, mais moi je sais que le bébé est un garçon et qu'il poussera tranquillement dans le ventre de sa mère jusqu'à ce qu'il soit assez grand pour qu'on le prenne dans nos bras.
J'aimerais qu'il s'appelle Jérémie mais je ne sais pas si c'est une bonne idée. Il est peut-être préférable de lui donner un prénom neuf, et non celui d'un petit garçon qui n'a pas eu le temps de grandir.
Je caresse doucement la photo où Jérémie sourit dans un cadre d'argent. Je l'aime beaucoup. Je l'aimerais à travers tous les autres, à travers Hugo, à travers ce bébé qui va naître, à travers les enfants que j'aurais un jour, et a travers tous les neveux que mes sœurs me donneront.
Jérémie, Hugo, je vous aime
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